L'ex-jihadiste bretonne Emilie König, retenue dans un camp en Syrie après des années passées avec le groupe Etat islamique (EI), souhaite revenir en France. Accusée d'avoir recruté pour l'EI, elle ne "voit pas pourquoi elle devrait aller en prison".
Elle a troqué son voile intégral pour un legging en skaï et ne couvre plus ses cheveux, pour se "réhabituer" à la vie en France après ses années avec le groupe Etat islamique (EI). Retenue depuis 2017 dans un camp des forces kurdes dans le nord-est de la Syrie, à Roj, la jihadiste bretonne Emilie König plaide pour son retour, relate un journaliste de l'Agence France Presse qui l'a rencontré sur place.
Rentrer en France, l'espoir d'Emilie König
Considérée comme l'une des figures de la mouvance jihadiste française, accusée d'avoir recruté pour l'EI et d'avoir appelé à commettre des attaques en Occident, elle ne "voit pas pourquoi" elle devrait aller en prison, quand Paris souhaite voir jugés sur place les adultes, hommes et femmes, accusés de complicité avec l'organisation ultraradicale.
Placée par l'ONU sur sa liste noire des combattants les plus dangereux, la jeune femme originaire de Lorient est aujourd'hui âgée de 36 ans.
Après le rapatriement de ses trois enfants en janvier, Emilie König espère toujours rentrer en France. Pour retrouver sa famille, suivre une formation en comptabilité, et pourquoi pas se lancer à son compte et avoir "une revanche un petit peu" sur la vie.
"J'ai pas de sang sur les mains !"
Partie pour la Syrie en 2012 en pionnière, Emilie König, mère de cinq enfants, était apparue dans des vidéos de propagande de l'EI. Dans l'une d'elles, mise en ligne en 2013, elle pose avec un fusil à canon scié, comme si elle s'entraînait au tir. Les services de renseignements avaient intercepté ses appels récurrents à attaquer les institutions françaises ou à s'en prendre aux femmes de soldats français.
Pour venir dans le pays en guerre, La Lorientaise avait laissé derrière elle ses deux aînés issus d'un premier mariage, âgés aujourd'hui de 14 et 16 ans. Remariée deux fois, deux fois veuve, elle a donné naissance à trois autres enfants: un garçon de six ans puis deux jumelles de quatre ans. Ils ont été rapatriés en janvier, alors qu'une des fillettes avait des problèmes respiratoires. "Il y a une part de moi qui est morte sans mes enfants", lâche-t-elle, son propos régulièrement entrecoupé par des sanglots.
"Bien sûr que je regrette, parce que ça a (détruit) toute ma vie mais je vois pas pourquoi j'irai en prison. Je trouve que c'est injuste, parce que j'ai rien fait, j'ai pas de sang sur les mains" insiste-t-elle sans s'épancher sur les raisons qu'il l'ont poussée à rejoindre les rangs de l'EI.
Des conditions de vie difficiles au camp
Emilie König avait été capturée en 2017 à Chadadi, ville de l'Est de la Syrie, alors que les forces kurdes poursuivaient leur offensive pour reconquérir les secteurs aux mains des jihadistes. Début 2018, elle aparaissait dans deux vidéos diffusées par les forces kurdes, s'exprimant sur ses conditions de détention.
Comme d'autres françaises, la jihadiste assure avoir récemment mené une grève de la faim de huit jours pour obtenir un rapatriement. Avant d'abandonner. "Je me suis dis ça servait à rien parce que de toute manière que je meure ici ou pas, la France ne vient même pas" ajoute-t-elle.
Evoquant les "conditions de vie difficiles" à Roj, "je peux pas sortir, j'ai pas de téléphone, j'ai pas mes enfants", elle fournit une longue liste de ses soucis de santé, "des kystes sur le corps", des dents tombées, des "problèmescà la hanche et au genoux". "Je veux retourner en France, je veux revoir mes enfants, j'aimerais que la France
soit conciliante par rapport à ça. J'ai envie de réparer mes erreurs" martèle-t-elle.
La délicate question du rapatriement
Quelque 800 familles européennes, des femmes et des enfants, vivent dans ce camp de Roj, contre 100 familles syriennes et irakiennes, selon une responsable s'exprimant sous anonymat. "Nous essayons de transférer à Roj les personnes les plus dangereuses et ceux qui ont essayé de se sauver plusieurs fois, pour alléger la pression sur le camp d'al-Hol" explique la responsable.
Elle estime que celles qui ont opté pour des tenues décontractées "essaient de convaincre leurs gouvernements de les rapatrier", doutant de leur sincérité et assurant que seule une minorité a vraiment des "remords". Outre les soins médicaux limités au camp, les aides alimentaires ne suffisent pas, assurent des résidentes.
Depuis la chute du "califat" jihadiste en mars 2019, les autorités kurdes n'ont de cesse d'appeler au rapatriement des femmes et des enfants étrangers. Cependant, la plupart des pays, notamment européens, rechignent à reprendre leurs citoyens. Certains, dont la France, ont rapatrié un nombre limité d'enfants, parmi lesquels des orphelins.
La France compterait environ 80 femmes et près de 200 enfants toujours retenus dans les camps de Syrie.