Vieilles Charrues, Route du Rock, Mythos... Les cachets des groupes, "c’est devenu n’importe quoi, ça met en danger nos festivals"

Les festivals de musique constellent le pays. Rien qu’en Bretagne, on en compte près de 350. La concurrence est effrénée et les têtes d’affiche demandent des cachets de plus en plus chers. Des Vieilles Charrues à la Route du Rock, les programmateurs s'inquiètent.

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Les cachets des artistes? "C’est devenu n’importe quoi et ça met forcément en danger l’économie de nos festivals, explique François Floret, programmateur du festival de la Route du Rock à Saint-Malo. Même musique chez Emilie Audren, co-directrice du festival rennais Mythos : "c'est une sorte de privatisation", dit-elle et ce n'est pas le souhait de ces responsables.
Elle craint que tous ces festivals français soient obligés de rattraper le modèle anglo-saxon avec des billets vendus au public qui pourraient devenir inaccessibles. Car les négociations avec les artistes sont parfois très difficiles. Certains cachets passent du simple au quadruple d’une tournée à l’autre, comme l'explique Jérôme Tréhorel, directeur du Festival des Vieilles Charrues. Le budget artistique du rendez-vous estival carhaisien est passé de 1,7 million d’euros, à 5 millions en 10 ou 15 ans.

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Des groupes qui ne viendront plus jamais dans certains festivals... trop chers

Vu le nombre de festivaliers, Les Vieilles Charrues peuvent toujours approcher des grosses pointures, ce n'est pas le cas des festivals aux jauges plus petites. 1 800 personnes par soir, au Cabaret Botanique de Mythos, entre 10 et 12 000 personnes, à la Route du rock, par exemple. Ces festivals ne pourront plus s'offrir certains noms. François Floret se souvient d'un groupe venu à Saint-Malo avant le passage à l’euro, payé 1 200 francs. Aujourd’hui il remplit des stades et demande plus d’un million et demi d'euros. Il ne pourra plus jamais le faire venir à Saint-Malo.
Aujourd'hui,le programmateur de la Route du Rock dit ne pas pouvoir payer des cachets au-delà de 150/200 000 d'euros.

En mai dernier, la direction du festival Art Rock expliquait que la moyenne du cachet d'une tête d’affiche était passée de 90 000 à 150 000 euros. Pour le festival de Saint-Brieuc, l’enveloppe "artistique" qui inclut les cachets, l’hébergement, le transport… a augmenté de 29 % entre 2022 et 2023. Sur le global, le budget artistique représente 31 %. 36% pour le festival Mythos.

Et Emilie Audren se réjouit que son festival ouvre la saison, car elle bénéficie de "tarifs préferentiels". "Je demande aux artistes et à leur tourneur de ne pas appliquer le tarif "Festival" parce que nous ne pouvons pas nous aligner. Les prix sont multipliés par trois ou quatre, l'été, regrette-t-elle, c’est un enjeu économique qui me dépasse et qui dépasse parfois l’entendement dans un monde où on doit se serrer les coudes et opérer une transition sociétale et environnementale". 

Des artistes et leur aéropage

Le Festival des Bars en Trans a une autre logique économique. "C’est une scène émergente, explique Philippe Le Breton, directeur artistique du festival rennais. Les artistes sont payés avec des cachets d’intermittence. Les producteurs ne prennent pas de marge. Et quand les artistes demandent des cachets plus importants, on répond qu'ils sont peu ou pas connus du public et que le festival prend des risques en les faisant venir".

Il se souvient de la venue d’Angèle pour son concert au bar de nuit La Place, à Rennes en 2017. Ce serait aujourd'hui difficile de lui demander de revenir à Bars en Trans. Au Festival des Bars en Trans, les billets se vendent entre 6 et 15 euros et les scènes, dans des bars ou de petites salles de théâtre ont des toutes petites jauges.

À Rennes, Bars en Trans s'est fait une place au côté des Trans Musicales

Philippe Le Breton reconnaît quand même un changement d’attitude chez certains artistes, depuis le Covid: "On a dû mettre le holà l’an dernier, certains venaient avec trop d’invités et on devait payer l’hôtel plus le cachet, on n'y arrivait plus, dit-il. Je me souviens d’un soir, il y avait 10 groupes et 70 invités au club le 88, c’était plus possible. Désormais, on explique aussi que ce sont des petits lieux, que ce n’est pas la peine de déplacer tant de techniques et de techniciens et on arrive à modérer tout ça, on serre les vis et ça se passe bien".
Les scènes trop petites ou pas adaptées et surtout le matériel très conséquent qui suit les artistes en tournée, sont parfois un très grand frein pour les programmateurs. C'est le cas régulièrement au cabaret botanique du Festival Mythos. Aucun artiste ne se déplace plus seul ou presque. 

Pourquoi les cachets ont tant augmenté?

L'augmentation des cachets trouvent quelques explications. Avant la crise du disque, les tournées servaient à faire la promotion du disque. Désormais, elles servent à rémunérer les artistes et leurs équipes. D'où parfois ces demandes hors sol, explique Jérôme Tréhorel.
La concurrence existe aussi entre les festivals eux-mêmes. Beaucoup d'artistes tournent entre tous ces rendez-vous d'été et font monter les enchères. De même la concurrence est internationale, explique François Floret de la Route du Rock. Pour lui, il faudrait que les plus gros festivals internationaux arrêtent de répondre à la demande : "tant que ça marche, j’ai envie de dire, les artistes auraient tort de s’en priver."

Autre explication, les artistes qui arrivent avec des super productions. Ce sont des productions de plus en plus gigantesques avec des décors, ds lumières etc. Si les artistes levaient un peu le pied là-dessus, s'acordent à dire les directeurs et programmateurs de festivals, peut-être que les cachets seraient un peu moins importants. 

Un modèle de financement fragile? 

Ce dernières semaines, un autre sujet inquiète ces directeurs et directrices de festivals, c’est la baisse des subventions publiques. La région des Pays de la Loire vient d'annoncer une forte baisse des subventions pour la culture. Or la plupart de ces festivals bénéficient de deniers publics, c'est le cas de la Route du rock, qui dépend des subventions publiques de la ville et de l’agglomération de Saint-Malo, du département et de la région Bretagne, de la DRAC, mais aussi du centre national de la musique.

La direction cherche actuellement des partenaires privés. "Nous avons déjà quelques mécènes et quelques partenaires privés, mais nous devons en trouver davantage pour pérenniser le festival, car il y a un vrai débat si les subventions baissent et les cachets augmentent, comment on fait pour défendre la musique?" se demande-t-il. Et c'est la même question que se posent tous les directeurs ou programmateurs de festivals. 

Quelles solutions?   

Certains festivals comme le Hellfest, qui a dépensé une vingtaine de millions d’euros sur sa dernière programmation, a augmenté le prix de son pass quatre jours de 289 à 329 euros en 2023, et cette augmentation n'a eu aucune incidence sur ses ventes.
D'autres, comme le festival Panoramas à Morlaix qui, lors de son édition en septembre 2023, a réduit la voilure. Il est passé d’une jauge de 13 000 à 5 000 personnes. Les responsables ne voulaient participer à cette course aux cachets. 

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