Les voitures sans permis se retrouvent plus sur les parkings des lycées que dans le bourg des villages en campagne. Dès 14 ans et une simple attestation de formation pour prendre la route, les jeunes goûtent à la liberté. Encore faut-il pouvoir se l'offrir.
Les nouvelles voitures sans permis cassent les codes. Les voiturettes séduisent un public très jeune et leurs parents. “Fini l’image de l’alcoolique du village qui roule en voiture sans permis, maintenant c’est plutôt les jeunes” souligne Murielle Liger, responsable d’auto-école près de Rennes (Ille-et-Vilaine). “Depuis 2019, j’ai vu un vrai virage dans le public attiré par ces petites voitures. Maintenant, ce sont des parents qui veulent que leurs enfants soient plus en sécurité qu’en scooter”.
Fini l’image de l’alcoolique du village qui roule en voiture sans permis, maintenant c’est plutôt les jeunes.
Murielle Liger, responsable auto-école près de Rennes
Et loin des clichés, les jeunes beaux quartiers ne sont pas les seuls à être séduit par les voiturettes. Les jeunes de 15-16 ans en formation ou en apprentissage sont très demandeurs de ces véhicules.
Des voiturettes qui rassurent les parents
Un scooter et une voiture sans permis sont tous deux bridés à 45-50 km/h, mais le prix n’a rien à voir. 4.000 à 6.000 euros pour un scooter contre 10.000 à 18.000 euros pour une voiturette neuve. Cependant, le sentiment de sécurité offert par une carrosserie rassure les parents. Surtout quand leurs jeunes adolescents sont amenés à prendre la route très tôt le matin.
Car aujourd’hui, une voiture sans permis sur deux est achetée pour un mineur de 15 à 16 ans assure les concessionnaires de voiturettes en Bretagne. “Dans près d’un cas sur deux, les parents d’un jeune de 15 ans souhaitent une voiture pour leur enfant qui débute une formation en apprentissage” détaille Flavien Nicolas, responsable de quatre concessions dans le Morbihan. “S’il est en boulangerie, il doit commencer à 4 ou 5 heures du matin. Les parents préfèrent le savoir dans une petite voiture.”
Beaucoup de jeunes en apprentissage
C’est le cas pour Monica Jagu. Sa fille de 16 ans, Camille, a débuté en février 2023 une formation en apprentissage comme esthéticienne. “Je ne la voyais pas faire 20 km tous les matins sous la pluie, avec son maquillage… Au moins elle est confortable et en sécurité”.
Je ne la voyais pas faire 20 km tous les matins sous la pluie.
Monica Jagu
Cette mère de famille reconnaît que le prix de cette sécurité est un budget conséquent. Près de 450 euros par mois pour la location longue durée du véhicule et son assurance, mais l’accident récent de sa fille la conforte dans son choix.
Une formation express
“Elle a fini dans le fossé en voulant éviter un chien” sourit la maman. “Heureusement à 30km/h, ma fille est sortie indemne”. La voiture a été détruite. L’assurance lui en a fourni une nouvelle. Pas de quoi remettre en question, pour cette maman, la formation rapide qui permet à un jeune de prendre le volant. Même si elle pratique régulièrement de la conduite accompagnée dans la voiturette pour vérifier les réflexes de sa jeune adolescente.
Elle a fini dans le fossé.
Mère d'une fille avec une voiture sans permis
La conduite sans permis est autorisée sur ces véhicules pour les jeunes dès 14 ans. La seule obligation est de suivre une formation de 8 heures qui mêle pratique, Code de la route et sensibilisation théorique aux risques. À la suite, une attestation de formation leur permet d’assurer le véhicule pour qu’il roule et de recevoir le Permis AM, anciennement BSR.
Le danger des zones hors agglo
Murielle Lieger voit passer des jeunes toutes les semaines sur sa voiture sans permis pour les former à la conduite. “Le danger est surtout en dehors des agglomérations. En ville, la vitesse est réduite à 50 pour tous. À la campagne, le différentiel de vitesse des voitures sans permis peut être inadapté face à des véhicules qui roulent à 80 km/h ou plus” constate la responsable d’auto-école. “Les jeunes doivent anticiper les vitesses des autres véhicules”. Si au bout des 8 heures, la formatrice estime qu’un élève n’est pas apte, elle ne peut qu’inciter à faire plus de séances de formation. “Mais rien ne lui oblige” se désole-t-elle.
“Dans une voiture sans permis, au moins le jeune prend toute la place sur la route, il est visible” se rassure Monica Jagu dont la fille roule principalement sur des petites routes de campagne. “Maintenant, elle est autonome et quand on y a goûté, on ne peut plus revenir en arrière” souffle cette maman qui ne laisse pas sa fille prendre la voiture quand elle le souhaite. “Ma fille adore sa petite auto”.
Des voiturettes fashion
Et pour plaire aux jeunes, les constructeurs ont complètement modernisé leurs gammes. Maintenant, les voiturettes sont proposées dans les boutiques high-tech. Fini les ventes dans les magasins de motocultures entre les tondeuses et les mobylettes. L'esprit des voiturettes se rapproche des citadines selon des amoureux des "sans permis".
Les nouvelles “Sans P”, comme disent les jeunes sur les réseaux sociaux, ont le radar de recul et toutes les connectivités avec les smartphones. Les modèles électriques se branchent sur une prise 220V standard, comme pour recharger un téléphone portable.
Pack sport, série spéciale Grand prix de Monaco, coupé, modèle futuriste… Les industriels surfent sur la vague. Et les ventes suivent. “Nous vendons 30 à 40% de voitures en plus qu’il y a 10 ans assure Ianis Nicolas, responsable de trois enseignes en Ille-et-Vilaine”. Pour ce passionné, vendeur de la marque leader en Europe, “aujourd’hui, je ne peux plus faire le portrait-robot de la personne qui va m’acheter une voiture sans permis”. Les parents de jeunes sont très présents sur le marché, mais également les nouveaux ruraux. “Certains arrivent des grandes villes sans jamais avoir passé le permis de conduire, et ils se tournent vers ces petites voitures”.
Le besoin de prévention
Question sécurité routière, il est difficile de connaître les chiffres de l’accidentologie des voitures sans permis. Dans la dernière publication de l'ONISR sur les chiffres de la sécurité routière sortie ce 31 mai 2023, elles n’apparaissent dans aucune case précise.
Je suis un dingue de vitesse. J'ai opté pour une "sans permis" pour me protéger.
Damien Douillard. 34 ans conducteur de voiture sans permis
Les accidents de la route sont la première cause de mortalité et de handicap chez les jeunes. La vitesse est le premier facteur d'accident chez les jeunes conducteurs.
Damien Douillard a fait le choix de conduire une sans permis pour sa propre sécurité. "Je me connais, je suis un dingue de vitesse. J'ai opté pour une sans permis pour me protéger". Avec sa voiturette coupé dernier cri, le jeune homme de 34 ans assure "je me fais plaisir question design et ma famille ne risque pas d'avoir un appel suite à un crash".