Trois ans après la pandémie, les centres de loisirs peinent à recruter des animateurs. Entre crise de vocation, précarité du métier et manque de formation.
"Désolés, nous n’allons pas pouvoir prendre votre enfant comme prévu en colonies de vacances cet été, nous n’avons pas trouvé assez de personnel pour ouvrir le centre". Beaucoup de parents ont entendu cette phrase cette année, au moment d’inscrire leur enfant, que ce soit pour un séjour en colonie de vacances ou en centre de loisir.
Il faut dire que la fréquentation chute depuis plusieurs années. Alors que 4 millions d'enfants étaient envoyés en "colo" dans les années 60, ils n'étaient que 1,4 million en 2021, selon un rapport gouvernemental. Un déclin amorcé avant la crise sanitaire.
Crise des vocations
Pour assurer le bon fonctionnement des centres de loisirs, la réglementation est la suivante : il faut compter un animateur pour huit enfants, en ce qui concerne les moins de 6 ans et un animateur pour 12 enfants, pour les plus de 6 ans.
Avant les vacances d’été, cela peut devenir un véritable casse-tête pour les centres de vacances ou les communes pour recruter des animateurs. Un métier qui nécessite de l’engagement, une forte amplitude horaire, mais avec un faible salaire à l’arrivée.
Conséquence : de moins en moins de jeunes passent le Bafa, brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur. En cause, le coût du diplôme, assez onéreux (entre 700 et 1.000 euros), les salaires. Les candidats à l'animation se font de plus en plus rares.
En France, le nombre de Bafa délivrés a atteint 42.900 en 2019, soit 28% de moins qu'en 2016, où 54.800 personnes avaient été diplômées, selon l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep).
À Mesnil-Roc'h, en Ille-et-Vilaine, des mesures d’attractivité
En plus de payer leur diplôme, entre 700 et 1.000 euros, les contrats sont précaires et les conditions de travail difficiles.
Les animateurs peuvent gagner moins que le Smic horaire. Leur rémunération est encadrée par une règlementation qui leur est propre: le contrat d'engagement éducatif (CEE).
Pour relancer la machine, le gouvernement a débloqué une aide de 200 euros pour quelque 20.000 jeunes qui s'inscriraient à la formation d'animateur en 2022, sans conditions de ressources.
Ce contrat prévoit un salaire minimum de 23,87 euros bruts par jour. À titre de comparaison, cela correspond à 2,2 fois le Smic horaire brut. Pour deux semaines d'animation de colonies de vacances, un animateur gagne donc, au minimum, 334 euros bruts.
Des mesures peuvent également être prises au niveau local. A Mesnil-Roc'h, commune rurale située à une vingtaine de km au sud de Saint-Malo, à 40 kilomètres au nord de Rennes, la mairie a décidé de revaloriser les contrats des animateurs. "On a fait un travail de fond avec l'UFCV, explique la maire Christelle Brosselier, sur laquelle on s'appuie pour organiser l'accueil dans notre centre de loisirs. Ce travail, c'est de fidéliser nos animateurs, ça passe par plus de CDD ou de CDI, moins de contrats d'éducateurs".
Une décision qui représente un effort financier conséquent pour la commune, mais la maire assume.
Il faut valoriser ces travailleurs-là, les salaires ne sont pas à la hauteur du travail fourni. Il faut le reconnaître et payer les gens. C'est un service rendu aux familles.
Christelle Brosselier, maire de Menil Roc'h
Conséquence de cette politique : Menil Roc'h aura tous les animateurs qu'elle souhaitait cet été. Et beaucoup d'entre eux sont des animateurs qui travaillent également sur le temps péroscolaire, l'hiver, et qui ont pu être fidélisés.
Parmi eux, il y a Zoé Bienassis, 18 ans. Celle-ci affirme adorer son activité : "être avec les enfants c’est quelque chose qui me plait beaucoup, quand je suis ici j’ai pas l’impression de travailler, y’a des choses un peu compliquées mais il y aussi plein de choses très agréables, et plutôt gratifiant" - mais elle concède qu'on ne fait pas ce métier pour l'argent.
Si on est étudiant et qu’on veut être autonome financièrement, ça va être compliquée en travaillant dans l’animation.
Zoé Bienassis, animatrice à Mesnil-Roc'h
Comme ses collègues, Zoé a été augmentée d'environ 20 euros par journée. "Avant d’avoir le BAFA, j’étais à 30 euros la journée. Avec le Bafa, je suis passé à 40 euros. Avec la revalorisation je vais être à 60 euros la journée", compte-t-elle.
Cet été elle part à Saint-Suliac trois semaines avec des 6-8 ans. Et avec le sourire !