La cour administrative d'appel de Nantes a rejeté un nouveau recours de l'exploitant des trois éoliennes de Guern, dans le Morbihan. Il voulait faire annuler l'arrêté préfectoral lui ayant ordonné le 7 janvier 2022 de "supprimer" son parc éolien qui fonctionne en toute illégalité depuis bientôt quinze ans.
L'arrêté préfectoral du 7 janvier 2022 était pourtant clair : fermer le parc éolien exploité à Guern, dans le Morbihan, qui fonctionne depuis 15 ans en toute illégalité.
Le premier permis de construire octroyé à l'exploitant en avril 2005 avait été annulé quatre ans plus tard par le tribunal administratif de Rennes, à la demande de l'association contre le projet éolien de Guern. Un jugement confirmé par la cour d'appel de Nantes en 2010 puis le Conseil d'État en 2012.
Nouveaux refus
Pour régulariser sa situation, la société qui exploite ce parc éolien avait sollicité un permis de construire modificatif mais les services de l'État s'y étaient opposés. Là encore, le tribunal administratif de Rennes, la cour d'appel de Nantes et le Conseil d'État avaient suivi cette décision.
Car, entre-temps, la loi du 12 juillet 2010 "portant engagement national pour l'environnement" avait autorisé les installations bénéficiant d'un permis de construire à être mises en service, "à condition que leur exploitant se soit fait connaître du préfet dans l'année suivant la publication du décret". Ce qui n'était pas le cas pour celui de Guern, selon les services de l'Etat : juridiquement, le parc éolien ne disposait pas de permis de construire "régulier" puisqu'il avait été annulé par la justice administrative.
"L'évolution rapide de la législation concernant les éoliennes peut conduire à des situations délicates" avait d'ailleurs convenu le rapporteur public lors d'une précédente audience de la cour administrative d'appel de Nantes en 2022. "Ce dossier pose une question semble-t-il inédite dans votre jurisprudence" avait-il d'ailleurs fait remarquer aux trois juges nantais.
"De situation inédite en situation inédite"
Mais le magistrat - dont les avis sont souvent suivis par les juges - avait très vite estimé qu'il n'avait "guère d'hésitation à dire qu'un parc éolien sans permis de construire" ne pouvait se prévaloir d'une quelconque "antériorité" au changement de régime juridique pour obtenir une régularisation de sa situation. "Du fait de l'annulation du permis de construire, le parc n'a pas été mis régulièrement en service" avait-il dit en d'autres termes.
"J'ai bien noté que le rapporteur public relève que la situation est inédite. Ça me rassure, avait réagi l'avocat de l'exploitant. Depuis douze ans, on va de situation inédite en situation inédite".
Il avait également assuré que les trois éoliennes ne posaient "aucune question de sécurité" mais que leur illégalité résulte en fait de la présence de deux maisons à moins de 500 mètres : "l'une est "inhabitée, l'autre est en ruine" selon lui.
"Risques de destruction" en cas de "vents très violents"
"L'acquisition des maisons situées à moins de 500 mètres ou la préparation d'un dossier de cessation d'activité nécessite des démarches longues" avait plaidé l'avocat du parc éolien de Guern, à l'été 2021, devant la même juridiction, quand il avait demandé un "sursis" provisoire dans l'exécution du jugement du tribunal administratif de Rennes.
Reste que les éoliennes "présentent des risques de destruction en cas de vents très violents" avait écrit la cour administrative d'appel de Nantes dans son arrêt de 2010. "Il n'est pas contesté que la région est soumise à des vents pouvant atteindre plus de 130 km/h. Plusieurs habitations sont situées dans une zone directement exposée aux risques de destruction et de projection de pales."
Dans un nouvel arrêt en date du 14 mars 2024, qui vient d'être rendu public, la cour administrative d'appel de Nantes confirme donc que l'arrêté préfectoral de suppression du parc éolien était légal. "La société ne peut être regardée comme bénéficiant d'un droit d'antériorité faisant obstacle à ce que le préfet du Morbihan l'ait mise en demeure de déposer soit un dossier de cessation d'activité, soit une demande d'autorisation environnementale" répète-t-elle.
"Par suite, la société n'est fondée ni à soutenir que l'arrêté du 7 janvier 2022 ne respecte pas les dispositions du code de l'environnement, ni à se prévaloir de l'illégalité de l'arrêté du 15 avril 2020 du préfet du Morbihan" concluent les juges.