C'est l'une des surprises de ce remaniement : le retour d'un ministère de la Mer après près de 30 ans d'absence. Ce portefeuille revient à Annick Girardin, ex-ministre des Outre-mer. Les acteurs de la filière maritime espèrent que ce poste aura suffisamment de poids pour porter leurs intérêts.
Lundi 6 juillet, Annick Girardin est nommée ministre de la Mer du nouveau gouvernement Castex, après trois ans à l'Outre-mer.
Avec fierté, j'ai accepté la mission du président de la République et du Premier ministre d'être ministre de la mer. Avec + de 11 millions de km² de domaine maritime en France, + de 391 000 emplois, 10% de la biodiversité mondiale, les défis à relever sont immenses.
— Annick Girardin (@AnnickGirardin) July 6, 2020
Un poste réclamé depuis longtemps par la filière maritime. Aucun ministère ou secrétariat d'Etat n'était dédié à la mer depuis le départ d'Alain Vidalies en 2017, chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche.
Un ministère plein et entier
La cinquième République n'a connu que deux ministres de la Mer avant Annick Girardin. Jacques Mellick (1988 - 1991), avait succédé au Breton Louis Le Pensec (1981 - 1983 et 1988), premier au poste. L'élu du Finistère avait démissionné en 1983, lorsque le Premier ministre lui avait proposé de devenir secrétaire d'Etat, sous le ministre des Transports."Il y a une différence fondamentale entre le fait d'être ministre rattaché au Premier ministre ou ministre-délégué, rattaché à un autre ministre ou secrétaire d'Etat, et être ministre de plein exercice. Cela change tout. Il n'y a pas les mêmes moyens", insiste Louis Le Pensec.
Il salue aujourd'hui le retour d'un ministère qui lui est cher et la nomination d'une femme. L'ancien député attend désormais la parution du décret qui détermineront les prérogatives du poste.
Je pose trois questions pour l'avenir : quelles compétences lui seront accordées ? De quels moyens budgétaires disposera-t-elle pour des enjeux économiques, sociaux, écologiques, biologiques, énergétiques ? Et surtout quelle sera la politique de son ministère, pour que ce ne soit pas une coquille vide ?
Michaël Quernez, président de l'association des ports de plaisance de Bretagne et président du syndicat mixte de la pêche et plaisance de Cornouille, se réjouit aussi de cette nomination. Cet ancien assistant parlementaire de Louis Pensec, espère que la nouvelle ministre de la Mer aura du poids à l'échelle nationale et européenne.
C'est un poste transversal, interministériel. L'activité maritime est liée aux transports, à l'écologie et la transition énergétique, la ressource mais aussi à l'aménagement du territoire et au tourisme si l'on pense à la plaisance. C'est tout l'enjeu d'un ministre de la Mer. Il faut un vrai ministre, plein et entier, qui ait de vrais pouvoirs et ne passe pas sous les fourches caudines des autres ministères.
Le dossier du Brexit, en haut de la pile
À l'échelle européenne, le ministère de la Mer aura notamment à gérer les enjeux liés Brexit. "La priorité c'est de faire en sorte qu'on puisse passer le Brexit de la meilleure façon possible en ayant une continuité des droits d'accès à la ressource dans les eaux du Royaume-Uni", explique Olivier Le Nézet.
Le président du comité régional des pêches en Bretagne espère également qu'Annick Girardin mettra "tout en oeuvre pour le développement économique maritime".
"Elle aura des leviers plus importants pour défendre la pêche et la filière de premiers acheteurs et transformateurs. Jusqu'à maintenant, nous étions dans différents ministères donc c'était extrêmement compliqué."
Une expérience reconnue
La nomination d'Annick Girardin fait en tout cas l'unanimité auprès de Louis Le Pensec, Michaël Quernez et Olivier Le Nézet. "Elle a quand même une connaissance du milieu, une expérience ministérielle forte et elle a bien en tête tous les enjeux", glisse Michaël Quernez.
Fille d'un pêcheur, reconverti en boulanger, Annick Girardin est née à Saint-Malo. Élue radicale de gauche de Saint-Pierre-et-Miquelon (archipel d'à peine 6.000 habitants au large du Canada), elle a été secrétaire d'Etat au Développement et à la Francophonie, puis ministre de la Fonction publique avant de devenir ministre des Outre-mer. Elle aurait souhaité à l'époque, dit-elle, "un grand ministère de la mer et des Outre-mer."