Quarante ans dédiés aux Transmusicales et toute une vie à la passion du rock: Jean-Louis Brossard, cofondateur et programmateur du festival rennais, vit comme au premier jour et toujours aussi intensément sa vocation de dénicheur de talents.
A quelques heures de l'ouverture de la 40e édition, comme à chaque fois, excitation et crainte ferraillent dans la poitrine de l'enthousiaste transmetteur, inlassable curieux de la chose musicale, qui attend d'enfin vérifier sur pièce s'il ne s'est pas trompé dans sa sélection d'artistes pour la plupart inconnus.
"Au bout d'une chanson, généralement, je sais. Je vais tous les voir, en espérant entendre le morceau qui m'a accroché à leur découverte", nous dit l'érudit
au flair incontestable, en témoigne la liste pléthorique de stars révélées aux Trans depuis la première édition en 1979 : Nirvana, Daft Punk, Björk, Noir Désir, Stromae...
Un flair, ou plutôt une oreille musicale
Jean-Louis Brossard, né le 7 août 1953 à Talence, a développée en apprenant le violon de 5 à 15 ans au Conservatoire de
Saint-Brieuc, où son père était professeur de basson.
Le rock, il tombe dedans à l'adolescence en écoutant le "Pop Club" de José Artur. Ses premiers 45 tours? "Apples and oranges", de Pink Floyd en 1967. "L'année
suivante, j'ai commandé le premier King Crimson en import. Il a mis un temps fou, mais quand il est arrivé: Whaou!!!"
Fils unique, que ses parents souhaitent voir devenir docteur, JLB arrive en 1972 à Rennes pour suivre des études de médecine:
"Je sors tous les soirs, je vais peu à la fac, beaucoup chez le disquaire."
Il fait en 1976 la rencontre d'Hervé Bordier, "vendeur chez Disc 2000 qui m'a proposé de l'aider à organiser des concerts".
En 1979, les deux hommes et Béatrice Macé (toujours sa codirectrice) lancent les premières "Rencontres trans musicales" les 14 et 15 juin à la salle de la Cité.
"Marquis de Sade a tout balayé", se souvient-il.
La 2e édition, un temps incertaine, est repoussée à décembre 1980.
Le créneau ne changera plus. Y jouent le jeune Etienne Daho, des groupes bretons et un parisien, Orchestre rouge. Rapidement les "Trans" s'ouvrent à l'Europe, à l'Amérique et au monde."Le réseau s'est densifié au fil des années, en nouant des contacts partout où je suis allé voir des concerts", explique Brossard qui ne commence à vivre du festival qu'à partir de 1991.
Depuis l'avènement d'internet et la prolifération des festivals, il reconnaît qu'il est devenu difficile de dénicher la perle que les autres n'ont pas trouvée.
"Cette année j'ai eu du mal à finir ma programmation", confie-t-il, regrettant l'époque où on ne lui envoyait que des disques. "Maintenant c'est un mail avec quinze liens. C'est chiant. Le monde change".
Et les années passent, qui ont laissé peu de temps pour la famille et ses trois enfants. "Je m'en suis occupé un peu, mais pas tant que ça. Je suis pris par la musique, même si a va mieux maintenant. Mon aîné vient aux concerts, une de mes filles bosse à (la salle rennaise) l'Ubu et j'ai une autre fille que je vois malheureusement peu".
Silence. Brossard préfère s'épancher sur les anecdotes, souvent hilarantes: "Il y avait ces freaks américains, Jim Rose Circus sideshow. L'un d'eux soulevait des fers à repasser avec ses seins, puis avec son sexe qui pendait jusqu'aux genoux. Dans la salle, pouf, pouf, pouf, les mecs tombaient dans les pommes. En tout 21 évanouissements!"
Les mauvais souvenirs sont moins nombreux: "de rares annulations ou concerts ratés et des moments où financièrement on était très mal".
A 65 ans, aucune fatigue à l'horizon
"La musique c'est mon énergie. Pendant les Trans, je dors trois, quatre heures et ça me va très bien.""Après, j'ai toujours ma période où j'ai la peur du vide: Mon dieu, qu'est-ce que je vais faire ? Généralement c'est en février, mars. Mais après je reprends le dessus", assure celui qui ne compte pas passer la main de sitôt.