Son fils se prénommait Imad. Il était militaire, le premier tué à Toulouse par le terroriste Mohammed Merah, le 11 mars 2012. Depuis ce drame, pour ne pas laisser à la violence le dernier mot, Latifa Ibn Ziaten a fondé l'association "Imad pour la Jeunesse et la paix ". Et elle sillonne la France, pour porter un message de respect mutuel, d'ouverture aux autres. Elle est dans le quartier du Blosne à Rennes tout le week-end.
Imad a été abattu en 2012 par Mohammed Merah, au seul motif d’être militaire. Quelques semaines après le drame, Latifa ibn Ziaten, la mère d'Imad va se rendre dans le quartier, où il est tombé. "L'un d’entre eux m’a dit, c’est fini pour nous madame. On est mort déjà, mais vous êtes une femme courageuse, de venir jusqu'ici chercher l'assassin de votre fils. Tendez la main à cette jeunesse, parlez avec elle. Et c’est comme ça, que je leur ai dit, vous êtes l’origine de ma souffrance et moi je vous tends la main... J'étais vraiment dans la souffrance. Vous savez, quand vous perdez un fils de 30 ans, c’est le plus dur !"
Depuis, pour honorer la mémoire de son fils, Latifa s'est lancée dans une lutte contre la radicalisation. Inlassablement, avec l'association "Imad pour la Jeunesse et la paix", qu'elle a créé, elle sillonne la France pour porter son message. Elle est à Rennes tout ce week-end.
Un message d'espoir pour les jeunes issus de l'immigration
Des habitantes du quartier du Blosne à Rennes, qu'elle est venue rencontrer, assurent que la jeunesse a besoin d’entendre le message d’espoir de Latifa ibn Ziaten.
Assia Khald, étudiante de 22 ans, évoque l'enfermement social dans lequel sont enfermés les jeunes des quartiers, comme le Blosne "C'est vrai que moi, quand j’étais en 6e, 5e, raconte-t-elle, j'ai entendu tous ces discours 'tu crois vraiment que je pourrai devenir avocat ? Tu crois vraiment que je peux devenir quelqu'un dans la vie ?' Ce sont des jeunes qui n’ont pas de perspectives, conclut la jeune fille. Ils ne se sentent pas capables de pouvoir réaliser quelque chose dans la société."
Nazha Taoufik, médiatrice interculturelle à Langophonies, œuvre au quotidien pour la promotion de la diversité des langues et des cultures, elle aussi est touchée par le message d'espoir porté par Latifa, destiné à la jeunesse et aux enfants issus de l'immigration. "C'est pour eux que c'est le plus difficile et chez eux qu'il peut y avoir des revendications identitaires, témoigne-t-elle. Pour nous, c'est important de donner de l'espoir à ces jeunes, en leur disant que 'oui, vous êtes pleinement Français, oui, vous allez subir des discriminations', C'est ce que dit Latifa. Pour ces jeunes dans les quartiers, dits sensibles, les perspectives sont plus difficiles, mais il faut quand même se battre et on peut y arriver."
Onze années à aller au devant des jeunes et à les écouter
Latifa se bat contre les discriminations, contre des cités gangrenées par le trafic de drogue ou encore pour l’accès à la culture. Elle raconte que cela fait onze années maintenant qu'elle fait ce travail, qu'elle donne des conférences dans les établissements scolaires, dans les prisons, dans les foyers fermés, mène des projets éducatifs. Tout le travail avec l'association sur le terrain, explique-t-elle, c'est pour ne pas avoir un autre Merah, c'est le but. Travailler avec les jeunes sur les valeurs et sur le respect.
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Vous savez, quand vous entrez dans une classe et que vous avez 200 ou 300 élèves en face de vous, rapporte-t-elle, avec certains qui portent une affiche avec le nom de Imad, je dis mon Dieu, qu’est-ce que c’est fort ! C'est beaucoup d’émotion. Je me dis, j’ai perdu un Imad et j’en ai plein de Imad ici. Alors, j'ai perdu un fils et aujourd’hui, j'ai beaucoup de fils. Quand je sauve un enfant, pour qu'il ne parte pas en Syrie, quand j’aide un jeune à prendre le bon chemin. Mon fils est parti, mais avec tout le bien que je fais, je vois Imad grandir à travers l'association, il est toujours là."
(Avec Anaïs Guérard)