Témoignages. Etre enceinte et accoucher en temps de confinement, c'est comment

Publié le Mis à jour le Écrit par Emilie Colin
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Les naissances se voient toutes chamboulées avec la crise sanitaire. Les maternités ont modifié leur organisation tandis que les parents ont dû faire leur premier pas, plus isolés qu'habituellement. 

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"Le seul avantage des apéros visio c'est que j'ai pu arrêter de boire en toute discrétion ou faire semblant avec mes bières sans alcool. C'était plus simple de préserver les débuts de ma grossesse, avant l'annonce." Marie sourit alors qu'elle raconte ses premiers pas vers la maternité. Pour elle tout s'est joué sur les deux confinements : les débuts, et l'accouchement. Il a fallu jouer avec les événements et transformer les rituels. 

Pour annoncer l'heureux événement à ses proches, Marie a fait preuve d'imagination, en visio. "On a utilisé la métaphore de la graine qui pousse et on a présenté un pot rempli de terre, face caméra, avec une photo de l'échographie épinglée" raconte Marie. "Il a fallu prendre rendez-vous avec tout le monde, c'était un peu bizarre. C'est un moment où on a envie de prendre ses proches dans les bras. En plus, c'est le premier petit-enfant dans la famille". 

Puis viennent les consultations, les suivis. A l'époque les restrictions sont nombreuses. "Mon conjoint n'a pas pu assister aux premières échographies, c'était frustrant." Là encore, Marie lui fera vivre l'instant à distance.

Le projet d'un enfant on l'avait depuis longtemps. Rien ne nous aurait empêché de le mener à bien. Il fallait faire quelque chose de positif, de créatif. 2020 ce sera toujours et d'abord pour moi la naissance de notre fils. J'aurais un beau souvenir à mettre en avant.

Marie, jeune maman

 

Avec le coronavirus, à la maternité "on innove"


"On avait fait un petit galop d'essai avec la grippe A, mais une vraie pandémie non, c'est une première" Catherine Bourgault sage-femme coordinatrice à la clinique de la Sagesse à Rennes est dans le métier depuis 1987.  Elle note "On a tout changé en fait. C'est un bel exercice pour faire bouger les lignes, très vite, au sein d'une équipe."

Alors que le premier confinement a vu la région épargnée contrairement à d'autres, la présence du virus se fait davantage sentir pour ce second round. "On a eu des patientes avec la Covid, détectées en fin de grossesse ou à l'accouchement." "Peut-être qu'avec les tests antigéniques, on testera toutes les femmes bientôt, dès l'entrée à la maternité." 

La vigilance est de mise pour les femmes enceintes considérées comme à risques. Elles doivent se mettre à l'arrêt au troisième trimestre, encore plus si elles ne peuvent pas travailler dans un environnement en toute sécurité.

Au sein de la Sagesse, tout le monde se masque, dès l'entrée. Dans la salle d'accouchement, les femmes le portent pendant le travail. Dès qu'il faut pousser, elles l'enlèvent. A ce moment-là les soignants échangent leur masque chirurgical contre un masque FFP2, le fameux masque canard. "Rien ne change pour l'accueil du bébé, elles poussent sans masque, peuvent l'embrasser." "Le porter en poussant c'était inconcevable", se rappelle Marie, "C'est un tel effort !"

Sans les visites, les mamans et les bébés vont à leur rythme. Ils ne sont pas dérangés.

Catherine Bourgault, sage-femme

Les maternités ont réduit les présences autour des mamans. Un seul accompagnant est autorisé de l'accouchement à la sortie. Seule cette personne a le droit de visite ou peut rester dormir sur place, avec une autorisation de sortie par jour. Les autres enfants d'une fratrie ne sont pas admis. "On ne regrette pas cette décision" relève Catherine. Ce choix a en effet eu des conséquences positives : "C'est devenu super calme et serein. Sans les visites, la mère se repose davantage." Autre plus ? "On ne regroupe plus les mamans par exemple pour les bain. Tout est individualisé, les soignants vont directement dans les chambres."

"Certaines maman qui ont déjà eu des enfants nous ont dit que c'était leur meilleur séjour, qu'elles ont plus profité de ce moment."

On était effectivement contents de ne pas avoir de visites. J'étais tellement accaparée par ce qui arrivait. Je mettais en place l'allaitement. On avait besoin d'être dans ce cocon, tous les trois, pour apprendre à se connaître. C'est une bulle où on se laisse porter, avant de rentrer chez soi.

Marie, jeune maman

Marie se souvient que malgré tout, rester confinée dans sa chambre a été un peu pesant. "Au bout de trois jours, j'avais besoin de prendre l'air." Quand vient l'heure du départ, le pédiatre avertit : le bébé ne doit voir personne, car il est fragile. Une consigne que Marie n'a pas respectée. "Les grands-parents sont venus chez nous après. Ils s'étaient testés avant. Affronter le post-partum dans un isolement complet ce n'est pas évident. Quand ma mère est venue, je regardais comment elle prenait le petit dans ses bras. Ces gestes-là, ça ne se transmet pas en visio. Il faut de la spontanéité." 


Une grossesse en catimini


Christine Brunet, psychologue en maternité a vu ses consultations augmenter. "La situation génère de l'anxiété globale, sur l'avenir. Le désir d'enfant n'est par contre jamais remis en question."  Elle ajoute : "Pour les parents, ce qui se joue avec cette criste sanitaire et ces confinements c'est l'inscription de la grossesse sur le plan social. On a une reconnaissance de la femme enceinte et de la future maman qui a été empêchée. L'annonce, le suivi de l'évolution on été bouleversés."

Au premier confinement, on avait peur, on ne savait pas. Au deuxième, tout le monde, les parents et les soignants sont plus accompagnés psychologiquement, il y a besoin de plus d'écoute. On est là un peu de guerre lasse.

Catherine Bourgault, sage-femme

L'inquiétude gagne un peu tout le monde. "Le deuxième confinement est plus pesant, on voit que les gens sont plus tristes. On fait des petits groupes de paroles au sein du personnel, pour déposer" 


Les confinements, vers un sursaut des naissances ?


La Sagesse accueille environ 3600 naissances par an. Pour l'instant, elle ne constate pas une hausse liée au confinement, "il est trop tôt pour le dire" souligne Catherine Bourgault. Deux hypothèses sont possibles avec cette épidémie. D'abord de se dire que les couples se sont retrouvés seuls sans occupation et ont donc eu beaucoup plus de temps de se consacrer à la conception d’un enfant. Ils ont aussi pu avoir une réflexion sur le sens donné à leur vie. Autre piste : celle de la peur du lendemain, favorisée par la crise. Certains couples auront décidé d'ajourner ou de reporter la décision de concevoir un bébé. 

Dans certains pays des études révèlent plutôt une baisse de la natalité, liée en partie aux conséquences économiques de la pandémie. Le Japon s’attend par exemple à voir le nombre de naissances diminuer fortement en 2021, car le nombre de grossesses signalées en mai, juin et juillet dans le pays a diminué de 11,4 % par rapport à l’année 2019 explique Le Monde dans un article (article payant). Les Etats-Unis pourraient connaître cette baisse, de 15 %. 

En juillet dernier, la revue Science (article en anglais) évoquait les conséquences de la Covid-19 et revenait sur d'autres épisodes épidémiques. Les naissances remontent plutôt après, entre 1 et 5 ans après la fin d'une épidémie. 

 
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