Faire ses bagages en vitesse, quitter Paris, Nantes ou Rennes pour se mettre au vert à la campagne, au bord de la mer : pour ceux qui le peuvent, ce choix s'est imposé face à l'épidémie de coronavirus. Nous avons rencontré ces nouveaux habitants qui ont choisi la Bretagne.
François-Marie est à la sortie de l'école Saint-Michel de Carnac, il attend son petit dernier, Mahé, 4 ans. L'école est toute nouvelle pour Mahé.
Sa famille a quitté Paris pour Carnac. Carnac, la ville où elle vient d'habitude pour les vacances. Cette fois, c'est pour y poser ses valises et y vivre à l'année.
Etape n°1 avoir déjà pensé au projet, n°2 être restés confinés à Carnac, n°3 s'y installer
Les parents avaient déjà pensé à déménager avant, mais tout s'est précipité pendant le confinement.François-Marie, sa femme et leurs 3 garçons étaient à Carnac pour voter pour les municipales à la mi-mars. Et vu les annonces du gouvernement sur un confinement général, ils se sont confinés dans la maison de famille à Carnac. Mars, avril... ils se sont rendus compte qu'ils étaient bien, que leur cadre de vie était exceptionnel. Ils ont fini par rester. Madame travaillait pour une société pétrolière était régulièrement à l'étranger, elle a démissionné en juin. Monsieur s'occupe des enfants, comme à Paris.
Au début, il a fallu convaincre les enfants, habitués à la vie de quartier, à Paris, à leurs copains, à leurs activités. Aujourd'hui, Paris leur manque encore, même s'ils apprécient le rythme de leur nouvelle vie.
"Ici le temps s'écoule plus lentement. Ca fait bizarre des fois, mais j'ai pas peur de m'ennuyer", lance l'aîné des garçons. "Oh pas avant 2 ou 3 ans" enchérit le cadet.
La maison secondaire qui devient la maison principale
La famille Le Baud emménagera bientôt dans une maison toute neuve. A l'origine, c'était une maison secondaire que le couple faisait construire, elle deviendra donc l'habitation principale.
Paris, mais aussi Rennes, Nantes ou Vannes. Ils sont nombreux à vouloir se mettre au vert et à bouleverser leurs habitudes de vie et de travail. Certains, parmi les plus riches, ont choisi d'inverser le modèle, explique Paul Chapel : "aujourd'hui, ils passent 2 ou 3 jours à Paris, Rennes ou à Nantes et le reste du temps à Carnac, en télétravail et non plus l'inverse".
Un marché de l'immobilier hyper tendu
Encore faut-il avoir un logement sur place. Car à Carnac, le marché de l'immobilier est tendu. La demande est forte, mais les biens sont rares. Ils sont au moins 10 acquéreurs en attente pour une seule maison ou un seul appartement à vendre. Et personne ne négocie plus. Paul Chapel, directeur de deux agences immobilières, à la Trinité sur Mer et à Carnac n'a jamais vu ça, il vend des maisons par téléphone.
A Carnac, les dernières statistiques de la Chambre régionale des notaires de Bretagne, datent du 30 juin 2020. Elles montrent que le prix des appartements anciens est de 4450 € / m2, soit une augmentation de 16.1% sur un an. Celui des maisons anciennes est en moyenne de 400.000 €, soit plus de 2.8% sur un an. Et c'était avant l'été.Ça nous est arrivé de vendre une maison avant même que les gens viennent la visiter.
A l'école aussi, certaines inscriptions se sont faites par téléphone. Ce qui a aussi surpris la directrice de l'école Saint-Michel.
J'ai fait des inscriptions en 5 minutes et ça s'est fait par téléphone. Ce qui n'arrive pas souvent.
Finalement 40 nouveaux enfants ont fait leur entrée, c'est 15 de plus que l'an dernier.
Certains ont dû renoncer à s'installer dans la ville balnéaire, faute de logement.
D'autres tentent des solutions temporaires, comme la famille de Lenny. Les parents et leurs 2 enfants sont hébergés chez les grands parents. Ils ont quitté leur HLM de la région parisienne et attendent un nouveau logement à Carnac. A peine arivée, la maman, Lucie a trouvé un travail dans un supermarché de Carnac, elle espère maintenant être gardée en CDI pour pouvoir trouver un logement. Le papa continue les aller-retour entre Paris et le Morbihan.
La famille a déménagé à cause du virus. Le petit Lenny l'a bien intégré.Je pense qu’il y a quand même plus de facilités qu'en région parisienne où il y a des listes d’attente et on attend des années {pour avoir un logement]
Vu qu’il y a le virus, c’est vraiment très très très dangereux. Ici on peut dire qu’il y a moins de chances qu’il vienne le virus, parce qu’il y a l’air de la Bretagne et l’air de l’eau, alors qu’à Paris, y’a pas de mer
L'attrait pour la Bretagne n'est pas nouveau
Tous les ans, des familles franchissent le pas.
Wilhem et sa famille l'ont fait il y a 2 ans. Ils ont quitté la région parisienne pour s'installer à 15km d'Auray. Stéphanie a démissionné, Wilhem a demandé à son patron de télétravailler presqu'à temps plein. Un patron précurseur qui a dit oui. Aujourd'hui, il télétravaille 5 jours par semaine. Wilhem explique qu'il faisait régulièrement des aller-retour, mais que suite au confinement, il gère tout depuis son domicile à Pluvigner.
Deux ans plus tard, personne ne regrette le stress de la ville, des trajets. C'était 4 heures par jour pour le père de famille. Personne ne regrette la petite maison de la région parisienne. Tous apprécient leur nouvelle vie et la proximité avec les voisins ou les commerçants
C'est des choses banales, mais quand les gens nous ont dit bonjour, quand la boulangère vous connaît et quand elle vous dit 'oulala le pain il est trop petit aujourd’hui on va le faire moins cher' c’est des choses qui sont inconcevables sur Paris.
Chloé est en CM2 et ce n'est pas elle qui contredira sa mère.
Même s'il y a moins de choses importantes, il n'y a pas la Tour Eiffel et tout ça... mais moi, je trouve que le plus beau cadeau en Bretagne, c’est la mer
Chloé, elle n'est pas prête de repartir à Paris...
Aujourd'hui, ce sont les villes de bord de mer qui sont les premières à voir arriver ces nouveaux habitants, les villes moyennes voient le marché de l'immobilier se tendre modérément. C'est aussi le cas de l'intérieur de la Bretagne.
Mais il est trop tôt pour dire s'il s'agit d'un mouvement de fond ou d'un épiphénomène lié à la crise sanitaire.