Bretagne: la plus petite usine française de pulls marins tricote une nouvelle maille de son histoire

Depuis 1986, Dominique et Isabelle Josselin confectionnent des pulls marins dans les Côtes d’Armor. C’est un couple de trentenaires en reconversion qui va poursuivre l’histoire de leur entreprise. Une transmission en douceur pour assurer la pérénité de la marque "Baie de Caps".

« Monsieur Josselin était le patron, il est devenu salarié et moi, je suis patron mais je suis un apprenti ». Dans un sourire, Geoffroy de Pinieux décrit la situation peu banale que vit l’entreprise « Baie des Caps » depuis mai 2019. Mai 2019, une date qui marque pour les Josselin comme les Pinieux le début d’une nouvelle vie.


Rêver d'une entreprise à deux


Geoffroy et Lucie de Pinieux, trentenaires, habitaient Laval en Mayenne. Lui, travaillait dans le milieu du tourisme, elle, dans l’immobilier. Tous les deux rêvaient de créer ensemble une entreprise. C’est leur expert-comptable qui les a mis sur la piste de « Baie des Caps » qui était en vente. Une petite structure de quatre salariés à Ploubalay dans les Côtes d’Armor, spécialisée dans la fabrication sur place de pulls marins. 

« C’est fou, on ne pensait pas que c’était possible de créer des pulls avec seulement quatre salariés. » raconte Lucie de Pinieux. « Ce qui nous a plu, c’est l’idée de participer à chaque étape de la fabrication, du choix des matières, au tricotage, à l’assemblage, les finitions jusqu’à la vente directe. Aujourd’hui, quelle entreprise a la chance de maîtriser toute la chaine ? C’est rare. »
 


Transmettre une vie de travail


Du côté de Dominique et Isabelle Josselin, l’heure de la retraite se rapprochant, l’idée de transmettre l’entreprise avait fait son chemin. Leur fils unique n’étant pas intéressé, alors à qui transmettre « le bébé » ? La commune s’étant portée acquéreur des bâtiments, restait alors à trouver un repreneur. « Baie des Caps aurait pu s’arrêter, on pouvait vendre le matériel, licencier le personnel… Nous avons eu plusieurs offres d’achat mais certains voulaient délocaliser la fabrication ailleurs en France, d’autres étaient impressionnés par les machines à tricoter. Ça ne s’improvise pas ces machines, c’est pas juste appuyer sur un bouton ! »
 

Jusqu’au jour où les deux couples se sont rencontrés. « Ils venaient du tourisme et de l’immobilier, mais on s’est dit, s’ils veulent vraiment, ils vont y arriver. L’important c’est l’envie de faire les choses.»

Cette confiance immédiate s’explique. Dominique et Isabelle Josselin, avant de se lancer dans l’aventure du pull marin, avaient eu eux aussi une autre vie. Dominique était plombier-chauffagiste et avec Isabelle, comme Geoffroy et Lucie aujourd'hui, ils avaient l’envie de « quelque chose à nous et ensemble ». Deux couples, deux virages et désormais ensemble un seul objectif, faire perdurer « Baie des Caps ».
 


Passer le relais


Depuis mai 2019, le jeune couple est donc officiellement aux manettes de l’entreprise de confection, mais les fondateurs sont toujours présents, salariés pendant deux ans et demi. Une transition en douceur, le temps de léguer tout leur savoir-faire, technique notamment.

Si Geoffroy et Lucie ont pu se former en terme de gestion d’entreprise, le métier de tricoteur n’est pas enseigné. « Nous ne sommes pas du métier, nous avons tout à apprendre. La maille, c'est très particulier, c'est délicat.» Et l’apprentissage prend du temps, peut être plus qu’ils ne l’avaient pensé, d’autant qu’il faut aussi gérer l’entreprise en même temps, ainsi que la boutique qui vient de déménager dans la rue principale de Beaussais-sur-mer.
 
 

On ne naît pas chef d’entreprise, on le devient. Et là, on la chance d’être accompagnés.

