"Un énorme gâchis"', les salariés de l'abattoir AIM fixés sur leur sort, le 19 juillet

Ce 17 juillet 2024, pour venir devant le tribunal de commerce de Rennes qui doit prononcer la liquidation de leur entreprise, les salariés d'AIM avaient enfilé leurs tenues de travail. "Nous, ce qu'on veut, c'est ça, c'est du boulot", résume un salarié. Mais la chose sera difficile. Faute de repreneur, l'abattoir se dirige vers la liquidation. Un énorme coup dur pour les 57 salariés et pour la commune.

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Il n’y avait aucun suspens, mais les 57 salariés d’AIM avaient loué un car pour venir assister tous ensemble à l’audience du Tribunal de commerce de Rennes.

"Il n’y a pas de repreneur, pas de plan de poursuite d’activité, donc, ce sera purement formel ", avait prévenu Elise Brand, l’avocate des salariés après quatre heures de réunion ce mardi 16 juillet avec la direction. "C’est obligatoirement une liquidation, ce sera formel… et difficile quand même ! "avait-elle soufflé.   

L'audience au Tribunal de commerce a duré plus d'une heure. La décision a été mise en délibéré, elle sera rendue lundi, mais elle ne fait aucun doute, ce sera la liquidation. 

"Vendredi, sera le dernier jour", lance l'avocate qui peine à retenir ses larmes,"je veux vous dire que je vous trouve exemplaires". 

68 ans de bons et loyaux services

L’abattoir d’Antrain, en Ille-et-Vilaine, existe depuis 1953. Le site a employé jusqu’à 260 salariés dans les années 1990. Ils n’étaient plus qu’une soixantaine ces derniers mois.

Les difficultés ont commencé à l’automne. Le groupe belge Sopraco qui a racheté l’atelier en juin 2023, n’a pas effectué les travaux de remise aux normes de la chaîne d’abattage exigés par les services vétérinaires. La préfecture a ordonné sa fermeture.

"À ce moment-là, on a compris que cela allait être compliqué, confiaient hier les salariés rassemblés devant l’entreprise. On achetait des bêtes abattues ailleurs pour les découper, donc on les payait plus cher ! Et comme les salariés de l'abattage avaient été conservés et travaillaient à la découpe, ça ne pouvait pas fonctionner !"

Lire : "Pour trouver un repreneur, il faut en chercher un", les salariés redoutent la liquidation de leur abattoir

120 bovins par jour

Jusqu’alors, le site tournait pourtant jusqu’alors à plein régime : "on abattait 600 bovins et autant de veaux par semaine. 120 vaches et 120 veaux par jour", témoignent les salariés." On était le seul abattoir de France à fonctionner 5 jours sur 5 et on nous ferme ! Ils ont voulu rayer AIM de la carte," s’étrangle Philippe Pichon, membre du CSE d’AIM.

Lundi, les salariés ont vidé les frigos : "C’est fini, les carcasses sont parties, on n’a plus rien pour travailler donc… voilà, on est mis à la rue !"

"Fermer des entreprises qui gagnent de l’argent, je commence à en avoir ras-le-bol" s’agaçait Elise Brand, l’avocate des salariés d’AIM. "Fermer des entreprises, où il n’y a plus d’activité, je comprends, mais fermer une entreprise, où le chiffre d’affaires a augmenté de 19%, c’est un petit peu difficile à avaler. Surtout quand les gens n’auront rien ! Ils vont partir après 20, 30 ans de travail avec une main devant, une main derrière !"

57 salariés sans emploi

Devant le tribunal, les salariés accusent le coup. "On est pris pour de la m…" s’énerve Frédéric Candon. "Nous, on est tout en bas, eux, ils sont tout en haut ! Eux, ils s’en foutent, ils ont leur travail le lendemain, ils ont leurs bureaux, des belles voitures et nous, le lendemain, on est au chômage."

"Patatras, fin du feuilleton, soupire Rémy Burgot. Ça fait mal au cœur, il y a des gens, il n’y a que le mari qui travaille, il n’y a que lui pour faire bouillir la marmite et puis là… pfuitt…"

Salarié au désossage, Rémy Burgot évoque la situation de certains collègues qui n’ont pas le permis de conduire, qui viennent à pied ou en scooter. "Comment ils vont faire ? Qu’est-ce qu’ils vont faire ? Eux, dit-il, en désignant la Tesla garée sur le parking, ils s’en moquent, mais il faut se mettre à la place des gens."

Un coup dur pour la commune

Emmanuel Houdus, le maire de la commune de 4 300 habitants, a attendu la fin de la réunion pour avoir des nouvelles. Il s’inquiète pour les salariés et pour sa commune. "Les salariés, ce sont des citoyens, ils ont leurs maisons ici, ils vont dans les commerces, les écoles, ils font vivre les associations."

Et effectivement, à Antrain, les voisins de l’abattoir s’arrêtent pour prendre des nouvelles. Une dame arrive avec un plat. Elle a fait un gâteau pour soutenir les salariés.

Jusqu’à mercredi matin, les commerciaux ont reçu des appels et des messages : "On a des clients historiques qui sont là depuis toujours et qui ce matin encore appelaient pour savoir où on en est, ce qui se passe. Pour eux, la disparition d’AIM est incroyable."

Plusieurs éleveurs se sont également déplacés. Sur sa chemise, Stéphane Galais, secrétaire national de la Confédération paysanne en charge de l’élevage, a accroché le badge de son syndicat. "Les éleveurs ont besoin de sites d’abattage à proximité des exploitations, sinon, demain, il n’y aura plus d’élevages. Cela paraît évident, explique-t-il, transporter des animaux à l’autre bout du pays pour les abattre et les ramener ici, ça n’a pas de sens, ni économiquement, ni environnementalement !"

"On a laissé l’entreprise crever !"

Mais devant les bâtiments, comme devant le tribunal, beaucoup s’interrogent. Est-ce que cette fermeture n’était pas voulue ?

"Quand on se donne un mois pour trouver un repreneur, on est sûr de ne pas en trouver" assène Elise Brand. Et l’avocate poursuit, "la fermeture n’est pas un événement économique qui est totalement subi, mais qui répond à une stratégie du groupe."

"Quand on est un groupe à dimension internationale, ce n’est pas un problème de fermer un établissement, ce n’est pas un problème de financer un plan social. Là, le choix qui a été fait est tout autre : on a laissé l’entreprise crever volontairement et on la met en redressement judiciaire parce que c’est l’AGS (le régime de garantie des salaires) qui va payer les cotisations" s’indigne-t-elle encore.

Lundi, les salariés vont rester chez eux. Rien que d’y penser, Philippe Pichon a une grosse boule dans la gorge. Il sait bien qu'il ne perd pas que son travail ! Il évoque les liens d’amitié avec les collègues. Il a commencé à AIM il y a 24 ans. "On était habitués à venir ensemble le matin, à travailler et puis à se voir et puis, du jour au lendemain, tout s’arrête, tout s’écroule. C’est difficile, très difficile !"

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