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Pendant quatre ans, Laïla a été mariée à un conjoint violent, un homme dont elle a découvert le vrai visage en arrivant en France.
"C'est à moi, c'est ma chaise, c'est mon appartement". Ce sont les mots qu'entend Laïla (prénom d'emprunt) lors de sa première année de mariage, les premiers signes annonciateurs d'une maltraitance qui ira crescendo.Au départ, elle n'y prête pas attention: "Je me disais qu'il était seul avant, qu'il n'avait pas l'habitude de partager." A l'époque et âgée d'une trentaine d'années, elle a quitté son pays, le Maroc pour s'installer avec lui qui est français.
"Il ne voulait pas que je parle à d'autres personnes"
Le quotidien de Laïla rime très vite avec isolement. "Il ne voulait pas que je parle à d'autres personnes, il voulait tout savoir ou il parlait aux gens à ma place. Parfois il me confisquait mon téléphone". "Je travaillais mais c'est lui qui gérait mon argent" se souvient-elle "et il ne m'en donnait pas, je devais demander à chaque fois. Il avait instauré des virements entre mon compte et son compte." Plus tard, il lui donne 10 euros par mois, une somme qui se retourne contre elle lorsqu'elle garde ce pécule pour lui offrir un gâteau d'anniversaire. Il ne croit pas qu'elle a fait des économies.
Il l'empêche aussi de progresser en français, pour ne pas qu'elle côtoie d'autres personnes qui pourraient "lui mettre des idées dans la tête".
Aux violences psychologiques s'ajoutent les violences physiques. "La première fois, il m'a tapée sur le visage, j'avais des bleus. La seconde fois, après que je sois tombée, il m'a attrapée au sol, je m'accrochais au sommier du lit, il a mis son pied sur mes bras pour me faire lâcher." Les coups s'enchaînent pendant quatre ans, des gifles. Aujourd'hui encore, elle en garde des séquelles notamment aux épaules. Des voisins sont au courant et lui disent de crier s'il recommence.
Laïla décide de porter plainte. Elle explique ressentir de la honte, d'infliger ça à son mari. Malgré l'isolement, des personnes lui conseillent une association qui va l'accompagner. Elle se rappelle qu'elle a été bien reçue par la police mais d'après elle, la situation des femmes étrangères entraîne des dérapages. "Tu veux qu'on te paie l'avion pour retourner chez toi ?", des paroles entendues par d'autres au commissariat.J'avais plus peur de la violence du dehors que du dedans
Elle revient chez elle après avoir déposé plainte. Quand on lui demande pourquoi elle n'est pas allée ailleurs ou si elle a été orientée vers des structures d'accueil, elle répond: "Il y a le 115 mais une fois la nuit passée, les femmes sont dehors. Je ne voulais pas être dehors, sans rien." La violence de l'extérieur lui fait plus peur que celle qu'elle vit. Elle dit: "je ne savais rien de la ville, ce que c'était les impôts, la CPAM...comment prendre le métro."
Elle finira pas retirer sa plainte. Son mari l'a suppliée de le faire. C'est finalement lui qui entame une procédure de divorce, dans son dos. Selon lui, elle a changé et ne l'écoute plus.
Elle découvre des courriers à la dernière minute (elle n'a pas le droit d'avoir la clé de la boîte aux lettres mais la cache un jour) et manque de se faire expulser de chez elle. "Je n'étais au courant de rien, des audiences où il aurait fallu que je sois."
"Je pensais que j'étais la seule"
Laïla est séparée de son ex-mari depuis trois ans, le divorce n'est toujours pas prononcé. "Cela ne bouge pas". Elle estime que si elle avait les moyens de se payer un avocat, les choses seraient allées plus vite. Elle bénéficie de l'aide juridictionnelle. Quand elle résume sa vie avec lui, elle dit : "J'étais un objet. Mon avis ne comptait pas."
Le groupe de paroles l'aide à prendre conscience qu'elle n'est pas toute seule à vivre cette situation. Aujourd'hui, elle n'a pas fait de nouvelles rencontres "je n'ai pas confiance, je me trouve toujours des excuses pour ne pas aller plus loin."C'est important d'écouter les femmes, elles sont rares celles qui parlent