Il comparaît devant la cour d'assises de Paris pour "génocide et crimes contre l'humanité" en 1994 au Rwanda. Arrivé en France cinq ans plus tard, Philippe Hategekimana s'était installé à Rennes comme agent de sécurité, à l'université de Rennes 2.
Philippe Hategekimana comparaît à partir de mercredi devant la cour d'assises de Paris pour "génocide, crimes contre l'humanité et participation à une entente" en vue de la préparation de ces crimes.
Cet ancien gendarme rwandais, qui avait quitté son pays après le génocide, était arrivé en France en 1999, où il avait obtenu le statut de réfugié sous une fausse identité.
Domicilié dans la région de Rennes, il s'était reconverti comme agent de sécurité à l'université de Rennes 2, et avait été naturalisé français en 2005, sous le nom de Philippe Manier
Douze ans plus tard, il avait quitté la France pour le Cameroun où il avait été interpellé en 2018 en vertu d’un mandat d’arrêt international délivré par un juge d’instruction du pôle "crimes contre l’humanité" du tribunal de grande instance de Paris. Extradé vers la France, mis en examen, il avait été placé en détention provisoire en 2019.
Soupçonné d'avoir organisé et participé à plusieurs massacres en 1994
Agé de 66 ans, l’ancien adjudant-chef à la gendarmerie de Nyanza au sud du Rwanda), est soupçonné des meurtres de dizaines de Tutsi dont le bourgmestre de Ntyazo, Narcisse Nyagasaka, qui résistait à l'exécution du génocide dans sa commune. Philippe Manier, qui conteste les faits, est aussi suspecté d'avoir ordonné l'érection de barrages routiers "destinés à contrôler et à assassiner les civils tutsi".
Selon les plaignants, il aurait "joué un rôle important dans la perpétration du génocide". Il aurait "usé des pouvoirs et de la force militaire qui lui étaient conférés par son grade afin de commettre et participer en tant qu'acteur, coauteur et complice au génocide" notamment en participant "activement à l'organisation des exterminations à Nyanza et dans les villages alentour".
Outre le meurtre du bourgmestre de Ntyazo, il lui est notamment reproché "l'attaque et le massacre" de 300 civils Tutsi réfugiés sur la colline de Nyamugari, le meurtre d'une religieuse, "Maman Augustine", ainsi que son rôle dans l'attaque de centaines de civils tutsi réfugiés sur la colline de Nyabubare. Environ un millier de civils ont été tués au cours de cette attaque.
Le génocide au Rwanda : 800 000 morts selon l'ONU
Quarante parties civiles, dont le Collectif des Parties civiles pour le Rwanda (CPCR), la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) et des rescapés ou proches de victimes, se sont constituées dans ce dossier. Le procès est prévu jusqu'au 30 juin.
L'ancien adjudant-chef est le cinquième accusé renvoyé aux assises en France pour des crimes commis au cours du génocide au Rwanda, qui a fait plus de 800.000 morts selon l'ONU, essentiellement des Tutsi exterminés entre avril et juillet 1994. Le procès est prévu jusqu'au 30 juin.
"Tolérant" et "sentimental" selon ses mots
Philippe Manier se décrit comme "un homme droit, correct, qui n'aime pas les bêtises" et se dit "tolérant" et "sentimental". Longtemps, le sort judiciaire des suspects réfugiés en France a été un des points de tension dans la relation compliquée entre Paris et Kigali, empoisonnée par la question du rôle de la France dans le génocide.
Le ton est désormais à l'apaisement depuis le rapport de la commission d'historiens présidée par Vincent Duclert, qui a conclu en mars 2021 à des "responsabilités lourdes et accablantes" de Paris lors des massacres.
Dans le cadre des efforts de normalisation des relations franco-rwandaises, Emmanuel Macron s'est engagé "à ce qu'aucune personne soupçonnée de crimes de génocide ne puisse échapper à la justice".
Avant ce procès, quatre dossiers liés au génocide au Rwanda ont donné lieu à des procès en France, dont deux sont définitivement jugés.
Un autre procès lié au génocide au Rwanda est prévu à Paris d'ici la fin de l'année, celui du médecin rwandais Sosthène Munyemana, installé en France depuis septembre 1994.
AFP