VIDÉO. Le photovoltaïque est-il toujours bon pour la planète ? "Il faut peser le pour et le contre"

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Illustration d'un champ de panneaux photovoltaïques
A Luitré-Dompierre dans la région de Fougères, un projet de ferme photovoltaique cristallise les oppositions. Le reportage de Maylen Villaverde, Valérie Chopin et Dominique Dallemagne ©France 3 Bretagne

Les énergies renouvelables sont une priorité pour gagner en autonomie tout en réduisant la consommation d’énergies fossiles et leurs fortes émissions de carbone. Pourtant de nombreux projets de parcs photovoltaïques sont contestés par des citoyens. Reportage.

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À Luitré-Dompierre, dans le pays de Fougères, l’association Mémoire de la Mine de Montbelleux a pour vocation de sauvegarder le patrimoine social et culturel, d’une ancienne mine de Tungstène.

"C’est une mine importante et qui a marqué la région, explique Alain Planchet. Lorsque la chaussure a connu des problèmes sur Fougères, les ouvriers de la chaussure sont venus travailler à la mine. C’est un patrimoine qui reste dans la mémoire des gens " insiste le secrétaire de l’association Mémoire de la Mine de Montbelleux.

Un projet de 16 ha qui menace la biodiversité 

Fin 2021, Alain Planchet et ses amis de l’association ont découvert un projet d’installation de 26.000 panneaux solaires sur l’ancienne mine et ses alentours. Au-delà de leur attachement à l’histoire du lieu, ils s’interrogent sur la légitimité de ce projet qui prévoit d’occuper des terres adjacentes au carreau de la mine. Car celles-ci sont composées de prairies permanentes et de bois.

"Le projet fait à peu près 16 hectares dont 8 à 9 hectares de bois, détaille Sébastien Jégo, président de l’association déTERminés. Ce bois est un habitat pour la biodiversité. On a fait une étude sur les chauves-souris, et ici à Montbelleux, on sait qu’il y en, au moins, 13 espèces ".

Celui qui est aussi membre de l’association Passiflor souligne que récemment la ville de Fougères a fait fermer temporairement un tunnel car 16 espèces de chauve-souris y avaient été détectées. De son côté Fougères Agglomération n'a, à ce jour, manifesté aucune réserve sur le projet de parc photovoltaïque.

À LIRE : "La conservation de la biodiversité est notre priorité". Ils s'opposent à l'arrachage de 3200 arbres pour installer une centrale photovoltaïque

Montbelleux, un petit bois au grand intérêt écologique

Si le bois de Montbelleux n’est pas très étendu, il bénéficie de la plus grande attention des défenseurs d’environnement. "C’est une pépite, un joyau, quelque chose qu’on ne découvre pas souvent !" s’enthousiasme Thomas (le prénom a été changé), botaniste de profession.

L'écologue s’est penché sur le cas de ce bois. Il y a réalisé un petit inventaire des espèces présentes et se montre formel. "C’est une forêt ancienne, ça veut dire qu’elle a 200 ans ou plus, souligne-t-il. On en trouve la trace sur toutes les cartes et tous les documents qu’on connaît. Cette forêt a toujours existé". Et d’ajouter : "on trouve des espèces de plantes particulières, comme le carex pilulifera, la fagus sylvatica, l’holcus mollis, ou encore des myrtilles que l’on ne voit plus beaucoup à l’état sauvage en Bretagne, dit le botaniste. C'est aussi une chênaie hêtraie, c’est la forêt la plus naturelle qu’on puisse trouver sur notre territoire".

Suite à ces constats, il a décidé de s’engager aux côtés des opposants au projet photovoltaïque. Il précise, enfin, que certains sols contiennent sûrement des pollutions, dues à l’exploitation minière, mais "cela n’a pas eu d’impact sur la biodiversité puisqu’elle est bel et bien présente".

Un projet nécessaire pour le territoire

De son côté, le porteur de projet vante un parc d’intérêt public qui permettra de produire de l’énergie verte pour près de 15.000 habitants, sur des terres contaminées aux métaux lourds. Il assure que le site ne compte que des espèces végétales et animales "communes".

Sur son site la société Lutèce Energies, indique "qu'il est préférable de voir la nature se développer sur des sols sains, non pollués. Le projet financera la plantation de 12 hectares de forêt". Elle propose donc "de boiser 5 hectares de terres à faible enjeu agricole (classe 4) sur la colline de Montbelleux. En contrepartie, des terres de bonne qualité (classe 2), pourront être de nouveau éligibles à la PAC ".

En conclusion, Lutèce Energies affirme "soutenir le monde agricole".

Et le bilan carbone dans tout ça ?

"Pour juger de la pertinence d’un projet, il y a plusieurs niveaux d’analyse" explique Denis Loustau. Ce spécialiste du cycle du carbone rappelle, que le photovoltaïque est un des outils qui permet de produire de l’énergie en émettant moins de carbone et reste donc indispensable. Il précise "les milieux naturels rendent service, au niveau du cycle de l’eau, de la qualité de l’air, il faut donc peser le pour et le contre ".

Concernant les forêts anciennes, le directeur de recherches à l’INRAE, affirme que "quand on supprime une forêt ancienne, on émet un gros stock de carbone, et même si on utilise le bois, et on ne va pas compenser ça avec des boisements miraculeux à pousse rapide. C’est illusoire. Par contre sur des plantations récentes, là oui, on peut compenser le carbone".

Pour juger de la pertinence écologique des projets de parcs photovoltaïque, il convient donc d'effectuer leur bilan carbone. Mais cette étude, très complexe, n'est pas demandée par les autorités et dépend uniquement du bon vouloir du porteur de projet.

Multiplier par 17 la surface des centrales photovoltaïques 

La feuille de route bretonne pour l’énergie solaire préconise de multiplier par 17 la surface des centrales au sol et par 13 celle des panneaux sur toitures.

Pour cela, priorité est donnée aux installations sur des espaces déjà artificialisés, des terrains dégradés, mais aussi sur des terres agricoles exploitées.

À LIRE : L'énergie solaire photovoltaïque : la Bretagne est-elle une terre d'avenir ?

Cette perspective inquiète les paysans qui redoutent des contournements de la loi et la multiplication de projets agricoles "prétextes" pour l'installation de fermes photovoltaïques.

"Une terre comme la mienne se loue 200 euros l’hectare à l’année. Or un promoteur peut en proposer 2000 euros ou plus, observe Jonathan Boulvais, producteur laitier. Le porte-parole de la Confédération Paysanne du pays de Fougères redoute les conséquences pour l'agriculture "plus ça va, plus les terres se raréfient et cela empêche les jeunes de trouver des terres pour s'installer".

Le projet de parc photovoltaïque de Montbelleux reste un cas particulier avec ses problématiques locales, mais, force est de constater que l'augmentation des tarifs du gaz et de l’électricité suscite de nouvelles vocations dans la production d’énergies renouvelables.

Les terres disponibles deviennent donc la cible de toutes les convoitises et l’intérêt écologique de certains projets reste, parfois, à démontrer.

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