Lucie de Pinieux


La clé de cette transition : chacun à sa place


L'accompagnement, presque du compagnonage, se déroule de façon très bienveillante, même si ce n’est pas toujours facile de changer de rôle. La clé, c’est la répartition des rôles, justement. « Quand je dois prendre des décisions, je demande toujours conseil à Monsieur Josselin, mais il la respecte quelle qu’elle soit. » précise Geoffroy de Pinieux.

Même écho de l’ancien propriétaire « On les laisse libres, ils font ce qu’ils veulent. »  Entre les deux couples, chacun semble respecter sa place.  « Le réseau Entreprendre, qui nous soutient, nous avait mis en garde. Dans ce genre de reprise, souvent ça ne fonctionne pas, en tous cas, pas plus de 6 mois ! ». Eux ont choisi de tout mettre en oeuvre pour faire mentir les mauvais présages.
 

Précurseurs du Made in France


L’atout essentiel de cette transition, c’est la vogue du Made in France. Quand les Josselin se sont lancés au milieu des années 80, l’industrie textile française était en crise, les délocalisations vers le Maghreb, la règle. A l'époque, convaincre les banquiers de leur faire confiance avait été difficile.

Mais en réinvestissant les bénéfices au fil des ans, et sans compter leurs heures, depuis l'atelier à la maison, les années de vente sur les marchés jusqu’à l’usine de quatre salariés, la marque s’est faite un nom. La plus petite usine de pulls marins de France aussi. Les Pulls Isabelle ont laissé la place à la marque "Baie des Caps", vendue en direct et également à des professionnels. 10 à 12 000 pièces par an, 15 000 les très bonnes années.
 


Le bouche à oreille


Un succès qu’explique la qualité produite. Lucie de Pinieux, lorsqu’elle tient la boutique, est encore étonnée et touchée des témoignages recueillis par les clients de passage. « Il n’y a pas une journée où l’un d’eux ne nous raconte son histoire avec Baie des Caps. »

Pendant que la jeune chef d'entreprise me parle, une femme est justement en train d’hésiter entre deux modèles. « J’en ai acheté deux pour ma fille et son mari. Là, c’est bientôt l’anniversaire de mon fils.» De passage à St-Jacut-de-la-mer, la cliente exhibe son téléphone portable « Dès que je viens ici en vacances, j’en achète pour offrir. Regardez cette photo, c’est ma fille et son mari avec les pulls. »
 

Il y a un sentiment de fierté de produire quelque chose de nos mains et de voir les acheteurs ravis. C’est une forte satisfaction personnelle.

Lucie de Pinieux
 


L'avenir de la plus petite usine de pulls marins de France


Ce bouche à oreille a contribué à faire connaître la marque. Mais à l’heure des réseaux sociaux, les jeunes repreneurs veulent faire plus, afin de développer la vente en ligne, en complément de la vente directe. Toute la famille a été mise à contribution, les parents et leurs trois jeunes enfants, y jouent le rôle de « mannequins » pour promouvoir les modèles. Des nouveaux coloris ont fait leur apparition, de nouvelles coupes aussi... "Nous avons envie de donner un nouvel élan à l'entreprise, un coup de jeune à la marque."
 

"On sait qu’il y a un potentiel de développement important", commente Dominique Josselin. « Un gros potentiel et une clientèle très fidèle. » ajoute Lucie, consciente que le Made in France et la vente directe sont dans l’air du temps, alors que les Josselin, véritables précurseurs, ramaient à l’origine à contre-courant.
 

Le quatuor devrait naviguer ensemble jusqu’en décembre 2021… « Il y aura un pincement au cœur sûrement, comme le jour de la mise en vente. Mais en même temps, on est content de laisser l’entreprise à des gens qui vont la faire perdurer. » Isabelle Josselin se voit bien se remettre au tricot, mais avec des aiguilles cette fois…. Les Pinieux, eux sont conscients de leur chance à poursuivre une belle aventure. « Ce sont des gens formidables, et nous avons un grand respect de tout ce qu’ils ont construit. »
 
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