Chaque année à la Toussaint, nombreux sont ceux qui se rendent au cimetière pour se recueillir et fleurir les tombes de leurs proches décédés. Cette tradition semble s'essouffler. Comment les jeunes générations considèrent-elles ce rituel ? On vous a posé la question.
Se recueillir au cimetière le 1er novembre, est-ce toujours dans les mœurs ? D'après une étude de 2019 du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, près de la moitié des 18-39 ans ne fleurissent pas les tombes de leurs défunts à la Toussaint, comme le voudrait la tradition. Entre 2007 et 2019, l'étude révèle également que les personnes âgées de 40 ans et plus sont de moins en moins nombreuses à se rendre au cimetière, que ce soit à la Toussaint, ou à un autre moment de l'année.
Pour Elisa et Antoine, lycéens de 16 ans, cette coutume ne se pratique plus autant qu'avant. "Je n'ai jamais vu mes parents y aller, alors ce n'est pas quelque chose qui me vient à l'esprit", déclare l'adolescente. Idem pour Emma, étudiante en sciences politiques : "Ce sont plutôt les anciennes générations qui le font. Dans mon entourage, je ne connais personne qui tient à cette tradition".
Et pour ceux dont les aïeux reposent à des kilomètres de chez eux, la distance peut décourager à se rendre au rendez-vous. "Mon père est enterré à Carcassonne. J'aimerais y aller plus souvent, mais ça fait loin de la Bretagne", regrette Laurence. "J'y vais à d'autres occasions, quand je descends voir ma famille pendant mes congés", nous raconte-t-elle.
Un rituel important pour certains
Mais pour certains, pas question de faire faux bond à la tradition. Valentin, lycéen âgé de 16 ans lui aussi, apprécie particulièrement ce moment : "Avec ma mère et ma grand-mère, on va sur les tombes de mon grand-père et du frère de ma grand-mère. Ça me permet de connaître les histoires de ma famille, de découvrir des facettes de la vie de mes parents ou grands-parents qu'on ne connaît pas forcément". Son camarade Guenole partage son ressenti. "Pour mes grands-parents, c'est important que je sois là. Mais pour mes parents, ça l'est moins. Je pense que plus on s’éloigne de la génération de nos grands-parents, moins on y accorde de l'importance", reconnaît-il.
"L'occasion de retrouver de la famille"
Pour Patricia, sexagénaire et catholique pratiquante, "c'est l'occasion de retrouver de la famille qu'on n’a pas vue depuis longtemps". Mais elle, de son côté, n'attend pas la Toussaint pour aller au cimetière. "Je vais régulièrement mettre des fleurs pour ma fille qui est déjà là-haut. On fleurit sa tombe pour différentes occasions, comme les anniversaires, ou Noël", nous témoigne-t-elle.
À 85 ans, Auguste n'a jamais manqué de célébrer cette étape de l'année "très importante" pour lui. "Chaque 1er novembre, je vais à la messe avec mes enfants et petits-enfants, et ensuite, nous allons au cimetière. C'est un moment en famille, on se rappelle le bon vieux temps, où nos aînés étaient encore là", témoigne l'octogénaire en souriant. Comme chaque année, il a prévu de se recueillir sur les tombes de ses parents et celle de son grand-père, "tué à la guerre de 14-18".
Moins de tombes à fleurir ?
"Je ne juge pas les jeunes qui ne perdurent pas la tradition", assure Auguste. "C'est moins dans l'air du temps, ça se perd un peu", admet-il. Comment expliquer le déclin de ce rituel ? "Je pense surtout que ça vient du fait qu'il y a moins de croyants qu'avant", estime Antoine. Selon lui, "les gens ne pratiquent plus autant la religion que les générations précédentes". Emma explique que ce n'est pas comme cela qu'elle envisage le recueillement : "Je vois plutôt ça comme quelque chose de personnel, ce n'est plus autant ritualisé qu'avant".
Une autre raison apparaît. "De mon expérience, les gens se tournent de plus en plus vers les crémations. S'il n'y a plus de tombes, qu'est-ce qu'on ira fleurir ?", soulève la jeune femme. Si les défunts ne choisissent plus d'être enterrés sous terre, "les gens n'auront peut-être plus l'automatisme d'aller au cimetière", suppose Antoine. "Il y a plein de manières différentes d'honorer ses morts. Y penser, pour moi, c'est déjà faire mémoire", affirme le lycéen.