« Des voyants au rouge », « on allait au casse-pipe », « au carton dans la baston »… Ce samedi matin, en sortie du grand briefing au cours duquel Francis Le Goff a annoncé sa décision de reporter le départ, au-delà de la surprise, c’est le soulagement qui l’emporte. Réactions des marins de la Classe40.
La Classe40 est la catégorie la plus nombreuse sur cette 12e édition de la Route du Rhum. 55 skippers sur des monocoques de 12 mètres de long. Des bateaux parmi les plus petits alignés au départ.
Face à des creux de 10 mètres, et une impossibilité pour la flotte de se mettre à l'abri de la tempête prévue pour le départ initialement prévu ce dimanche, l'annonce du report est reçue pour beaucoup comme un soulagement.
Tour d'horizon des réactions des skippers de la flotte.
Kito de Pavant : « on était qu’une dizaine de skippers prêts à y aller »
« Je suis un peu surpris, je pense qu’il y a eu un peu de pression de tout le monde, mais cette décision est raisonnable. C’est bien que la raison l’emporte. Et on n’est pas là pour casser et perdre du monde. Si on peut faire un beau départ dans deux jours, c’est mieux. J’avais déjà vécu cette situation sur la Transat Jacques Vabre en 2005. À l’époque, je courais en multicoque Orma et on était resté au port. C’était triste parce que les monocoques étaient partis plus tôt. Chez les Class40, on n’était qu’une dizaine de skippers prêts à y aller demain. Mais il ne faut pas qu’on oublie que nos bateaux doivent être adaptés à affronter le mauvais temps, ce qui n’est pas forcément le cas des scows qui le sont moins. »
Aurélien Ducroz : « on allait au carton »
« On était dans une vraie situation de blocage, sans échappatoire. Plus ça allait, plus les voyants étaient au rouge. On allait au carton. Ce sont les éléments qui dictent notre sport, et là ils nous disaient clairement non. Je n’ai jamais connu cette situation en bateau et j’ai essayé de me plonger dans mes expériences passées de la montagne pour savoir ce que je devais faire si le départ était maintenu. J’ai passé ma vie à réduire les risques, à ôter les doutes, à trouver des solutions quand il y avait des dangers. Là, on se trouvait dans une situation d’alerte d’avalanche 5/5. Pour être sincère, je savais que j’allais partir, avec quasiment la certitude de faire demi-tour. Cette décision est normale. »
Baptiste Hulin : « j’étais mitigé »
Personnellement j’étais mitigé, j’avais envie d’y aller mais j’étais un peu effrayé par les conditions en sortie de Manche. Ce matin avec l’équipe, on réfléchissait aux possibilités d’arrêt. Je ne fais pas partie des Class40 les plus rapides, donc j’aurais été pris dans le piège. Il ne faut pas se tromper d’objectif. Le mien est d’arriver en Guadeloupe avec un bateau et un bonhomme en bon état. Ce matin, le dernier fichier météo dépassait tout ce qui était raisonnable. Ça me rassure, je suis persuadé qu’on aura un super départ, même si les conditions sont encore musclées, il y aura de quoi s’exprimer et ne pas être en mode survie. »
Didier Le Vourch (Vicitan)
Didier Le Vourch : « c’est mieux pour tout le monde, les bateaux, les marins et les secours »
« De faire le malin et de dire que ce n’est pas un soulagement, ce serait malhonnête. Je me posais la question de comment j’aurais fait dimanche après le départ. Je prévoyais de me mettre à l’abri à Roscoff, mais le port était plein. J’aurais été obligé de traîner sur l’eau pendant le front avec tous les risques que ça comporte. C’est une bonne décision que je respecte. C’est mieux pour tout le monde, les bateaux, les marins et les secours, parce qu’il y aurait eu de la casse. C’est sûr que si on n’était pas en course, en bon marin, personne n’aurait quitté le port. La plus grosse difficulté à présent, c’est de se remobiliser. »
Ian Lipinski : « c’est la meilleure décision »
« Ce qui prédomine, c’est le soulagement. Individuellement, c’est une décision qui n’est pas facile à prendre parce que c’est un projet qu’on prépare depuis longtemps. Que la direction de course prenne cette responsabilité de décaler le départ, c’est la meilleure décision. La priorité, c’est la sécurité des skippers. Si on imagine un scénario catastrophe, cela aurait pu être grave pour la course au large. Je tire mon chapeau à la direction de course, à l’organisation parce qu’on se doute que ça ne doit pas être simple à faire. »
Jules Bonnier : « c’est perturbant »
« Je suis un peu surpris, parce que j’étais persuadé que l’organisation ne pouvait pas changer d’avis par rapport à l’événement. D’une certaine manière, c’est sage parce que la nuit de lundi allait être très engagée. Ce sont des conditions que je n’ai jamais rencontrées. Ce matin je me suis levé pour mettre mon sac dans le bateau. J’étais prêt à être incisif, en dépit de la part d'inconnus. Là, c’est la bonne décision et il faut la respecter. Mais c’est perturbant parce que cela fait plus de huit mois que tu te prépares pour ce jour-là. »
Yoann Richomme : « une petite surprise »
« C’est une petite surprise pour moi parce que j’étais concentré sur un départ de course demain. J’ai appris, depuis des années, avant chaque compétition à me concentrer sur un seul objectif à la fois et à ne pas m’éparpiller dans différents scénarios. C’est une décision correcte de la direction de course qui doit juger selon de nombreux critères de sécurité et d’organisation pour toutes les classes. On va s’attacher à faire vivre de bons moments aux sponsors qui sont venus nous voir pour le départ, essayer de les faire participer le plus possible à ce qu’aurait été un départ de course. Et ce n’est que partie remise pour un départ mardi ou mercredi. »