La loi sur les langues régionales a été publiée dimanche au Journal officiel dans sa version édulcorée. Depuis vendredi, l'enseignement immersif est contraire à la Constitution. Cette décision plonge les écoles associatives, telles que Diwan, dans une grande insécurité juridique.
La loi sur les langues régionales a été publiée au Journal officiel dimanche sans attendre la tenue d'une nouvelle délibération au Parlement, comme l’avait demandé Loïg Chesnais-Girard, président du conseil régional de Bretagne, à Emmanuel Macron.
Alors que le Conseil constitutionnel a censuré, vendredi, deux articles de cette loi, la situation autour du sort des écoles immersives reste des plus confuses.
Qu'est-ce que l'enseignement immersif ?
L’article L 312-10 du code de l’éducation n’autorise que deux formes d’enseignement des langues régionales :
- l'enseignement de la langue et de la culture régionales, en l'occurence le breton, représente un cours parmi d’autres, comme l’anglais ou l’espagnol;
- l' enseignement bilingue c’est-à-dire une parité entre le français et le breton, comme c’est le cas aujourd’hui dans les écoles publiques qui proposent une telle filière.
La loi Molac voulait rajouter à cet article une troisième forme d’enseignement : l’immersion. C’est ce qui se pratique à Diwan : on parle breton aux élèves sur tout le temps scolaire, y compris à la cantine et dans la cour de récréation. Le français n’est réintroduit progressivement dans l’enseignement qu’à partir du CE1.
Pourquoi est-il jugé anticonstitutionnel ?
C’est précisément cela qui a été jugé contraire à la constitution. C'est l'article 2 qui prône que "la langue de la République est le français".
Dans un entretien à nos confrères d'Ouest France, Jean Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, se veut rassurant :
"Elle va sans doute conduire à des évolutions, mais elle ne condamne en rien Diwan, qui n’est pas menacé dans son existence. Il y a même là une opportunité pour passer à une nouvelle phase de son développement. Je resterai très attentif à ce que nous puissions continuer à appuyer Diwan."
Insécurité juridique
Il est indéniable que de le déclarer anticonstitutionnel place l’enseignement immersif dans une grande insécurité juridique.
Eneritz Zabaleta, docteur en droit qui a travaillé avec le député breton Paul Molac, estime sur France Bleu Pays Basque que "soit les écoles associatives comme les ikastola [NDLR: pour l'enseignement du basque], diwan ou calandreta [pour l'occitan] remettront en question la pédagogie immersive pour sécuriser leur contrat d'association, soit elles continuent avec l'immersion, avec le danger que leur contrat d'association et leur financement soit remis en cause et soit tout simplement annulé".
Un contresens selon François Bayrou
Dans L'Express du 24 mai, le président du Modem et maire de Pau, François Bayrou appelle à son tour Emmanuel Macron à se saisir de la question. Car « cette disposition [L'article 2 de la Constitution] n’était en rien dirigée contre les langues régionales et, en fait, elle ne visait que l’outrancière domination culturelle de l’anglais », rappelle celui qui défend aussi la pratique du béarnais dans son département.
De meilleurs résultats pour l'enseignement immersif
Pourtant, les statistiques donnent raison aux partisans de l'enseignement immersif breton.
65% des élèves de 3ème à Diwan atteignent le niveau de compétence B2 en langue bretonne. Ils ne sont que 26% à l’atteindre dans les écoles bilingues publiques.
Les chiffres montrent également que l’immersion ne nuit pas à l’apprentissage du français : les collégiens Diwan sont 95 % à obtenir le brevet, dont les épreuves se déroulent en français. Idem pour le bac, le taux de réussite du lycée Diwan de Carhaix est proche de 100%
Combien d’élèves concernés ?
En 2020, il y avait 4 059 élèves inscrits dans les écoles, collèges et lycées Diwan.
L'Education nationale va devoir se prononcer très rapidement pour la rentrée.