"Quand j'ai pris cette photo, je ne réalisais pas l'ampleur des dégâts", l'Australie au cœur du festival photo de la Gacilly

Tout l'été, le festival photo de la Gacilly (Morbihan) affiche en plein air et gratuitement les travaux de photographes de renom. Cette année, l'Australie est à l'honneur. Un pays immense, en proie à des dérèglements climatiques. Peuple autochtone et environnement menacé sont capturés par l'objectif d'artistes engagés.

Les organisateurs de la 21eme édition du festival de la Gacilly ont choisi d'inviter une vingtaine de photographes et photoreporters en accord avec la philosophie de ce grand rendez-vous estival. Tous évoquent à leur manière, en accord avec l'engagement écologique du festival, les dangers qui menacent l'Australie, mais aussi sa beauté. C'est aussi l'occasion pour le visiteur de découvrir un pays que peu ont le loisir de visiter. Si loin de nous, si démesuré : 14 fois la surface de la France, 26 millions d'habitants soit une population presque trois fois moins importante que la nôtre ! C'est une terre d'immensité et de grands espaces.

"Pour nous Européens, l'Australie est une terre mythique, avec de grands espaces inviolés, mais c'est aussi une terre menacée

Cyril Drouhet

commissaire des expositions du Festival photo de la Gacilly

" La disparition de la barrière de corail, les sécheresses et les feux de brousse, la situation sociale des Aborigènes,sont autant de sujets que les photographes invités abordent à travers le travail exposé ici",explique Cyril Drouhet le commissaire des expositions du festival. 

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Dans les rues fleuries, les ruelles et les espaces naturels de la petite citée morbihannaise se dévoile en images un véritable plaidoyer pour la défense de ce pays, de ses habitants et de sa nature sauvage. La formule est immuable : des tirages photographiques en format géant sont exposés au regard du public. Des œuvres faites pour interpeller le public. 

Les incendies de "l'été noir"

Matthew Abbott vous accueille avec un grand sourire. À 40 ans, il a été lauréat du World Press photo pour son cliché d'un kangourou courant devant une maison en flamme. Il est issu d'une série intitulée "Feux et contrefeux". Un travail consacré au "Black Summer", l'été noir des grands incendies de brousse entre juin 2019 et mai 2020.

"Quand j'ai pris cette photo, je ne réalisais pas encore l'ampleur des dégâts. Des feux de brousse, c'est courant chez nous !

Matthew Abbott

photographe

"Je crois que ma photo est devenue emblématique parce qu'elle parle à tout le monde. Elle est simple et explicite. On saisit tout de suite l'impact des incendies à la fois sur les hommes et sur les animaux!"

"Cet été-là, 24,3 millions d'hectares ont été ravagés. 3 000 bâtiments détruits. Pour les victimes, c'est 34 personnes décédées et 3 milliards d'animaux qui ont péri dans les flammes." rappelle cet Autralien d'origine. Tout est dit dans cette autre photo prise près d'un lac où se sont réfugiés des habitants. "

La logique aurait voulu que je photographie le feu face à moi, mais je me suis retourné et j'ai vu ces gens abasourdis et pétrifiés, j'ai voulu capturer leur vulnérabilité" explique Matthew Abbott.

L'État n'a semble-t-il pas pris de mesures concrètes suite à ce drame. Pourra t'il recommencer ? Pourtant, les premiers habitants de ce territoire montrent l'exemple. Le photographe a accompagné des Aborigènes pour mettre en lumière leur technique pour stopper la propagation des flammes. On les voit allumer eux-mêmes des feux de brousse pour faire des contre-feux. "Pour eux, le feu est un outil. Ils brûlent des terres à des moments précis. Quand il n'y a pas de vent, que la végétation est encore verte. Il faudrait que les blancs les écoutent et acceptent que les forêts soient gérées et non laissées à l'état naturel".

La mère et la terre : les origines aborigènes

Une aborigène en voilà une  : Bobbi Lockyer fait partie de la communauté du peuple des "Salt Water", proche de la petite ville de Port Hedland, près de la mer, dans le Nord Ouest de l'Australie. Elle a été remarquée pour ses photos sur la maternité. D'ailleurs ses quatre fils et sa mère ont posé pour elle.

Chez nous, le rôle de la mère est primordial, c'est grâce à elle et à sa descendance que nous restons connectés à la terre de nos ancêtres.

Bobbi Lockyer

photographe aborigène

 

La mère élève les enfants dans le respect de la terre "dit-elle. Dans chaque portrait de Bobbi Lockyer, une impression de douceur se dégage. En costume traditionnel, entouré d'un environnement naturel, avec une importante particulière pour les couleurs, femmes et enfants sont apprivoisées par l'objectif dans leur intimité.

Pour Bobbi Lockyer, ces photos servent d'outil pour revendiquer plus de justice sociale, de droits pour les peuples indigènes et pour les droits des femmes. Elle raconte qu'à chaque accouchement, les femmes aborigènes sont envoyées dans des hôpitaux loin de chez elles. "Je défends le mouvement "Birthing on country", afin que nous puissions faire naître nos enfants, chez nous avec nos familles, sur la terre de nos ancêtres selon nos traditions".La survie de nos traditions passe par le respect de nos rites ancestraux. Des rites secrets dont elle ne dévoilera rien. Pour cette artiste, il s'agit en effet de défendre les territoires des peuples premiers d'Australie face à des préoccupations financière qui les menacent : "Je suis née et j'ai grandi dans une cité minière où les blancs détruisent l'environnement au nom du profit".

Terre sans maître

La française Viviane Dalles a passé deux ans en Australie, loin des côtes où vit la majorité de la population. Elle s'est aventurée au cœur du pays, dans le bush et l'outback, soit les deux tiers du territoire. Dans ces espaces immenses et ces contrées désertes, elle a voulu s'aventurer au plus lointain, sur les routes poussiéreuses, en dehors de toute ville.

Étonnant périple qui la conduit au fil du hasard à de singulières rencontres. Elle va partager la vie des fermiers à la tête de troupeaux de 2 à 3000 bêtes, observant leur travail, dormant avec eux à la belle étoile.

Le regroupement des animaux s'opère en hélicoptère avec des quads pour rejoindre des fermes de la taille de nos départements français.

Viviane Dalles

photographe

Loin de tout, elle suivra aussi les improbables animateurs d'une tente de boxe qui se déplacent en roulotte. La troupe va de lieux en lieux pour offrir en spectacle des combats au public. " Chacun s'affronte pour défendre son honneur sur le ring. Il y a la fierté de se battre pour son identité" souligne Viviane Dalles.

Sur sa route, elle va aussi faire la rencontre d'une factrice du désert. À nouveau, ce travail  est à l'échelle de l'immensité du désert. Elle distribue son courrier en avion, avec un planning incertain en fonction de la météo. Des destins hors du commun que Viviane Dalles a mis en lumière.

Le festival photo de la Gacilly ouvre également ses portes à d'autres regards dans d'autres pays.  Toujours avec la volonté de mettre l'image au service de la défense de l'environnement et des populations.

Festival photo de la Gacilly, gratuit, du 21 juin au 3 novembre 2024. Décryptage des photos à découvrir aussi sur place grâce à des vidéos accessibles par QR codes, réalisées par France3 Bretagne et France Bleu Armorique

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