La chambre militaire du tribunal correctionnel de Rennes a condamné à huit mois de prison ferme, ce lundi 23 septembre 2024, un capitaine de l'armée pour "l'agression sexuelle" qu'il avait commise lors d'une cérémonie de "remise des sabres" dans l’enceinte de l’Académie militaire de Saint-Cyr à Guer (Morbihan).
Les faits
Le 17 novembre 2019, la jeune Parisienne était venue assister à la cérémonie de remise des sabres de son frère en compagnie de leur père. Le prévenu, quant à lui, était arrivé du Cantal pour "parrainer" l'un des élèves mais aussi dans l'idée de "repartir" de la cérémonie avec une femme. Il avait donc tenté sa chance auprès de la "gent féminine" : une femme avait ainsi été obligée de lui indiquer qu'elle était "mariée" après avoir reçu "des avances très explicites", créant "une telle gêne" qu'une de ses amies avait dû "intervenir".
Vers 3h du matin, le prévenu avait ensuite "invité à danser" la jeune Parisienne de 19 ans. Elle avait accepté et le prévenu avait commencé à "danser du rock". Mais, petit à petit, alors qu'il avait "commencé à frotter son sexe contre son entrejambe", la jeune femme avait essayé de "rester souriante" et se décaler. Mais le capitaine de 39 ans lui avait fait "un bisou sur la joue" avant de la "mordre". "Il sentait fortement l'alcool", se souviendra la jeune femme devant les policiers parisiens, devant qui elle déposera plainte à son retour à Paris.
Le prévenu lui avait ensuite "mis la main sur les fesses" et elle lui avait "enlevé la main" avant de partir prévenir son père. Ce dernier restera un temps avec elle, mais avait fini par "aller dormir". Le prévenu reviendra alors à la charge "quelques minutes après". Alors qu'elle est de nouveau seule, il la prendra par la main pour "l'amener sur la piste" où se trouve aussi son frère. "Il recommence à frotter son sexe sur moi", expliquera la jeune femme aux policiers.
Expulsé du "sanctuaire de l'armée"
Son frère, qui "attendait de le prendre sur le fait", verra alors sa sœur lui "faire des signes de secours". Alors que le prévenu "essaie" de l'embrasser, le jeune militaire intervient avec plusieurs collègues et un "chef" arrive pour demander à au prévenu de "sortir", ce qu'il fait. Reste qu'à la barre, cet ancien militaire - désormais radié des cadres pour avoir adopté une "attitude de défiance" et pour "insubordination" à l'égard de sa hiérarchie, par décret du 7 juillet 2023, après de "multiples sanctions disciplinaires" - nie les faits.
"J'ai toujours mis un point d'honneur à respecter la gent féminine, j'agresse pas les gens", clame-t-il. Mais après les faits, sa victime a été "prise d'insomnie" et de "crises de spasmophilie" : elle perd connaissance, souffre de maux de tête et ne parvient plus à "se concentrer en cours". Et puis, elle a "peur de représailles sur son frère".
Soupçons d’agressions sexuelles et de misogynie à Saint-Cyr-Coëtquidan (francetvinfo.fr)
"Vous avez dansé avec cinq femmes et trois d'entre elles disent que vous avez eu un comportement déplacé", relève le président de la chambre militaire face aux dénégations de l'intéressé. "On est à Saint-Cyr, dans le sanctuaire de l'armée et des officiers de France... Que s'est-il passé pour qu'un capitaine sorte un autre capitaine?", grince-t-il encore.
Après les faits, le prévenu est aussi parvenu à retrouver la jeune femme sur le réseau social Messenger et à se montrer menaçant à son égard. "Tu vas prendre conscience que si tu maintiens ta déposition tu vas mettre le doigt dans un engrenage dont tu ne sortiras pas indemne", lui avait-il par exemple écrit. Mais, à la barre, le prévenu pense que cette procédure résulte plutôt de son comportement "entreprenant", qui a dû "déplaire" aux élèves officiers, "jaloux" de ses "capacités"...
Il veut aller "renforcer les unités ukrainiennes"
"Y a rien, le dossier est vide", grogne-t-il aussi, convaincu qu'un complot s'est monté contre lui : il a juste "cherché à déconflicter [sic] la situation". Reste que, au cours de la procédure, le prévenu a aussi menacé bon nombre de protagonistes du dossier.
"Le colonel, la psychiatre... Tous ceux qui vous ont questionné ont fini avec des menaces", résume le président du tribunal correctionnel de Rennes à la lecture des pièces du dossier. Et depuis, il a été condamné à Paris pour des "violences aggravées" après avoir été "empêché de prendre un TGV à temps". Il l'a aussi été à Toulon (Var), après "l'envoi réitéré de messages malveillants par voie électronique" et de "menaces de mort en lien avec l'ethnie, la race". "Ça dure longtemps, cette volonté d'en découdre", en conclut donc le magistrat.
Radié de l'armée, l'ancien militaire est depuis "au chômage" et envisage désormais de "renforcer les unités ukrainiennes" ; il est d'ailleurs en contact avec "la Légion internationale", a-t-il informé le tribunal correctionnel de Rennes. "Il a essayé : sur un malentendu ça peut passer", tente l'avocate de la défense, Me Marine Gravis, qui peine à soulever "les incohérences du dossier". "S'il avait véritablement insisté pour l'embrasser, vraiment voulu la contraindre, il aurait pu le faire", pense son avocate rennaise.
Huit mois de prison ferme
Mais le tribunal correctionnel de Rennes a condamné le prévenu à huit mois de prison ferme. Dans "ce contexte" et "compte tenu de la gravité des faits", le président souhaite faire "passer un message" pour son "comportement" : il a donc refusé d'aménager sa peine sous une forme alternative à la détention (centre de semi-liberté, bracelet électronique...).
L'ancien militaire aura donc rendez-vous chez un juge d'application des peines (JAP) pour tenter d'échapper à l'incarcération. En attendant, il a interdiction d'entrer en contact avec la victime pendant trois ans, est inéligible pendant cinq ans, et sera désormais inscrit au Fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS).
SG/CB (PressPepper)