Le tribunal correctionnel de Rennes a condamné, ce lundi 15 avril 2024, Veolia Eau pour "homicide involontaire" après la mort d'un cyclomotoriste de 29 ans. Ce dernier avait percuté, en pleine nuit, une pelleteuse laissée au milieu de la route sur un chantier non signalé en Ille-et-Vilaine.
Veolia Eau a été condamnée, ce 15 avril 2024, à une amende de 70.000 euros pour "homicide involontaire", après la mort d'un cyclomotoriste de 29 ans, lequel avait percuté, en pleine nuit, une pelleteuse laissée au milieu de la route sur un chantier non signalé. Les faits remontent à novembre 2018, à l'entrée du village d'Antrain, en Ille-et-Vilaine.
Le jeune homme est décédé sept jours après l'accident des suites d'un traumatisme à la tête.
"Aucune autorisation" pour ce chantier
Lors de l'audience devant le tribunal correctionnel de Rennes, il a été rappelé que, ce 21 novembre 2018, jour de l'accident, Veolia avait creusé des tranchées pour passer des canalisations. En fin de journée, une tractopelle avait été positionnée sur la route "bras baissé" sur la plaque l'aluminium qui recouvrait une partie de la chaussée.
Or, "aucune déviation ni circulation alternée" n'avaient été mises en place. Un automobiliste avait même évité de justesse l'engin sur cette route mal éclairée. Seuls un premier panneau situé à 133 mètres, un second à 80 mètres et un troisième à 27 mètres avaient été installés, "mais leurs feux tricolores n'étaient pas en fonctionnement". Craignant un vol de batteries, le chef d'agence de l'entreprise avait préféré placer des cônes "non réfléchissants". Rien ne permettait donc aux automobilistes d'être avertis de la présence de ce chantier.
L'enquête a révélé que ce salarié n'avait sollicité "aucune autorisation" pour ce chantier. Il avait aussi reçu, par le passé, de multiples "mails d'avertissements" du Département d'Ille-et-Vilaine puisqu'il prenait régulièrement "la liberté de commencer les travaux sans autorisation", les régularisant a posteriori, comme à Laignelet ou à Louvigné-du-Désert, pendant au moins entre 2014 et 2016.
Lorsque la direction régionale de Veolia Eau a eu connaissance de ces mails - uniquement après les faits, a-t-elle soutenu à la barre - elle a entamé une procédure de licenciement à l'encontre de ce chef d'agence, confirmée par le conseil des prud’hommes. L'homme, licencié pour "faute grave", n'a pour sa part pas été inquiété dans le volet pénal de cette affaire qui a mené Veolia devant la justice pour "homicide involontaire".
"Un grand n'importe quoi"
Pour le directeur du territoire Armor-Emeraude de Veolia Eau, c'est "absolument incompréhensible" et "à l'inverse de [nos] procédures puisque la sécurité est la priorité" de la société.
"Si on avait su, on aurait aussitôt stoppé le chantier et sanctionné la personne en place" a-t-il assuré lors de l'audience devant le tribunal correctionnel de Rennes, ajoutant que Veolia Eau ne faisait aucunement "des économies de batterie en retirant les feux la nuit".
"On a l'impression qu'on parle de la petite entreprise locale, un peu freestyle... On a du mal à comprendre l'absence de processus et de garde-fous vu la notoriété de votre entreprise" a déploré la magistrate assesseure. Depuis les faits, le directeur régional assure avoir "signifié à nouveau à chacun l'absolue nécessité de [lui] faire remonter tous les mails de ce type" et demandé aux entités de lui transmettre directement ces mails.
Veolia Eau a déjà été condamnée "à trois reprises" pour des faits d'homicide involontaire. Le jeune cyclomotoriste est mort à la suite de "ce chantier réalisé en dépit du bon sens : c'est un grand n'importe quoi qui a conduit au décès d'un jeune homme" a grincé Me Ludovic Demont, l'avocat du frère de la victime.
"Le manager a sciemment dissimulé les mails"
Pour le procureur de la République, Veolia Eau doit, dans cette nouvelle affaire, être reconnue "coupable". Selon lui, la faute de l'entreprise est de ne pas avoir, "exercé des surveillances suffisantes voire aucune alors qu'un chef d'agence a continué pendant des années et des années d'ouvrir des chantiers d'abord et de réfléchir ensuite". Il a en conséquence requis "une amende qui ne peut être inférieure à 100.000 euros".
L'avocat de la société est pour sa part convaincu que "le manager de service local a sciemment dissimulé les mails à ses supérieurs. Il aurait dû être présent à nos côtés" à cette audience, a insisté Me Emmanuel Tordjman.
Toutefois, l'avocat parisien n'a pas réclamé la relaxe de Veolia : il concède que "le manquement" ou "la négligence" est de "ne pas avoir traité un courrier".
En revanche, "on ne fait pas de la sécurité-washing, a recadré l'avocat. Qu'on ne vienne pas dire que Veolia Eau néglige la sécurité" a-t-il pointé avant de demander au tribunal de "rétablir un peu l'honneur de l'entreprise" en réduisant le montant de l'amende requis.
Il réclamait aussi une dispense d'inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire de la société. Le tribunal de Rennes a prononcé une amende de 70.000 euros à l'encontre de Veolia Eau et a rejeté la demande de dispense, "compte tenu de ses antécédents".