Sciences. Des chercheurs rennais découvrent que le bâillement est contagieux aussi... chez les singes !

Selon une publication dans "Scientific Reports" datée 7 janvier 2024, des chercheurs rennais, en collaboration avec des chercheurs de l’Université de Pise (Italie), ont découvert que les sons associés aux bâillements des babouins géladas possédaient une fonction contagieuse semblable à celle des êtres humains. Et les enseignements de cette étude ne s'arrêtent pas là.

Des chercheurs de l’Université de Rennes (laboratoire EthoS - CNRS/Université de Rennes/UniCaen) et de l’Université de Pise (Italie), emmenés par Alban Lemasson, professeur à l'Université de Rennes, ont mené une série d’expériences consistant à faire entendre des sons diffusés par haut-parleur à des babouins géladas au NaturZoo de Rheine, en Allemagne, pour tester une hypothèse : le simple fait d’entendre un congénère bâiller peut-il déclencher des bâillements par contagion chez cette espèce ?

Alban Lemasson est spécialiste de la communication vocale chez les primates et il l'avoue lui-même : "On ne s'attendait pas à ce que ça marche aussi bien car c'est difficile de leurrer des animaux avec un haut-parleur"

Le son d’un bâillement fait bâiller

En effet, les résultats publiés, dans "Scientific Reports" le 7 janvier dernier, sont étonnants : "entendre un son de bâillement fait bâiller le primate, un phénomène qui n’est donc pas propre à l’humain. Cette similitude inattendue suggère une trajectoire évolutive commune, possiblement façonnée par le besoin social d'une communication complexe et d'une bonne synchronisation de groupe", peut-on lire.

"Le pouvoir contagieux des bâillements dépasse les frontières entre espèces. Ce phénomène, observé depuis longtemps chez les espèces très sociales, prend ici une nouvelle dimension remettant en question ce que l’on pensait savoir sur ce mécanisme. Contrairement aux autres primates non-humains, les bâillements des géladas sont bruyants, une caractéristique partagée uniquement avec les humains. Ces résultats révèlent un lien fascinant entre contagion du bâillement, communication auditive et comportements empathiques"

Et si le bâillement jouait un rôle dans le lien social ? 

Dès lors, comme l'explique Alban Lemasson, "c'est un moyen d'essayer de comprendre le parcours évolutif vers l'empathie. Cela permet de souder un groupe, de le rendre plus fonctionnel. Et en ce sens, le babouin géladas est une espèce très intéressante car il fonctionne en rassemblements de petits harems (ce qui est très fréquent chez les gorilles) mais chez les géladas, ces petits harems à 10-20 mètres les uns des autres ne se mélangent pas".

L'étude a montré que l'effet de contagion était renforcé lorsque les géladas entendaient les bâillements des mâles de leur propre groupe, individus ayant une valeur sociale particulière. Cette découverte dévoile un rôle original des vocalisations de bâillements dans le maintien du lien social, notamment en l’absence de contact visuel. En outre, cela suggère un lien potentiel avec les capacités d'empathie, et donc l'idée que les géladas partageraient des traits sociaux avec les humains.

Un parallèle avec la dynamique sociale humaine 

En perçant les mystères des bâillements des géladas, de nouvelles pistes de recherche apparaissent. L'étude souligne "l'importance d'explorer d’autres réponses de divers individus pour comprendre l'impact plus large du bâillement sur la dynamique de groupe dans la nature. En outre, la possibilité que la composante acoustique transmette des informations sur l'identité de celui qui bâille et permette une reconnaissance individuelle ouvre un nouveau chapitre sur la compréhension de l’organisation sociale, complexe et unique de cette espèce.

Cette recherche approfondit non seulement la compréhension de la contagion des bâillements, mais révèle aussi la complexité symphonique de la communication des géladas. À mesure que les recherches sur le langage acoustique de ces singes éthiopiens avancent, les parallèles avec la dynamique sociale humaine deviennent de plus en plus évidents".

Collecte de données en Ethiopie

Des capacités d’empathie ont été suggérées au cours de ces travaux, autrement dit un possible lien entre son et émotion. Pour le confirmer et collecter encore davantage des données, Luca Pedruzzi, doctorant sur ce projet, partira d'ici une semaine en Ethiopie, en collaboration avec l'université d'Addis-Abeba.

Il y fera de l'observation sociale, car les implications de cette recherche dépassent largement le cadre des seuls bâillements. Peuvent-ils aussi jouer un rôle important en régulant les interactions sociales et en renforçant le lien affectif entre les individus ? "Luca Pedruzzi va essayer de trouver la fonction sociale associée à ce bâillement, qui est sonore. De nombreuses questions se posent encore : quelle est la plus-value de cette modalité sonore ? Est-ce que cette fonction de contagion est maintenue même quand les singes ne se voient pas ou que le contact visuel est limité ? Les réactions sont-elles différentes quand c'est un bâillement familier ou non-familier ? Enfin, nous allons essayer de voir ce qu'il y a derrière les composantes acoustiques de ce signal", conclut Alban Lemasson. 

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