C’est mathématique : si les gens partent en retraite plus tard, ils arriveront sans doute plus tard aussi dans les associations pour faire du bénévolat. Le secteur associatif va-t-il connaitre une crise ? Il est trop tôt pour le dire mais si certaines structures restent sereines, d’autres s’inquiètent…
"C’est une évidence, cette réforme des retraites, ça va nous impacter, répond immédiatement Maryline Dumail, la présidente des Restos du cœur des Côtes d’Armor. On a de plus en plus de bénéficiaires, on a besoin de forces vivres, de jeunes retraités qui soient force de propositions et qui aient des compétences."
Déjà, l’association créée par Coluche manque de bras. Au début de la crise sanitaire du Covid, les bénévoles les plus âgés et donc les plus fragiles ont été mis en retrait pour les protéger." La plupart ne sont pas revenus", constate Maryline Dumail. De plus de 1 000, le nombre de volontaires est tombé à 850.
Plus on part tard, moins on aura d’énergie à consacrer aux autres
René Mélou, président de France Bénévolat 35
"Le profil des bénévoles a changé, remarque René Mélou, le président de France Bénévolat 35, une association qui met en lien associations et bénévoles. "Les retraités s’engagent moins, ils ont moins de temps. Et puis, observe-t-il, le contexte économique est compliqué. Pour joindre les deux bouts, certains cumulent retraite et travail, d’autres gardent leurs petits-enfants pour aider leurs enfants qui connaissent des difficultés. Il y a même des familles où les enfants reviennent à la maison. Tous ces gens-là, même avec la meilleure volonté du monde, ils ne peuvent pas venir en plus dans les associations".
"Si demain, le départ à la retraite est reculé à 64, 65 voire 67 ans en fonction des années de cotisations, leur investissement dans le monde associatif ne sera sans doute pas le même, regrette René Mélou. Plus on part tard, moins on aura d’énergie à consacrer aux autres. Le risque c’est que nos concitoyens se replient sur eux, s’occupent d’eux et donc moins des autres. "
Des besoins énormes
Chaque année, dans la seule ville de Rennes, 300 associations voient le jour. Il y a 7 000 aujourd’hui, contre 5 600 il y a 10 ans. 55% d’entre elles confirment qu’elles manquent de bénévoles.
"Dans la capitale bretonne, le Covid a également bousculé les structures en décimant les conseils d’administration : avec la pandémie, les présidents ou les présidentes qui fatiguaient mais qui se laissaient convaincre bon an mal an de rempiler sont partis, et les associations ont du mal à les remplacer. Certaines sont en difficulté alors qu’elles répondent à des besoins de la population énormes."
René Mélou évoque notamment l’accompagnement des personnes âgées isolées. "On essaye de faire en sorte de laisser les gens à leur domicile, mais une fois que l’infirmière et l’aide-soignante sont passées, la journée peut devenir bien longue, il faut des visiteurs ou des visiteuses. À Dinard, une personne sur deux vit seule… et toutes, signale le président de France Bénévolat, ne vivent pas dans une grande maison face à la mer. "
L’association dispose d’un vivier de 3 000 bénévoles prêts à s’engager. Mais "on ne sait pas ce qui se passera demain " commente René Mélou.
Le bénévolat, c’est un engagement !
"Ce recul de l’âge de départ à la retraite, c’est une crainte, reconnaît Gilles Le Pottier, président de la Banque alimentaire d’Ille-et-Vilaine mais il veut rester optimiste. Le bénévolat, c’est un engagement, une vocation. Et puis, au départ, les gens sont un peu sur la réserve, ils disent qu’ils ne viendront que quelques heures, mais quand ils voient l’ambiance, qu’ils mesurent que ce qu’ils font à un sens, ils restent et ils reviennent ! "
Louis Haudebert, président du jardin collectif du canal St Martin, le GAEC, comme "Groupe d’Amis et d’entraide circulaire " espère aussi que ces repos bien mérités tardifs ne changeront pas le fonctionnement du jardin. "Les gens partiront plus tard mais comme l’espérance de vie augmente, il nous reste du temps pour faire des choses" analyse-t-il.
Dans les effectifs de l’association, un des meilleurs "bêcheurs, planteurs et désherbeurs" a fêté ses 77 ans et "il est là presque tout le temps parce que ça lui fait du bien. Quand on est dans notre petit potager, on pense à autre chose, on parle d’autre chose…"
Il veut donc y croire, "les bénévoles viendront, peut-être un peu plus tard, mais ils viendront ! "