Jean-François travaille depuis l’âge de 17 ans en tant que marbrier granitier. C’est lui qui fabrique les sépultures ou creuse les caveaux dans les cimetières. Stefani et Carlo eux préparent les corps avant le dernier voyage, pour laisser aux familles une dernière image.
Un héritage familial, l’amour de la pierre. Jean-François Bertin a 53 ans. Marbrier granitier depuis l’âge de 17 ans, il succède à son père et à son grand-père au sein de l’entreprise familiale fondée en 1931. "J’ai tout de suite su que je voulais faire ça" raconte-t-il, alors que son père aurait bien voulu l’en décourager. Il le met même à l'épreuve pendant l'été. "Il faisait une chaleur. Là il m'a dit 'tu vas fondre tous les blocs, forger tes outils'. J'ai pris des suées..." sourit-il.
Il fait un CAP tailleur de pierre à Coutances puis revient en Bretagne. Son métier englobe plusieurs activités : "au début, j’ai été beaucoup dans les cimetières, à creuser." car le marbrier granitier creuse les caveaux. C’est aussi lui qui ferme les sépultures avant d’apposer les stèles. Il se souvient "à 17 ans, on n’est pas préparé à enterrer des gens de son âge."Le coeur du métier c'est la matière
Son père lui a appris à regarder la pierre. 'Il faut toujours prendre le temps, de l’observer quand elle arrive. Après le premier sciage, on sait déjà ce que l'on va pouvoir faire."
Que signifie la pierre pour les familles ? Il réfléchit. "Cela leur permet de retrouver quelque chose du défunt, un goût, une couleur, des motifs. Une fois que le monument est posé on sent qu’il y a un soulagement pour les proches, pour pouvoir avancer dans leur deuil." Au fil du temps, il apprend à prendre de la distance avec le chagrin des autres. Une nécessité.
Un métier mis en péril par les importations et l’augmentation des crémations
Sa profession affronte de nouveaux enjeux. La crémation est devenue un choix, plébiscité par un tiers des français.
"L’importation des matières étrangères m’a aussi fait me poser des questions" souligne Jean-François. Avec douze salariés sous sa responsabilité, fallait-il continuer à fabriquer ? Fallait-il importer ? "On m’a dit que si je rentrais dans l’import, je serais mort." Il décide finalement de conserver son savoir-faire, de "serrer les boulons partout" tout en se diversifiant. Le funéraire concerne désormais 70 % de son activité. Il mise sur la décoration pour les 30 % restants. Son secteur recrute mais les candidats manquent.
"Cela touche tous les sens. Ça sent, la mort"
Carlo et Stefani sont thanatopracteurs. Ils s'occupent du corps du défunt, d'en préserver la dégradation, pour les proches qui veulent avoir une dernière image. Ils n'interviennent que si la demande en a été faite.
Ce métier a pour tous les deux été une révélation, après des débuts professionnels dans des domaines complètement différents. Le milieu agricole pour Carlo, la vente pour Stefani.
Chacun se rappelle de son premier soin, une étape importante avant de se lancer. "Mon premier c'était à Nantes, j'ai trouvé ça beau, les gestes, ce travail avec la tête, le coeur et les mains" dit Stefani. "J'étais faite pour ça" et d'ajouter "ça nous concerne tous".
Carlo s'est toujours senti attiré par le milieu mortuaire. Le décès de proches confirme son appétence. "Quand je les ai vus avant et après le soin, je me suis rendu compte qu'ils étaient beaux." Avant de reprendre des études et d'obtenir un diplôme d'État, lui aussi assistera à plusieurs soins. "Il faut dire ce qui est. C'est choquant car invasif. Et puis dans notre société, on a oublié ce que c'était la mort, que notre corps est fait à 80% d'eau, que ça sent, que c'est pas joli..."
"On a un rôle primordial dans le deuil" rappelle Stefani "si il n'y a pas de dépouille, si le corps est trop abîmé, cela entraîne des difficultés pour les familles." Elle précise "attention, nous ne sommes pas des magiciens, si le corps est trop dégradé et qu'on ne peut rien faire, on le dit."
On est redevenu une profession de l'ombre
Après avoir été salariés pendant de nombreuses années, Carlo et Stefani ont décidé de créer leur propre SARL. Ils exercent désormais à leur compte, de manière itinérante et interviennent à la demande des pompes funèbres notamment. Leur métier a évolué. "On a beaucoup plus rarement affaire aux familles. Avant les soins se pratiquaient beaucoup à domicile et laissaient le temps à l'échange" regrettent-ils.
Leur profession a forcément une incidence sur leur rapport à la mort : "on voit tous les jours la brieveté de la vie. On a une certaine lucidité."