Après la mort de son frère SDF, une Américaine écrit aux habitants de Saint-Malo pour les remercier

Les Malouins l’avaient baptisé Janek ou Janik. Il vivait dans la rue et s’était lié d’amitié avec les habitants et les commerçants du quartier. Quand sa sœur, new-yorkaise a appris sa mort, elle a posté un message sur les réseaux sociaux pour en savoir plus sur les derniers mois de son frère. Elle a reçu de nombreuses réponses qui lui ont réchauffé le cœur.

"Je vous suis très reconnaissante d'avoir trouvé tant d’humanité pour lui, et de l'avoir aimé, écrit Greta Corens sur la page Facebook de Saint-Malo pratique. Saint-Malo devient une ville sacrée pour moi."  

Janek, de son vrai nom Jan Corens est décédé le 14 décembre 2022 à l’hôpital de Saint-Malo, à l’âge de 70 ans. Il s’était installé dans la cité corsaire deux ans plus tôt. "Il avait une maison, une guitare, une famille, mais en 2017, il a appris qu’il souffrait d’un cancer du poumon, et il ne voulait être une charge pour personne, se souvient sa sœur. Un jour, il est parti en laissant sa porte ouverte. Mes frères et moi, nous l’avons cherché en vain et nous avons appris grâce à son ADN, qu’il était mort à Saint-Malo." 

Greta Corens poste alors un message sur un groupe Facebook malouin, un peu comme on lance une bouteille à la mer. Elle a besoin d’en savoir plus sur les derniers mois de son petit frère. Très vite, elle reçoit des réponses. 

Des messages pour consoler

Lucie, la gérante de la Vape Malouine lui écrit pour lui raconter l’arrivée de Janek. "Il vadrouillait, et puis il s’est installé juste en face de ma boutique. Il avait toujours un petit mot gentil, quand j’arrivais le matin, il venait s’installer sur ma terrasse et on buvait un café. On a tissé des liens."

Cinq mois après sa mort, Lucie continue de tourner son regard vers le porche où il vivait. "C’était un homme gentil. Il était passionné d’art et de musique, j’avais beaucoup de respect pour lui. On savait que ce n’était pas n’importe qui, mais je n’ai jamais osé lui demander pourquoi il était là", poursuit la commerçante. 

"Le soir, en partant, j’allais lui dire au revoir, je lui demandais, "vous allez bien ?", "vous avez besoin de quelque chose ?" Il souriait et répondait, je n’ai besoin de rien, j’ai tout ce qu’il me faut. Quand on lui amenait à manger, il disait "Vous êtes un ange"." 

La jeune femme espère que les mots qu’elle a écrits sur Janek ont un peu consolé sa sœur.

"C’était une super belle personne, gentil, reconnaissant, il n’est pas parti tout seul. Nous étions là." 

Une vingtaine de personnes aux obsèques

"Je voyais votre frère tous les jours, je discutais souvent avec lui, en fumant une cigarette. C'était un homme très gentil, très cultivé et très intéressant. Sa façon de vivre, il l'avait choisi et nous la respections, beaucoup de gens du quartier l'aidait, des cafés, des petits plats, une écoute. Son décès m'a profondément attristée " témoigne une autre Malouine. 

Le jour des obsèques de Janek, une vingtaine de Malouins étaient présents avec des fleurs.  

Au travers des messages, Greta découvre les derniers mois de vie de son frère et s’émerveille. "Malgré l'horreur de sa situation, ils ont montré une empathie profonde envers lui durant le temps qu'il vivait sans abri parmi eux. Ils ont fait de tout pour l'aider et le tenir en vie, je me sens profondément émue", confie-t-elle. 

"Il était aimé, ils lui rendaient visite, le dorlotaient, se réjouit Greta et la grande sœur reconnait dans chaque message les petits péchés mignons de son frère qui l’ont suivis jusqu’en Bretagne. "Ces cigarillos préférés, des petites choses à manger, surtout son café long sans lait, des vêtements, des couvertures. Ils se faisaient tous des soucis, comme si Jan faisait partie de leurs familles." 

Merci d'avoir vu sa beauté au lieu de fuir sa misère

Greta Corens

Pour remercier les Malouins de leur générosité et de leur message, Greta Corens a publié sur la page Facebook des photos de son frère, de leur vie d'avant, quand il était enfant et un dessin qu'elle a fait de lui en 2005. 

"Je suis reconnaissante au beau pays de la Bretagne, surtout à Saint-Malo, d’avoir hébergé Jan, aux maraudes qui se confrontent au drame tous les jours, à tous ceux l'ont accompagné au cimetière, et à toutes les personnes qui ont pris le temps de lui parler et de le reconnaitre comme une personne bien et bonne. Ma gratitude va envers ce remarquable sens d'humanité qu'il a trouvé chez vous, intacte et pure. Saint-Malo devient une ville sacrée pour moi. C'est ainsi que je peux accepter sa mort. "

"Saint-Malo devient une ville sacrée pour moi" écrit encore Greta. La sœur de Jan vit aux États-Unis, mais souhaite faire le voyage pour aller sur la tombe de son frère et rencontrer ses amis. 

Greta Corens espère que la générosité dont les Malouins ont fait preuve se poursuivra pour les autres sans abris. "

Vous avez tous agi avec humanité et une très grande tendresse. Merci Saint-Malo."