Urgences. "Cet été, à Rennes, nous serons les seules lumières dans la nuit, ça fait peur"

Cela fait maintenant des mois que les soignants alertent sur la situation des urgences cet été. Les beaux jours sont arrivés et ils voient malheureusement leurs prévisions se réaliser. Le nombre de patients augmente alors que celui des lits et des soignants diminue. Au sortir de sa garde aux urgences du CHU de Rennes, le docteur Jérémie Bonenfant a accepté de nous raconter son quotidien.

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"Ce n’est que le tout début de l’été, et la situation est déjà très tendue et très compliquée, s’inquiète Jéremie Bonenfant, médecin urgentiste. En moyenne, les urgences du CHU de Rennes voient arriver 190 patients par jour, c’est 30% de plus qu’avant le Covid.

Jérémie Bonenfant redoute les semaines qui arrivent. A la fin juillet, plusieurs services d’urgences vont fermer leurs portes pour quelques jours ou quelques nuits. Le Centre Hospitalier Privé Saint-Grégoire ferme pour trois semaines à partir du 25 juillet, les urgences de Redon, Vitré, Fougères ne pourront pas accueillir les patients certains week-ends." Et nous aurons un paroxysme le 15 aout où ils seront fermés tous les quatre", déplore le praticien.

"Nous devrons donc faire face alors que chez nous aussi, sur les plannings des médecins pour certaines gardes ou certains week-ends, il manque la moitié des effectifs. On ne sait pas comment on va accueillir tout le monde."

Il y a sept services d’urgence agréés dans le département. Ce week-end-là, on passe à trois. On se demande comment on va survivre à ça. On se pose tous la question, on a tous peur de savoir comment ça va se passer. "

 

Le ras-le-bol des soignants

Le médecin se présente comme le plus vieux du service d’urgences, il n’exerce que depuis dix ans. Jérémie Bonenfant veut continuer à exercer mais ne jette pas la pierre à ceux qui jettent l’éponge.

"C’est compliqué quand on rentre chez soi de se dire qu’on a fait un travail de qualité, qu’on a aidé les gens", regrette-t-il.  

Cet été, faute de personnel, 13% de lits de l’hôpital sont fermés. Comme il n’y a plus de places dans les services, les patients restent plus longtemps aux urgences. "Certains patientent jusqu’à 24h sur des brancards. Et la situation se dégrade, explique le docteur, les infirmières des urgences doivent faire les soins qui auraient été faits par les infirmières des services de médecine. Plus il y a de gens à venir aux urgences et à y rester, plus le taux de mortalité des patients augmente. C’est très difficile d’être satisfait de son travail."

Le médecin le voit au quotidien, "il y a beaucoup de soignants qui sont démoralisés, dit-il. La moitié des infirmières réfléchissent à une reconversion dans un autre service ou vers une autre activité."

Des réponses de l'état "insuffisantes" 

Jérémie Bonenfant comprend et partage leur désarroi. "Les 41 propositions de la mission flash sur l’hôpital sont très insuffisantes", décrit-il.

"Appeler le 15, pourquoi pas, une partie des patients qui arrivent ici ne relèvent pas des urgences mais de la médecine générale, constate le médecin, mais il faut que les gens aient des solutions. Ce week-end, par exemple, les cabinets médicaux sont fermés, les maisons médicales de garde ont ouvert le 14 parce que c’est un jour férié, aujourd’hui parce que c’est dimanche, mais vendredi, de nombreux médecins ont fait le pont… Les patients ne savaient pas vers qui se tourner.

Quant aux propositions pour éviter la fuite des personnels, l’urgentiste, pourtant très calme, s’enflamme. François Braun (devenu depuis Ministre de la santé) a proposé le doublement des primes de nuit. "Sur le papier, doubler, ça parait bien ! Mais pour les infirmières, la prime de nuit est d’un euro de l’heure, quand on double ça fait deux euros ! Elles vont toucher 18 euros au lieu de 9 pour une nuit, il y a un moment où ça devient ridicule, c’est se moquer des infirmières."

"Pour les médecins, c’est pareil, se désole Jérémie Bonenfant. Il n’y a qu’une seule mesure sur les 41 proposées qui n’est pas appliquée, c’est le doublement du prix de la garde. La mission flash avait préconisé qu’elle passe de 200 à 400 euros parce que les gardes aux urgences, on est toujours sur le pont, c’est très pénible. Le Président de la République a refusé. Elles sont passées à 300 euros, ce ne sera pas suffisant pour éviter la fuite des soignants."

Jérémie Bonenfant refuse de baisser les bras. Mais entre le Covid, la canicule et le reste, il le sait, aux urgences, l’été pourrait être très très chaud.

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