Environ 200 personnes se sont rassemblées ce mardi 13 avril à Rennes, réclamant une PAC plus juste. Parmi elles, Gwénaël Floch, maraîcher en Ille-et-Vilaine. En mars dernier, il a reçu la visite du ministre de l'Agriculture en réponse à un courrier de mécontentement qu'il lui avait envoyé.
"Pour une PAC plus juste, pour des paysans plus nombreux". Accroché en haut de la cabine d’un tracteur, le message est clair. Il résume en quelques mots les inquiétudes des paysans qui se sont réunis à l’appel de la Confédération Paysanne, ce mardi 13 avril, devant l’ancienne préfecture Martenot au centre de Rennes.
Une des étapes de la tournée en France de la Confédération Paysanne, alors que se décident, en ce moment même, au ministère de l’Agriculture, à Paris, les détails de l’application de la PAC (politique agricole commune) en France. Le temps donc pour le syndicat agricole d’avancer ses revendications.
"Chaque État possède une grande marge de manœuvre pour la redistribution des aides"
Parmi les quelques deux cents personnes venues du grand Ouest, Gwénaël Floch, maraîcher bio à Maure-de-Bretagne en Ille-et-Vilaine. En novembre dernier, il a écrit au ministre de l’Agriculture Julien Denormandie, pour lui faire part de son désaccord avec les orientations prises par ses services, concernant la mise en pratique de la PAC en France. "Il y a beaucoup de subsidiarités pour les règles agricoles européennes, explique Gwénaël Floch. L’Europe dresse les grandes lignes, mais chaque État possède une grande marge de manœuvre pour la redistribution des aides."
Rassemblement d'une centaine de personnes devant l'ancienne préfecture de #Rennes à l'appel de la #confpaysanne. Pour des aides #PAC proportionnelles au nombre de salariés et non à la surface de l'exploitation . pic.twitter.com/jo5VIhSeyS
— France 3 Bretagne (@france3Bretagne) April 13, 2021
"30% de l’agriculture française est exclue de la PAC"
A l’image de son syndicat, la Confédération Paysanne, Gwénaël Floch demande une révision des critères d’attribution des aides agricoles européennes : "30% de l’agriculture française est exclue de la PAC, souligne le maraîcher. Et 20% des plus grosses exploitations touchent 60% des aides."
Rien d’étonnant puisque l’essentiel des subventions (le premier pilier) est versé au prorata de la surface. En d’autres termes, plus l’exploitation est grande et plus elle bénéficie des subsides de l’Europe.
Des productions plus gourmandes en surfaces agricoles, par exemple les céréales, vont donc automatiquement recevoir beaucoup d’aides. A contrario, les producteurs de légumes ou de fruits, travaillant sur de plus petites superficies ne toucheront quasiment pas d’aides venant de la PAC.
Un système pointé du doigt par la Cour des comptes en 2019.
Plus de main d'oeuvre donc plus d'emplois sur les petites exploitations
"Un petit exploitant va se concentrer sur la qualité, poursuit Gwénaël Floch. Et il va embaucher plus de main d’œuvre. Moi, dans mes serres, je ne peux pas passer de machines agricoles donc tout est fait à la main."
Pour produire des tomates, des aubergines ou des courgettes sur ses 4 600 m2, Gwénaël Floch emploie six personnes et ne touche aucune aide. "Sur 4.5 ha, je dégage le même chiffre d’affaires qu’un céréalier sur 140 ha (une surface multipliée par 30). Mais j’ai beaucoup plus de charges salariales."
Gwénaël Floch prône une nouvelle agriculture avec de plus petites surfaces, employant plus de personnes (environ le double pour une même unité de surface) : "Toutes les aides de la PAC ne doivent pas être conditionnées au nombre d’hectares, elles doivent être un filet de sécurité en cas d’aléas : climat, épidémies ou chute des cours par exemple."
Dans la droite ligne de son syndicat, Gwénaël, souhaite aussi que la France active l’aide forfaitaire "petite agriculture" comme l'ont déjà fait la Roumanie, l’Italie, la Bulgarie et le Portugal.
L'aide "petite agriculture" de 1250 €/an est laissée au libre arbitre de chaque État et la France ne l’utilise jamais.
La Confédération demande à ce que toutes les petites exploitations puissent en bénéficier, de manière inconditionnelle. Mais où trouver l’argent ? "En plafonnant certaines subventions, voire en en supprimant à certains gros bénéficiaires", avance Gwénaël Floch.
Un changement de paradigme, qui froisse évidemment une partie du monde agricole. C’est ce que le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, est venu répondre en personne à Gwénaël Floch, le 5 mars, lors d'une visite sur son exploitation à Maure-de-Bretagne.
Si je donne des aides à de nouveaux agriculteurs, à qui j’en enlève pour compenser ?
Et si, tout simplement, les paysans pouvaient vivre de leur travail ? Une idée à cultiver…