"Tuer le silence" ou l'importance de la parole pour soigner les traumatismes des militaires. Un film de Richard Bois

Ils sont militaires et ont servi dans des zones de tensions comme le Rwanda, le Mali ou encore l'Afghanistan. Le front leur a laissé de lourdes blessures, physiques et psychiques. La parole comme clef du processus de libération du traumatisme, "Tuer le silence" un film bouleversant de Richard Bois.

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Ils sont cinq militaires, quatre hommes et une femme qui ont servi leur nation sur le front. Cinq interviews qui livrent à visage découvert le drame qu'ils ont vécu et la manière dont la parole leur a permis de se libérer de leur traumatisme.

Bien que théoriquement ces soldats soient préparés à cela, la réalité est bien trop rude pour en sortir indemne, physiquement et mentalement. Une réalité si violente, si brutale qu'elle en parait presque surréaliste.

Le film " Tuer le silence " de Richard Bois

 

Le jour où leur vie a basculé 

Explosion d'un véhicule, fusillade, attaque armée : ils ont vécu de véritables drames, des scènes d'effroi, d'une violence sans pareil.

On a beau être formé à ce type de métier, on est humain. C'est dur à vivre. 

Jean-Louis Zoude

 

Tous décrivent un avant et un après. S'ils sont aujourd'hui guéris de ce traumatisme ou sur la voie de la guérison, ils sont unanimes : ces images, ils les auront à vie. Ces événements, ils devront apprendre à vivre avec. 

Oublier ? Vous n'y arriverez jamais. Maintenant je vis avec comme la plupart des gens qui s'en sont sorti.

Frédéric Cantelou

 

Faire face après le choc

Pilote, Cécile Trompette était dans un véhicule militaire qui a explosé en Afghanistan en 2011. Malgré de lourdes blessures, elle a eu la vie sauve mais a dû quitter sa mission pour se remettre sur pied. Après un tel choc, cette militaire raconte avoir eu l'impression d'abandonner son équipe. 

 

" J'avais l'impression de les abandonner. J'aurai préféré rester là-bas. C'était tellement de stress de ne pas savoir ce qu'il se passait là-bas." 

Cécile Trompette

Hugues Chauvet a été victime d'une attaque d'un Afghan qui a fait 4 morts et 14 blessés alors qu'il revenait d'un entraînement. "J'arrive à avoir mon épouse au téléphone et je lui dis de ne pas s'inquiéter, que tout va bien... " 

 

Je suis sain et sauf, je n'ai pas eu peur donc il n'y a pas lieu de consulter, il n'y a pas lieu d'en parler

Sylvain Mazocco

Pourtant malgré cette volonté de passer outre, les comportements changent. Comme la panique que provoquent maintenant "des flashes, des moments de fatigues, des odeurs, des couleurs, de la lumière ou au contraire une absence de lumière" nous raconte Jean-Louis Zoude, comme des témoins d'un profond traumatisme. 

" Au début on refuse le syndrome post-traumatique, puis avec le temps, on avance et on remarque certaines choses. " confirme Frédéric.

 

Une parole parfois forcée mais libératrice

Après ces d'évènements, beaucoup semblent ne pas réussir à se livrer.

Cécile, raconte ne pas en avoir eu envie parce qu'elle pensait que cela ne lui ferait pas du bien, que des médecins ne pourraient pas comprendre ce qu'elle a vécu.

Jean-Louis raconte ne pas avoir voulu parler, par peur d'être jugé. "On ne peut pas exprimer ses sentiments parce qu'on a peur du regard des autres, et que l'on a des jeunes sous nos ordres. On doit paraître exemplaire." 

Beaucoup voient le besoin de parler comme une forme de faiblesse et préfèrent y réfléchir seul.

C'est également le cas de Hugues. 

Aujourd'hui encore, il faut prendre en compte que j'ai envie d'être seul. Ca fait partie de moi. Ca fait partie de mon équilibre. C'est dans ces moments là que se dilue le passé. Là je peux penser librement à la disparition, et il n'y a personne pour me juger.

Hugues Chauvet

 

Un remède au traumatisme

Bien que certains s'y soient sentis contraints, parler a été pour tous une véritable libération. Tous s'accordent désormais à dire que, leur entourage, et la prise de parole, ont été des éléments décisifs pour leur guérison.

Le premier soutien que ces militaires ont reçu est celui de leurs proches. S'il ne suffit pas à soigner à lui seul un tel traumatisme, il est néanmoins important. " S'il n'y avait pas ma femme et mes enfants, cela ferait bien longtemps que je me serai tiré une balle dans la tête. Parce que c'est dur, tout simplement. " confie Jean-Louis Zoude.

Par la suite, beaucoup se sont confiés à des médecins psychologue ou psychiatre. Tous, excepté Cécile, sont unanimes sur les bienfaits de ces thérapies. 

La psy, pour moi ça a été comme une séance de kiné, parce qu'au delà de ce que l'on peut se dire, il y a une discussion qui se construit, une confiance.

Hugues Chauvet

Cécile, n'a pas ressenti ce besoin et préfère parler à ses pairs. Aussi, elle a suivi des stages de sports en compagnie d'autres gueules cassées. "Je n'ai jamais autant parlé que pendant ces stages. On a tous vécu la même chose donc on se comprend et ça m'a vachement aidé. "

Une manière de se dépenser, de s'évader, et de penser à autre chose. En se confrontant à des gens qui ont vécu la même chose qu'elle l'a aidé a relativiser et aller de l'avant. 

Apprendre à revivre

Aujourd'hui, malgré ces lourdes épreuves, ces militaires ont appris à vivre avec ce traumatisme et apprécient d'autant plus chaque moment. "Moi, je crois en l'amour tout simplement. C'est vrai que ça sauve le fait de tenir à quelqu'un et d'avoir des êtres chers" témoigne Hugues.

" La blessure sera toujours là mais j'ai les outils pour comprendre et je n'hésiterai surtout pas à en parler à mes proches. Je suis mieux, mieux que je ne l'ai jamais été " nous livre  Sylvain 

Un partage d'expériences, de connaissances qui tente de faire exemple pour d'autres écorchés. 

 

►"Tuer le silence", un film de Richard Bois

A voir lundi 22 février à 23h50 sur France 3 Bretagne 

 

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