La retraite est bien souvent l’occasion de se consacrer à ses passions. Mais pour certains, c’est surtout le moment de s’occuper des autres. C’est le cas de Jean-Claude et Christine, des retraités bretons très investis dans la vie associative.
"Elles sont où mes clientes ? J'ai des clientes mobiles, très très mobiles !", s'amuse Jean-Claude Roger, 75 ans, aussi mobiles que ses "clientes" du Secours Populaire de Rennes. Il s'y est engagé voilà maintenant 6 ans. Depuis la retraite, cet ancien technicien des Télécoms mène ses journées tambour battant. À peine le temps de nous parler, le voilà rattrapé par un autre client à qui il fait "un p'tit ticket" pour qu'il paie.
Le ticket pour le bénévolat, ils l'ont pris en duo avec sa compagne Christine Morette, 68 ans, ex-bibliothécaire. Tout comme lui, elle n'a pas une minute d'arrêt. Elle s'occupe du rayon jouets et livres au Secours Populaire. Cela tombe bien, les livres, ça la connaît : "Vous cherchez du Amélie Nothomb ?" demande-t-elle ? Alors qu'elle a classé des livres par ordre alphabétique toute sa vie, elle se refuse à le faire ici. En revanche, elle est toujours partante pour un conseil de lecture.
Tout est parti d'un vélo
Toute cette aventure associative est partie... d'un vélo, comme le raconte Jean-Claude : "Je suis venu la première fois au Secours Populaire par le biais d'un copain, pour m'acheter un vélo ! Et ce copain m'a dit : 't'as un peu de temps libre ? Tu viens nous rejoindre ?' Et c'est le moment où Christine venait d'être à la retraite, donc on a dit, on va y aller quoi !".
À côté du Secours Populaire, il y a les petits enfants, neuf à eux deux, dont Eliot, 7 ans, en classe de CE1, qu'ils accueillent régulièrement chez eux. Impossible d'échapper à une partie de "Puissance 4", un jeu qu'il adore. Les parties s'enchaînent et elles se finissent toujours par une petite voix et des yeux qui brillent : "On en fait une autre ?". Difficile de résister.
Mon grand-père était très engagé, ma grand-mère aussi, mon oncle, ma tante pareil, tous étaient investis dans la vie associative du village. C'est ce que j'ai connu tout petit et qui m'a passionné. Je suis persuadé que c'est ça qui permettait que les gens s'entendent bien et vivent mieux que ce que l'on peut connaître aujourd'hui
Jean-ClaudeRetraité
Ils font aussi avec lui les devoirs. Et certains mots à apprendre par l'écolier, comme "brave" ou "courageux" résonnent plus que d'autres dans la tête de ces retraités. Le courage est pour eux une valeur fondatrice. Jean-Claude est originaire du Nord et la solidarité fait partie de son ADN : "Mes grands-parents travaillaient à l'usine, se souvient-il. Mon grand-père était très engagé, ma grand-mère aussi, mon oncle, ma tante, pareil, tous étaient investis dans la vie associative du village. C'est ce que j'ai connu tout petit et qui m'a passionné. Je suis persuadé que c'est ça qui permettait que les gens s'entendent bien et vivent mieux que ce que l'on peut connaître aujourd'hui".
De son côté, Christine également a été de tous les combats : "Après 1968, à la fin du lycée et puis à la fac, j'ai commencé à militer dans des organisations de gauche, relate-t-elle. J'ai fait partie d'un groupe de défense des droits des femmes, et après j'ai fait du syndicalisme au sein de la ville de Rennes. C'était une autre forme d'engagement, moins politisé mais plus proche du quotidien", conclut-elle.
Avec Christine, on s'est pris à 62 ans un cancer chacun, le cancer des hommes et le cancer des femmes en fait. A partir de ce moment-là, on a toujours dit qu'on ne s'arrêterait pas, qu'on continuerait à être actifs et à donner un peu de temps.
Jean-Claude et ChristineRetraités
Un engagement associatif chevillé au corps pour Christine et Jean-Claude, renforcé aussi par les aléas de la vie : "Avec Christine, on s'est pris à 62 ans un cancer chacun, explique Jean-Claude. Le cancer des hommes et le cancer des femmes en fait. Et donc, à partir de ce moment-là, on a toujours dit qu'on ne s'arrêterait pas, qu'on continuerait à être actifs dans la vie et à donner un peu de temps".
L'accès à la culture pour tous
Un peu, voire beaucoup de temps. Tous deux sont également engagés dans un autre combat : l'accès à la culture pour tous. Jean-Claude, bercé dans l'éducation populaire, est le cofondateur de "Quartiers en scène", un festival organisé par le Cercle Paul-Bert, avec le soutien de la Ville de Rennes.
Aujourd'hui il a programmé une visite de repérage dans le quartier du Blosne, où avec d'autres il s'est donné une mission. "Ces gens, faut qu'on arrive à les faire descendre des tours, et leur dire qu'on leur emmène un super spectacle au pied de chez eux. On a déjà fait ici des soirées formidables et la salle était pleine".
De son côté, Christine, l'amoureuse des livres, coordonne l'opération "Donnez à lire" avec le Secours Populaire et une vingtaine de librairies indépendantes en Ille-et-Vilaine.
La nuit commence à tomber. Le temps file trop vite. Dans la semaine, Christine et Jean-Claude retourneront aider au Secours Populaire car il faut également gérer l'accueil des donateurs, faire quelques réparations aussi. Et là encore, les talents de bricoleurs de Jean-Claude sont les bienvenus. Jean-Claude qui, tournevis en main devant cette malle en osier, confie : "On répare autant les objets que les humains, vous savez".