Une étude menée par des chercheurs rennais de l'Inserm pointe les effets de l'ibuprofène sur les jeunes hommes sportifs. Cet antalgique entraîne un déséquilibre hormonal en impactant la production de testostérone et d'autres hormones testiculaires.
L'ibuprofène a un impact négatif sur la production hormonale des hommes, c'est ce que démontre une étude récente menée par une équipe de chercheurs. Les résultats de leurs travaux ont été publiés dans Proceedings of The National Academy of Sciences.
Une prise soutenue qui conduit à un déséquilibre hormonal
L'ibuprofène apparaît comme fortement consommé par les athlètes souligne Bernard Jégou directeur de recherche à l’Inserm et directeur de la recherche de l’école des hautes études en santé publique et coordinateur de l'étude. "On leur dit d'en prendre de manière préventive, pour se prémunir des blessures." Or dit-il "son effet bénéfique n'a jamais été démontré et les effets négatifs sont déjà bien connus comme les problèmes rénaux, les insuffisances cardiaques etc..."
Cette nouvelle étude vient compléter cette liste. Elle révèle en effet que la prise soutenue d'ibuprofène entraîne chez de jeunes hommes sportifs un déséquilibre hormonal habituellement constaté à un âge plus avancé, appelé "l'hypogonadisme compensé".
Bernard Jégou explique que l'essai clinique a démontré que : "le dialogue entre les testicules et l'hypophyse (qui permet le maintien des niveaux hormonaux habituels chez l'homme) est complètement altéré." La culture et la réplique corroborent le phénomène en montrant que l'ibuprofène agit directement sur la production de testostérone et deux autres hormones testiculaires. Les risques : accroître les risques déjà liés au médicament, une altération de la condition physique et de la santé reproductive.
Cette recherche est menée depuis trois ans par les scientifiques rennais de l'Inserm au sein de l'Irset (Institut de recherche en santé, environnement et travail), Bernard Jégou et Christèle Desdoits-Lethimonier, ainsi que leurs collègue Danois Møberg Kristensen, des chercheurs de Nantes, avec l'appui du CHU de Rennes.
Plusieurs éléments ont permis ce constat :
- un essai clinique sur 31 hommes volontaires et sportifs, âgés de 18 à 35 ans, dont la moitié a pris de l'ibuprofène, entre 15 et 44 jours
- des cultures d'organes exposés à l'ibuprofène, grâce à la collaboration de familles et du CHU de Rennes
- des cellules d'orgine humaines qui produisent de la testotérone qui ont pu être répliquées en culture
Les perspectives de cette étude
Pour Bernard Jégou, il ne s'agit pas de se montrer alarmiste mais de rester vigilant. Certains personnes sont obligées d'en prendre régulièrement pour des problèmes de rhumatismes. Pour ces personnes-là, la question porte sur le suivi sur les effets à long terme.
Les prochains objectifs à la suite de cette étude "c'est de savoir si pour des doses plus faibles, on observe ces déséquilibres. Il faudra aussi voir quelles sont les conditions de la réversibilité. Enfin, à partir du moment où il y a des effets perturbateurs endocriniens sur l'homme, il va aussi falloir investiguer sur les jeunes femmes sportives."
Les chercheurs ont déjà montré les effets délétères potentiels de l’aspirine et du paracétamol sur le testicule adulte humain et de l’ibuprofène sur le développement testiculaire pendant la grossesse, avec l’appui des collègues du CHU de Rennes, de David Møberg Kristensen et ses collègues danois, et de chercheurs du LABERCA de Nantes.