Ce 6 avril 2024 marque le 80ème anniversaire de la rafle d’Izieu. À cette occasion, le scénariste breton, Pascal Bresson, sort une bande dessinée pour que les plus jeunes aient accès à cette histoire tragique.
"C’est un endroit merveilleux. Quand on arrive pour la première fois dans cette colonie, on est stupéfait par la beauté du paysage, des montagnes, décrit Pascal Bresson. On ne peut pas imaginer que l’horreur se soit abattue ici." Et pourtant.
Pour écrire sa bande dessinée, Pascal Bresson est parti passer plusieurs jours dans la colonie d’Izieu. Tout est resté en l’état. Les salles de classe, le réfectoire, le dortoir. Le scénariste a appris l’histoire de chaque enfant, regardé leurs dessins, leurs prénoms gravés dans les poutres du grenier.
"Ici, vous serez tranquilles"
Il les voyait jouer au foot dans la cour, entendait le cri de leurs jeux, imaginait leurs amourettes. "C’est très beau et en même temps, on sent qu’il s’est passé quelque chose et on se dit comment on en est arrivé là ?" raconte Pascal Bresson.
Au printemps 1943, Sabin Zlatin, une infirmière juive polonaise réfugiée en France, ouvre la colonie des enfants dans la Villa Anne-Marie à Izieu, un petit village de l’Ain.
Ils arrivent de Pologne, d’Allemagne, de Roumanie. Parfois, leurs parents ont été arrêtés sous leurs yeux. Au milieu de la guerre, la maison est pour eux un petit havre de paix. On leur avait promis : "ici, vous serez tranquilles."
La rafle
Mais le 6 avril 1944, premier jour des vacances, deux camions entrent dans la cour de la colonie. En quelques minutes, les nazis raflent tous les enfants.
Ils étaient 44 et avaient de 4 à 17 ans. Comme ils ne peuvent pas grimper dans les remorques, les plus petits sont balancés comme des sacs de pommes de terre.
Les enfants sont d’abord conduits à la prison de Montluc, puis transférés vers Drancy avant d’être envoyés à Auschwitz où ils sont gazés dès leur arrivée.
"C’étaient des enfants !"
En mai 1987, le procès de Klaus Barbie s’ouvre à Lyon. C’est lui qui a ordonné la rafle. Sabin Zlatin, qui était absente le jour de la rafle, se tourne vers Klaus Barbie et hurle : "c’étaient des enfants, ce n’étaient pas des résistants, c’étaient des enfants !"
"Quand on voit cette image et qu’on entend sa voix, c’est terrible, confie Pascal Bresson. C’est toute la détresse, toute l’incompréhension, toute la peine." "Oui, c’étaient des enfants, comment peut-on faire cela à des enfants" continue-t-il de s’interroger.
Des crayons contre la haine
La bande dessinée est devenue pour le scénariste breton une façon de se battre contre la haine et les crimes contre l’humanité. "Pour moi, il est impossible d’accepter ce qui se passe, souffle-t-il. C’est notre devoir de ne jamais oublier ce qui est arrivé à ces enfants, notre rôle de penser à Joseph, Georgy, Sarah et à tous les autres."
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Après avoir écrit une bande dessinée sur Simone Veil, une autre sur Serge et Beate Klarsfeld, Pascal Bresson veut continuer à combattre, à sa manière, avec des crayons, contre le racisme et l’antisémitisme.
Réponds que tu es humain !
Jean Veil, fils de Simone Veil
"Quand j’ai sorti la bande dessinée sur Simone Veil, les gens me demandaient si j’étais juif, se souvient-il. Le fils de Simone Veil m’a dit : 'réponds-leur que tu es humain'. C’est vrai qu’on est tous humains, le racisme et la haine ne devraient plus exister."
"Il faut expliquer aux jeunes qu’avoir la haine, ce n’est pas vivre ensemble, dit-il. Il faut des messages de paix pour que ces jeunes qui vont construire le monde de demain ne soient pas des adultes haineux."
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Un petit sifflet pour redonner espoir
Dans sa bande dessinée, Pascal Bresson varie les couleurs au gré des émotions. Quand les enfants sont insouciants, les pages ont des teintes vives. Mais elles virent au sépia lors des moments douloureux puis passent en noir et blanc pour les instants du procès.
Nos yeux et nos cœurs ressentent les mêmes peines, vivent les mêmes espoirs. Car dans l’horreur de l’Histoire, Pascal Bresson a aussi su trouver des histoires. Quelque temps avant ce 6 avril 1944, un petit garçon a donné un sifflet à la maîtresse pour qu’elle puisse appeler les enfants à la fin de la récréation.
Après la rafle, quand elle est revenue dans la colonie, elle a retrouvé le sifflet dans la poche de sa blouse. "Elle a demandé à être enterrée avec ce petit sifflet" relate le scénariste de La rafle d'Izieu.
Sous ses mots et ses pinceaux, les enfants d’Izieu et leurs accompagnateurs sortent de l’ombre. Il écrit et dessine pour que l’on se rappelle que la haine est le pire des engrenages, pour que l’on n’oublie jamais.