Violence conjugale : de l'amour à l'emprise psychologique

Rachel Jouvet a perdu son père, assassiné par son conjoint violent après quatre ans de cauchemar. Aujourd'hui elle témoigne pour expliquer aux femmes et à leurs proches, comment peut s'installer l'emprise psychologique d'un pervers sur sa victime. 

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À 17 ans Rachel rencontre un jeune homme de sept ans son aîné. C’est le coup de foudre.

Très amoureuse, elle se sent bien avec lui : « Au départ, c’est une histoire d’amour, c’était quelqu’un qui me valorisait beaucoup, qui me donnait vraiment confiance et me donnait beaucoup de légèreté dans ma vie. »
 

Pourquoi rester quand arrivent les premières violences ?


« Je pensais toujours qu’il allait redevenir comme au début. Chaque fois qu’il était violent avec moi, il le justifiait en disant que j’avais dit ou fait quelque chose de mal. »
 

Rachel se dit que c’est peut-être vrai. "Que c’est sa faute : ado on l’accusait souvent d’être capricieuse ou râleuse".

Son conjoint en pleure parfois devant elle : « Tu te rends compte de ce que tu as fait ? Je suis obligé de te frapper, tu me pousses à bout… »

S’instaure alors un processus d’inversion de la culpabilité. L’emprise du conjoint violent mène la victime à s’accuser elle-même. Elle est bientôt convaincue d’être responsable de la situation, de mériter les coups.

« Je me disais je vais changer. Mais je n’arrivais pas à changer, j’arrivais juste à m’écraser, à me taire. Je n’avais même plus le droit de penser, de dire : je ne suis pas d’accord avec quelque chose…»

Dans cette confusion mentale, elle n’a pas la force de chercher de l’aide dans son entourage.

 « Vu le caractère que j’avais personne n’aurait pu croire que j’étais victime de violences. »
 


La justice impuissante


Rachel va rester en couple un an et demi. Elle réagit mais trop timidement. Parfois elle le fuit brièvement, mais revient aussi vite, craignant ses menaces contre elle ou ses proches.

Une fois enceinte elle n'a plus son mot à dire. Le couple est maintenant logé sous le toit des parents de Rachel. Eux sont encore inconscients de la situation. Son seul lien régulier avec l'extérieur c'est la danse; et c'est son professeur qui va remarquer les bleus sur son corps et avertir ses parents.

Le bourreau est aussitôt mis à la porte. Mais il revient régulièrement la harceler, la menacer, elle et sa famille. Les coups tombent encore quand il passe la voir. Un jour il va même lui fracturer la mâchoire. Rachel est alors enceinte de sept mois. Elle finit par porter plainte mais la retire de peur d'envoyer le père de sa fille en prison. Le père de Rachel refuse de rendre les coups : il veut faire les choses bien, en justice.

Avec la naissance de sa fille, elle va prendre vraiment peur, porter plainte et le quitter définitivement. Rachel déposera treize plaintes en deux ans. Mais son bourreau n'écope d'abord que de peines avec sursis. Sans mesures de justice efficaces, rien n'est réglé et il a le droit de voir sa fille tous les quinze jours. Une nuit, il vient abattre toute la famille : le père de Rachel y perd la vie. Le meurtrier sera condamné à trente ans de prison.
 

Le poison de l’emprise psychologique


« Jusqu’aux assises j’ai eu peur que le juge se tourne vers moi et me dise : en fait madame c’est vous la coupable; vous l’avez bien embêté ! J’ai eu peur de ça : je me sentais coupable alors que c’était lui le pervers. »

Autour d’elle Rachel s’est souvent sentie jugée par des jeunes femmes : « si elle était victime, elle n’avait qu’à partir, sinon c’est qu’elle aimait ça ! ». Alors elle se sentait un peu coupable.

Pour Rachel il faudrait surtout améliorer le dialogue entre les acteurs de terrain et la Justice. «Aujourd’hui, les dossiers sont mieux montés avec l’expérience des associations qui viennent en aide aux femmes». Selon elle, les policiers aussi ont fait de gros progrès sur l'accueil des victimes mais il faudrait mieux les former pour qu'ils puissent leur donner une véritable information.

« on dit l’accueil est déplorable, mais ça s’améliore et on y travaille.  Le problème c’est qu’une fois le dossier ficelé, il y a un fossé entre l’action de tous ceux qui viennent en aide aux femmes et les moyens de la justice. Et puis même quand le dossier est bien monté, arrivé au tribunal on a des grosses surprises »
Rachel fait en particulier référence au maintien de la parentalité. Le fait d’octroyer des droits de visite au père, entretient sa violence : « Le mien, soit il ne me ramenait pas la petite, soit il me donnait des coups… tous les quinze jours.»


Investir pour soigner ces hommes


« Il y a des injonctions de justice qui imposent aux conjoints violents de suivre des stages pour les amener à une prise de conscience. Il y a des résultats puisque l’on passe de 40% de récidive à 10% ». Mais Rachel Jouvet souligne qu’à Rennes il n’y a plus d’association pour les organiser : elles ne sont plus subventionnées.

« Mais quand on n’arrive pas à raisonner ces hommes, qu’est-ce qu’on en fait ? Tous les auteurs de violence n’acceptent pas de suivre des stages… pourtant ils restent dangereux pour les autres et pour eux même ».

En attendant des mesures et des actes qui viendront peut-être du grenelle contre les violences conjugales, Rachel témoigne régulièrement auprès des médias et dans sa vie de comédienne : 

Le théâtre pour informer le public


Avec la pièce de théâtre "Je te veux impeccable" qu’elle a coécrit et qu’elle joue souvent, elle va à la rencontre des femmes victimes de violence qui ont besoin de mettre des mots sur ce qu’elles vivent. « Car elles ont besoin de dire les choses et de les nommer pour réagir puis pour se reconstruire.»

Il y a cette pièce de théatre issue du livre qui raconte son histoire, mais aussi d’autres spectacles montés depuis avec la compagnie QUIDAM. Par exemple elle met en scène en se moment une dispute de couple à l’avant d’une voiture; un spectacle qui vise à sensibiliser le public à lutter contre la violence ordinaire. Elle vise en particulier les jeunes dans les collèges et les lycées, pour les informer sur ce qu’est la violence. Une violence qui commence bien avant les coups avec l’emprise psychologique, le harcèlement et les injures.

Car pour Rachel Jouvet, être informé pour lutter contre la violence sous toutes ses formes, c’est la responsabilité de tout le monde.

 
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