REPORTAGE. Space 2023. Solaire, éolien, les éleveurs sont-ils destinés à devenir des producteurs d'énergie ?

Pour cette édition 2023, le Space, deuxième plus grand salon de l'élevage en Europe, a choisi l'énergie comme thème principal. Et ce n'est pas un hasard. Beaucoup d'éleveurs sont tentés par l'installation de panneaux solaires ou d'éoliennes dans leurs champs. Pour l'autoconsommation et la revente. La production d'énergie est-elle en train de devenir une activité à part entière des agriculteurs ?

Avec près de 350 exposants et plus de 100 000 visiteurs venus des quatre coins du monde, le Space, comme chaque année, fait de Rennes la capitale de l'élevage durant trois jours. Pour sa 37e édition, le salon international de l'élevage a choisi de mettre en avant le thème de l'énergie. Guerre en Ukraine, inflation, hausse des coûts de l'énergie... Les agriculteurs ne sont pas épargnés par la crise financière.

Pour tenter de maintenir à flot leur trésorerie, de plus en plus d'éleveurs se tournent vers de nouvelles ressources financières, notamment celle de la production d'énergie. Autoconsommation, complément de salaire, revente : les motivations de produire de l'énergie sont nombreuses.

Pour Julien Provost, jeune agriculteur dans le sud du Maine-et-Loire, c'est "surtout un complément de revenus pour maintenir l'élevage" qui l'a poussé à s'intéresser à l'installation de panneaux photovoltaïques sur ses terres, car "l'élevage, c'est la partie la plus compliquée niveau rémunération." "Pour moi, c'est surtout au niveau de la rémunération, pour valoriser des prairies avec nos bovins et ajouter une plus-value par rapport à ce qui peut se faire actuellement" complète-t-il.

Pierre Philippe, lui, agriculteur en Bretagne, partage son avis. "En élevage, aujourd'hui, on subit quand même beaucoup de coûts extérieurs. Si on ramène ça à l'heure de travail, les charges sont trop élevées". 

Les contraintes écologiques "participent à l'évolution du métier"

Au-delà des raisons financières, Julien Provost estime qu'il est important de "redonner une image verte de l'agriculture et de participer au développement des énergies renouvelables". Selon lui, le métier évolue, et allier finances et écologie, c'est compatible : "en tant que jeune, je suis sensible aux énergies nouvelles. L'agriculture tient 80 % du potentiel solaire alors, ce serait dommage de ne pas en profiter !"

La dégradation des sols, causée en partie par le réchauffement climatique, force les agriculteurs à s'adapter. Julien Provost le reconnaît, "on a des sécheresses des terres, qui fait qu'on a de moins en moins d'herbe." Installer des panneaux photovoltaïques dans ses champs permettrait de créer des zones d'ombre, et d'en faire "bénéficier la faune et la flore aussi en plus de l'agriculture". 

Quels sont les risques de dérives ?

Mettre en place des équipements sur des terres agricoles pour générer des énergies vertes peut cependant présenter des dérives pour les agriculteurs.

La production d'énergie est-elle en train de devenir une activité à part entière de leur métier ? Risque-t-elle de prendre le pas sur le reste ? Pour Béatrice Guibert, chargée de territoire dans un groupe d'agrivoltaïsme, "c'est effectivement la dérive qu'il faut surveiller dès le début".

Moi, je suis éleveur avant tout. Je ne sacrifierai pas autre chose pour faire ce métier-là

Pierre Philippe

Eleveur

Certains agriculteurs, voyant une rentabilité financière, "sont prêts à arrêter leur activité, ou à mettre seulement quelques moutons ou faire un petit peu de fauche". La commerciale est ferme : "Tout de suite, on essaie de cadrer les choses pour leur expliquer que ça ne passera pas. C'est une source de rentabilité financière, mais cela doit rester secondaire. Les décrets sur l'agrivoltaïsme définissent bien ce qui est légal de ce qui ne l'est pas".

Pour les éleveurs interrogés, pas question d'abandonner l'agriculture. Julien Provost assure que de "tirer un revenu sans produire", ce n'est pas dans sa mentalité : "Normalement, les terres servent à alimenter et il ne faut pas que ça dérive. On est de plus en plus nombreux sur terre, et plus les terres vont partir ailleurs, plus on va avoir des problèmes de production alimentaire pour nourrir le monde". Pierre Philippe tient, lui aussi, à ne pas lâcher son travail : "Moi, je suis éleveur avant tout. Je ne sacrifierai pas autre chose pour faire ce métier-là"

Une issue positive ?

Passer d'éleveur à énergéticien, la question peut faire débat. Après tout, "être agriculteur, c'est être chef d'entreprise" argumente Béatrice Guibert. "Au lieu de subir les contraintes qu'on leur impose, ils peuvent être acteurs, et avoir leur propre rentabilité", ajoute l'exposante. 

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