Le festival de photographie de la Gacilly expose cette année des photographes afghan, iranien ou encore indien. Un zoom sur les regards d'Orient dont Fatimah Hossaini fait partie. L'été dernier, cette photographe afghane a fui en toute hâte son pays lors de la prise de pouvoir par les talibans. Cet été, elle découvre son travail sur les murs de la Gacilly.
Tout jeune photographe qui découvre son travail sur des toiles de 4 mètres et plus est forcément ému, un peu fier aussi. Fatimah Hossaini, 28 ans, fait partie de ces photographes mis à l'honneur sur les murs de la Gacilly. Mais elle porte aussi en elle la culpabilité de s'en être sortie.
Du chaos à la consécration
La photographe afghane a fui son pays il y a à peine un an, lorsque les talibans ont repris le pouvoir. Confusion, horreur, Kaboul est dans le chaos, la jeune femme sauve ses clichés et réussit à s'échapper direction la France où elle est accueillie.
Aujourd'hui, en plus d'être exposée dans une galerie parisienne, Fatimah Hossaini voit ses photos habiller les murs du village morbihannais. Au bord des larmes, saisie par l'émotion, elle confie la joie et les sentiments partagés qui l'envahissent. "C'est génial ! Surtout vu la taille des clichés. Ca me touche beaucoup surtout vu tout ce qui s'est passé en Afghanistan et tout ce que les talibans interdisent aux femmes."
Accompagnée par son amie Maryam Firuzi, elle aussi photographe et elle aussi exposée à la Gacilly, Fatimah Hossaini parcourt l'exposition de son travail. Les couleurs sont vives, les femmes belles et fières, le regard défiant, tour à tour sûres d'elles ou pudiques.
Alors que l'Afghane scrute chacune de ses photos, son amie iranienne nous explique que certains des modèles sont les sœurs de Fatimah. "J'aime son travail, elle nous montre toutes les facettes de l'Afghanistan. Nous pouvons voir le vrai visage des femmes, au delà de l'ombre [de la burka], dans leur maison, avec leur famille. C'est un visage de l'Afghanistan que les médias ne montrent pas, avec des couleurs que je n'ai vu nul par ailleurs."
"Etant donné que je suis une femme, et vu mon parcours, les défis auxquels j'ai du faire face, le fait de photographier les femmes s'est imposé à moi, s'était logique, évident" explique Fatimah. "Je me rappelle quand je prenais des photos dans les rues de Kaboul, je pouvais voir comme les gens se comportaient avec les hommes photographes et avec les femmes photographes.
Là-bas, les femmes sont dévisagées, sous-estimées, c'est pourquoi j'ai voulu qu'elles soient les héroïnes de mon travail.
Fatimah Hossaini, photographe afghane
Après avoir essuyé une larme, la photographe raconte qu'elle a pris ses derniers clichés seulement quatre mois avant la chute de la capitale, Kaboul. "Tout n'était pas parfait [avant le retour des talibans au pouvoir] mais au moins les femmes pouvaient grandir, avoir leur liberté et se battre pour leurs droits."
Visions d'un Orient au féminin
Il suffit de traverser la passerelle qui enjambe l'Aff pour atteindre l'exposition de son amie iranienne. De quoi reprendre ses esprits.
Autre travail sur les femmes et leur condition en Iran, cette fois-ci. Si Maryam Firuzi montre la joie qu'elle a de voir ses clichés imprimés et exposés ainsi, la photographe iranienne n'en est pourtant pas à son coup d'essai.
Après des études de cinéma et de calligraphie, elle décide de s'intéresse à l'image fixe, à la camera obscura. Et expose déjà dans une galerie à Téhéran. D'ailleurs, c'est lors d'une exposition à Téhéran que Fatimah, alors étudiante en photographie, la rencontre et lui témoigne son admiration pour son travail.
"Nous devions travailler ensemble, je devais venir à Kaboul mais je n'ai pas été autorisée à entrer en Afghanistan. J'ai donc suivi à distance le travail de Fatimah et son évolution" explique Maryam Firuzi.
Là aussi les femmes prennent la pose. Les couleurs sont vives mais les visages sont graves, sérieux. "C'est la série la plus métaphorique que j'ai réalisée" détaille la photographe iranienne.
Dans ces lieux abandonnées à Téhéran ou autour, j'ai fait poser des femmes peintres devant leur peinture, pour questionner le rôle de l'art et de l'artiste dans ce monde changeant en permanence, où la situation est de pire en pire.
Maryam Firuzi, photographe iranienne
En ce deuxième jour d'ouverture au public, à l'heure fraîche où les premiers festivaliers prennent encore leur café, les deux photographes savourent la redécouverte de leur travail, au calme.
Bientôt elles seront plongées dans le maelström de la communication, conférence de presse et présentation des artistes au médias. En gardant au coin de l'oeil leur œuvre, petite partie d'elles-mêmes offerte aux yeux curieux et avides des visiteurs.