La cour d'appel de Rennes a rejugé ce mardi 25 juin 2024 Sophie Bézier, maire (divers droite) de Pleurtuit (Ille-et-Vilaine), suite à sa condamnation en première instance à huit mois de prison avec sursis et cinq ans d'inéligibilité pour "subornation de témoin".
Entre le 7 février et le 4 avril 2023, la plaignante - alors femme de ménage de Sophie Bézier et de son mari - avait en effet subi un véritable "harcèlement" de la part de l'élue locale : elle avait été la témoin le 16 décembre 2022 d'une altercation entre son fils cadet et sa petite amie. Or, une information judiciaire avait été ouverte et le jeune homme de 19 ans avait été placé en détention provisoire.
La femme de ménage avait proposé son aide à la jeune femme en lui laissant son numéro de téléphone "sur un bout de papier", a-t-il été expliqué ce mardi 25 juin 2024 lors du procès en appel de sa patronne. Elle avait donc été convoquée par les policiers de Saint-Malo pour être entendue sur les faits le 7 février 2023.
Au cours de l'audition, la femme de ménage avait révélé au passage qu'elle travaillait de manière non déclarée chez Sophie Bézier, ce qui a valu à la maire une condamnation à trois mois de prison avec sursis et 2.000 € d'amende en mars 2024.
La maire "pleurait" pour la faire "culpabiliser"
La maire de Pleurtuit avait alors, dans les semaines suivant l'audition, exercé des "pressions" sur sa femme de ménage, qui avait démissionné après avoir assisté à l'altercation, pour la faire "changer de version".
À chaque fois que les deux femmes - qui habitent "à 300 mètres" l'une de l'autre - se croisaient, l'élue "pleurait" devant la femme de ménage pour la faire "culpabiliser", avait rapporté cette dernière dans sa plainte. Celle-ci disait avoir été victime d'un "lavage de cerveau" par Sophie Bézier qui lui répétait que son fils était victime d'un "coup politique" et que sa petite amie était une "menteuse".
La plaignante s'était alors retrouvée "prise au piège", résume son avocat, Me Guillaume Faist : appels téléphoniques "incessants", rendez-vous "de trois heures" chez l'élue et son père pour la "débriefer", envoi d'une adjointe municipale à son domicile... Sophie Bézier aurait été jusqu'à faire des "promesses" à sa femme de ménage, notamment celle de lui trouver un logement social, ce que la maire conteste. "Je lui ai dit que je ne pouvais pas intervenir, que ce n'était pas dans mes prérogatives", certifie la maire de Pleurtuit.
Mise face à ses "contradictions" par les juges d'appel ce mardi 25 juin, celle qui exerçait également la fonction d'officier de police judiciaire (OPJ) au moment des faits a reconnu avoir "perdu pied" mais nie fermement avoir fait pression sur sa femme de ménage. "J'étais très mal par rapport à mon fils, mais je ne lui ai jamais dit de changer son témoignage", insiste-t-elle.
Le "comportement exemplaire" de la femme de menage
La plaignante, elle, confie n'avoir qu'une envie : "Que tout ça s'arrête." L'expertise psychiatrique lui a diagnostiqué un "syndrome anxio-dépressif" avec des "idées suicidaires". Depuis, elle "évite les gens". "J'ai changé mes endroits de promenade, mes horaires de sortie... Je suis à bout", souffle-t-elle.
"Devant tous ces éléments, je crois qu'il est évident qu'il y a eu des pressions", est convaincu l'avocat général. Le représentant du parquet a requis dans ces conditions une aggravation de la peine prononcée le 24 juillet 2023 par le tribunal correctionnel de Saint-Malo : un an de prison avec sursis et le maintien de l'inéligibilité pendant cinq ans.
"Vous avez d'un côté une femme au comportement exemplaire, et de l'autre une élue de la République qui commet un acte contraire à l'honneur et aux lois qui régissent la République", justifie-t-il.
Mais pour l'avocat de la défense, Me Thierry Fillion, Sophie Bézier a agi "uniquement dans le cadre de sa vie privée". La peine d'inéligibilité de cinq ans lui semble "disproportionnée" car sa cliente n'a "jamais démérité de son rôle de maire" et "est soutenue par une grande partie des habitants de Pleurtuit". La cour d'appel de Rennes, qui a mis son jugement en délibéré, rendra son arrêt dans trois mois.
SG/RB (PressPepper)