"Bébés sans bras" : des familles se sentent oubliées

Un an après le début de l'affaire, des familles se sentent mises à l'écart par les autorités. Dans un rayon de 20 km autour de Guidel, 6 enfants sont nés entre 2011 et 2015 avec la même malformation. Pourtant les experts mandatés n'ont retenu un excès de cas que pour la moitié d'entre eux. 

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À Calan dans le Morbihan, Lola est une petite fille de 8 ans passionnée par l'équitation. Son bras droit s'arrête au poignet, ce qui n'empêche pas la jeune fille de monter à cheval depuis l'âge de 3 ans, grâce à des rênes adaptées.

Lola est née avec une malformation rare, appelée agénésie transverse des membres supérieurs (ATMS). Elle concerne environ une naissance sur 6000

La mère de Lola a appris la nouvelle cet été : les experts mandatés par le Ministère de la Santé concluent que la malformation de sa fille est le fait du hasard. Seul un excès de cas à Guidel est retenu. Elle vit pourtant à moins de 20 kms de la commune bretonne qui a fait la Une de l'actualité.

On a l'impression que ça s'arrête au panneau Guidel et qu'une fois dépassé le panneau Guidel, les autres on ne s'en occupe plus. On est à 20 kilomètres de Guidel, il ne faut peut-être pas exagérer. On est dans le même espace-temps, ma fille est née 5 jours après l'un des enfants de Guidel, on ne peut pas mettre ça sur le coup du hasard

Aurélie Bingler se dit "en colère mais pas surprise". Elle a perdu confiance envers les autorités sanitaires et a décidé avec son mari de porter plainte. Elle a déja contacté un avocat dans ce sens.


"Bébés sans bras", nos informations un an après : reportage de Jérémy Armand, Sandrine Ruaux

 

 

Six cas dans un rayon de 20 kms en 5 ans


D'après le rapport rendu par le comité d'experts le 11 juillet 2019, seules trois naissances à Guidel entre 2011 et 2013 constituent un excès de cas significatif, c'est à dire probablement pas dû au hasard, ce qu'on appelle en analyse statistique un "cluster". 

Pourtant, nous avons identifié 3 autres enfants nés sans avant-bras dans un rayon de 20 kilomètres : la petite Lola à Calan en 2011, à Inguinel, Mathis né en 2015, et dans la commune du Saint, Gaston né en 2015.
 


Au Saint, la mère de Gaston n'a jamais été contactée par les autorités en charge de l'enquête. Elle n'a reçu aucun questionnaire pour tenter de déterminer les causes de la maformation de son fils, contrairement aux autres familles du Morbihan.

Dans leur rapport, les experts mentionnent le cas de son fils. Mais ils précisent "qu'un doute subsiste" sur la nature de sa malformation.
Sylvie Huiban se sent abandonnée, face aux questions de son fils.

Fréquemment, il nous demande : "pourquoi je n'ai pas deux mains, est-ce que quand je serais grand j'aurais deux mains ?" On est régulièrement confrontés à ce genre de questions, on y répond avec nos mots et notre sensibilité, confie Sylvie Huiban.
 

La piste de deux pesticides


Dans leur rapport, les experts n'ont identifié aucune cause à ces malformations groupées. Un homme leur a pourtant présenté une piste lorsqu'il a été auditionné par le comité. Hervé Gillet est un ancien ingénieur au ministère de l'Agriculture aujourd'hui à la retraite, il a été directeur adjoint de la Brigade nationale d’enquêtes vétérinaires et phytosanitaires.

Nous lui avons présenté les dates de naissances et les lieux d'habitation des familles au moment des grossesses pour les 6 cas du Morbihan. A chaque fois, des parcelles cultivées se trouvent à proximité des habitations. Hervé Gillet a étudié l'environnement à travers des bases de données agricoles et des informations concernant la météorologie et les pesticides utilisés dans le secteur. 

Il note la possibilité d'une exposition des mamans, lors de leur grossesse, à certains pesticides susceptibles de nuire aux fœtus.
En croisant les données, deux substances retiennent son attention : un insecticide de la famille des néocotinoïdes, et un ou des fongicides de la familles des triazoles.

Une hypothèse qui n'a pour l'instant fait l'objet d'aucune vérification de terrain.

 

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