Le skipper havrais Charlie Dalin est un des favoris de la classe IMOCA sur cette Route du Rhum 2022. A bord de son bateau Apivia, il a tout remporté cette année. Il revient sur la décision du report du départ de cette 12e édition pour raisons météorologiques et évoque avec nous les grosses tempêtes qu'il a traversées depuis ses débuts.
Charlie, ce matin la décision a été prise de reporter le départ de la Route du Rhum à mardi ou mercredi en raison des conditions météorologiques prévues dimanche et lundi. C’est une première dans l’histoire de la course. Quelle a été ta première réaction en apprenant ce report ?
Je ne m'y attendais pas du tout. J’ai entendu la rumeur seulement 5 minutes avant de rentrer dans la salle du briefing. J'entends la décision qui a été prise. C'est vrai qu’on ne peut pas nier que les conditions allaient être vraiment engagées. Après moi si on m’avait dit que le départ était maintenu dimanche j’y serais allé. Les IMOCA sont des bateaux faits pour ça, sont faits pour faire le tour du monde, je pense qu'on est sûrement la classe la mieux lotie pour affronter ce genre de conditions sur le plateau du Rhum. Mais voilà, c'est comme ça. Maintenant je suis concentré sur ce nouveau départ et l'équipe est en ordre de marche pour ce nouveau départ. On sera prêts.
Suivez le départ en direct ce mercredi 9 novembre dès 14h
Qu'est-ce que ça engendre pour la team, un départ reporté de 2-3 jours ? Qu'est-ce que vous allez faire d’ici mardi ou mercredi ?
Très concrètement, il y a déjà toute la partie logistique, à commencer par l’hébergement. Forcément, on avait prévu de libérer nos appartements, nos chambres d'hôtel demain (dimanche, jour initial du départ, NDLR) donc tout ça a dû être prolongé. J'ai aussi des intervenants hors équipe qui travaillent sur la course, qui heureusement sont eux aussi disponibles et n’ont pas d'engagement ailleurs, donc ils peuvent rester ces quelques jours supplémentaires à Saint-Malo.
La météo, la physionomie de la course, la durée de la course et donc peut-être aussi les voiles qu'on va emporter sur la course, tout ça va changer.
Charlie Dalin, skipper Apivia (IMOCA)
On avait tout calé vendredi soir. On avait entériné notre liste de voiles, il va falloir en refaire une. Quand on saura quand le prochain départ sera donné, on aura une nouvelle Deadline pour la communiquer à l’organisation. Maintenant, il faut réussir à rester concentré, nous étions prêts et on sera prêt aussi pour le prochain départ. Et je continue à scruter avec la team et à me replonger dans la météo pour élaborer la stratégie qu'on aura pour le nouveau départ.
La Route du Rhum, c'est une course qui est dure, qui a la réputation d'être dure. J’étais prêt à partir sur la Route du Rhum dans ces conditions-là. Après, oui, c'est vrai qu’il n’y avait pas vraiment de solution de repli pour les gens qui souhaitaient affronter un petit peu moins de vent et ne pas prendre une route gagnante forcément, donc comme je disais à tout à l'heure j'entends et je comprends la décision de la direction de course.
Toi qui as fait le tour du monde, tu as connu des conditions comme ça. Quand on nous dit qu’il y a des vagues de 7m, des vents à plus de 115 km/h, qu’est-ce que ça représente ?
En fait, avec les vagues ce n’est pas la taille qui compte. C'est si elles déferlent ou pas. C’est la pente de la vague et l'espacement entre chaque crête. Forcément si on a une houle très longue donc un énorme écart entre chaque crête, ce n’est pas dangereux du tout. Ca fait des grandes collines aquatiques et il n’y a pas vraiment de danger : le bateau monte et descend des fois sur une dizaine de mètres, mais ce n’est pas dangereux. Là où ça devient dangereux, c'est quand les vagues sont vraiment rapprochées les unes des autres et la pente des vagues est très raide, un peu comme sur le bord de la plage et quand elles commencent à éclater, à déferler au large, c'est ça qui peut être dangereux parce que ça peut faire rouler le bateau. Et ce qui est dangereux aussi c'est ce qu'on appelle les mers croisées : c'est quand il y a un train de houle qui vient d'une direction et des vagues qui viennent d'une autre et là, ça fait des vagues qui se rencontrent et qui font des pics, des pyramides d'eau. Les IMOCA sont des bateaux faits pour rencontrer ce genre de conditions, ils ont des structures prévues pour naviguer dans les océans les plus durs du monde mais ce n’est pas le cas de toutes les classes représentées sur la Route du Rhum.
Une anecdote où tu as connu des conditions météo particulièrement difficiles et où tu t'es dit « Oulà c'est chaud quand même ! » ?
Oui, et c'était justement sur un retour de Route du Rhum. En fait je travaillais en 2006 pour un Class40 qui avait abandonné aux Açores on était rentré donc des Açores jusqu'à Douarnenez et on s'était justement retrouvé dans une houle énorme et ce qui est vraiment impressionnant c'est ça quoi : l'impression d'être vraiment entre 2 collines quand on était au creux d'une vague c'était sacrément impressionnant. Mais on a réussi à arriver à Douarnenez sans encombre. Après, on allait dans le sens des vagues, donc ça rend les choses un peu plus faciles aussi.
En solitaire, c'est différent, forcément. Quand tu es en solitaire, généralement quand tout va bien, tout va bien quoi. Ce qui ce qui devient compliqué, c'est quand on commence à avoir un petit problème, car ce qu'il faut éviter, c'est la sur-avarie. Ca va très vite et ce n’est pas toujours évident d'intervenir tout de suite sur un problème. Alors il ne faut pas qu'il y ait une escalade dans les soucis, un effet domino… C'est un peu ça les enjeux du solitaire dans une tempête.
Tu as un souvenir particulier justement en solitaire où ça a été compliqué ?
Sur le Vendée Globe, la plus grosse tempête que j'ai vécue c'était dans l'Océan Indien où je me suis retrouvé vent de travers, je ne pouvais pas partir dans le sens du vent parce que j'allais me retrouver des vagues trop grosses. J’avais perdu ma mesure de vent à ce moment-là mais j'ai estimé plus de 50 nœuds de vent. C'était assez engagé.
On a plus le temps d'avoir peur dans ces conditions, il faut gérer.
Charlie Dalin
J'étais assez soulagé une fois que le vent a baissé. Après, on a pas le temps d'avoir peur dans ces situations là parce qu'on gère le bateau. L'objectif, c'est de garder le dessus, de bien faire passer le bateau dans les vagues et on a on a plus le temps d'avoir peur dans ces conditions, il faut gérer.