À Brognard, près de Montbéliard (Doubs), une exposition pas comme les autres se tient jusqu’à la fin de la semaine. Peintures, photos et dessins… tout est entièrement créé à partir de l’intelligence artificielle.
Au premier regard, on pourrait se croire dans une collection d’un musée d’art moderne. Mais les œuvres différentes que l’on découvre chez ce photographe de Brognard (Doubs) sont toutes le résultat du seul travail : celui de Thierry Voitot et de l’informatique. Pour cet artiste explorateur intelligence artificielle, il y a ceux qui conçoivent, il y a ceux qui en parlent, et ceux, comme lui, qui le pratique. “Je suis le garagiste qui met les mains dans le moteur et dans le cambouis” souligne-t-il.
L'Homme au centre du processus de création
Photographe et peintre amateur, une sorte de “réflexe” le pousse à se questionner. “Quel crayon augmenté, je pourrais avoir ?”, s’interroge-t-il. Il a été aidé par Pascal, son grand-frère, lui-même concepteur d'intelligence artificielle, qui l’a baigné dans cette technologie. Mais pour Thierry, l’homme reste au centre du processus artistique. “Il y a un processus de création derrière tout ça", détaille celui qui a parfois passé 100 heures à décrire précisément à la machine ce qu’il voulait. Entre le style, la lumière, l’émotion, le personnage ou encore le cadrage, rien n’est laissé au hasard. Pour lui, l’IA une extension artistique, comme l’appareil photo, le tour du potier, le pinceau et la palette du peintre. Une technologie qui ne fera pas pour autant disparaitre les arts : “Tout le monde continuera à faire de la peinture, des photos…”
Un avis partagé par Olivier Hugoniot, photographe qui ne travaille qu’avec le réel, qui accueille cette exposition. Pour lui, accepter cette exposition, ce n’est pas laissé rentrer le loup dans la bergerie, puisqu'il l’est déjà depuis fort longtemps. “J'ai le sentiment que le numérique a déjà bien changé nos habitudes photographiques et l'intelligence artificielle est un deuxième stade qui va encore changer nos habitudes, complète-t-il avant d’avouer qu’il a aussi été impressionné par le résultat des images de Thierry. J'ai été bluffé par le résultat parce qu'il y a des images que j'aurais bien aimé pouvoir créer en tant que photographe.”
Selon lui, c’est le résultat d’un réel talent d’artiste.
On ne fait pas de telles images si on ne maîtrise pas la technique, si on n'a pas un sens artistique assez aigu, et une culture générale phénoménale.
Olivier Hugoniot, photographe
"C'est à mon avis les trois éléments qui font qu'on réalise de belles choses avec de beaux outils dans le domaine artistique.” Il détaille que l’intelligence artificielle a compris tous les codes de la photographie. Que ce soit la profondeur de champ, le placement des sources lumineuses, les émotions dans les yeux... “Il y a des personnes qui décrivent l'intelligence artificielle en disant qu'il n'y a pas d'émotions possibles. Thierry nous a prouvé que c'était faux. Dans les yeux de ses modèles, il a des émotions et des émotions qui nous parlent”, affirme le photographe.
L'intelligence artificielle comme outil complémentaire
En parallèle de l’exposition, Thierry Voitot propose des ateliers pour apprendre à maîtriser la technologie. En plus de développer sa créativité, cet apprentissage est indispensable, selon lui, pour éviter d’être dans le “non-apprentissage” et être dans l'utilisation “d'une sorte de consumérisme”. Il illustre cela avec les jeunes qui mettent leurs énoncés de devoir dans une IA, sans rien apprendre derrière.
Titouan Stiegler est venu participer à un de ces ateliers. Depuis trois ans, ce jeune homme pratique la photo sur son temps libre. Ce qu’il aime le plus ? Capturer les paysages et retranscrire une émotion. S’il utilise l’intelligence artificielle au quotidien “pour gagner du temps”, pour répondre aux questions qu’il se pose, il n’y a jamais eu recours pour retoucher ses prises de vues. Et il est formel : rien ne remplacera la photo.
Moi, ce que j'aime, c'est le processus d'exploration qu’il y a derrière. Aller chercher le bon moment et le bon endroit. Ca, c'est des expériences qu'on ne vit pas à travers l'intelligence artificielle.
Titouan Stiegler, photographe amateur
Pour le photographe amateur, on ne se doute pas du travail derrière toutes ces images. "Derrière, il y a un travail de réflexion, avec des idées précises à donner, qu'il faut retravailler en fonction de ce qu'on a vraiment dans la tête." L’intelligence artificielle serait alors un outil complémentaire pour avoir des résultats qu’il est difficile d’avoir dans la réalité, mais rien ne remplacera la photo.