Au début du XXe siècle, les cinémas quadrillaient Dijon. On comptait une bonne dizaine de salles en activité au même moment. De cette époque glorieuse, seuls trois salles obscures demeurent encore en activité.
Depuis des mois, Clément Lassus-Minvielle s'est lancé dans un grand jeu de piste. Ce guide conférencier et auteur d’ouvrages historiques collecte des données, des photographies et des plans des cinémas dijonnais.
Certains établissements, bien qu’aujourd’hui fermés ou reconvertis en commerces, restent gravés dans les mémoires. D’autres ont disparu jusque dans les souvenirs des habitants.
“À Dijon, la première projection cinématographique a eu lieu en 1896 dans un café nommé l’Alcazar qui se trouvait rue des Godrans. Le journal avait annoncé l’événement comme un spectacle d’images mouvantes. C’était encore considéré comme un art forain, proche de la magie. La salle était pleine à craquer", explique Clément Lassus-Minvielle.
1910 – 1939 : L’essor des salles de cinéma
Le succès est au rendez-vous. Après la sortie d’usine des frères Lumière projeté à Paris six mois plus tôt, les Dijonnais s’enthousiasment par le passage d’un train sur l’aqueduc de la vallée de l’Ouche.
Les projections se poursuivent certains jours dans des théâtres, des cafés-concerts ou des music-halls, en alternance avec des spectacles. Il faut attendre 1910 pour que Pathé ouvre un premier cinéma uniquement dédié au septième art, à l’angle de la rue des Perrières et de la rue Guillaume Tell.
Un pionnier qui sera vite rejoint. Le Darcy est inauguré en 1914. Suivent Le Grangier – désormais une librairie – en 1916/1917, l’Olympia et l’Alhambra place de la République en 1919, l’Eldorado en 1920, La Grande Taverne, en face de la gare, en 1931, La Familia – l'actuel théâtre des Feuillants – en 1934, L’ABC rue du Chapeau rouge en 1937, Le Paris rue de la Liberté en 1938 et Le Star, rue du Bourg, en 1939. "Nous étions l’une des villes de province les mieux loties”, note Clément Lassus-Minvielle.
"De magnifiques façades de style Art déco"
Au même moment, l’industrie du cinéma voit le jour à Hollywood. Charlie Chaplin puis Errol Flynn emballent le cœur des spectateurs.
“L’engouement est tel que les cinémas fleurissent pendant les années folles et la décennie suivante. Ils affichent de magnifiques façades de style Art déco. Leurs noms proviennent de Paris, la capitale dictant ce qui est à la mode”, raconte Clément Lassus-Minvielle.
Dans ces cinémas, il n’y a qu’une salle, avec un balcon à l’italienne pour les sommités. Le prix du ticket varie selon qu’on se trouve à la corbeille, au parterre... voire dans les escaliers.
À partir des années 60, certains ferment, d'autres se reconvertissent en cinémas X
Le cinéma Pathé, le premier ouvert, baisse le rideau à la fin des années 50. Comme un funeste signal ! À partir des années 60, la télévision entre dans chaque foyer, taillant des croupières aux écrans noirs.
Idem dans les années 70 avec l’arrivée des magnétoscopes et des films en VHS. “Les cinémas périclitent. Ils sont condamnés à renouveler leur modèle économique. La salle unique laisse place aux établissements multisalles", précise Clément Lassus-Minvielle, qui consacrera un livre et une exposition aux cinémas dijonnais en septembre 2025.
Certains se reconvertissent en cinéma pornographique ! Ce fut le cas du Paris, du Star et du Grangier. Mais la plupart des établissements dijonnais ne verront pas les années 80. À contre-courant de cet essoufflement, le K7 ouvre ses portes en 1973. On le connaît aujourd'hui mieux sous le nom du Devosge, établissement qui a vécu sa dernière séance en 2020.
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Trois cinémas anciens subsistent
En 2011, c'est l'ABC, rue du Chapeau Rouge, qui baisse le rideau. Il était censé être remplacé par un Intermarché, mais selon le Bien Public ce 13 décembre, le projet vient d'être abandonné. Retour dans l'inconnu donc pour le vieux cinéma, dont la façade délabrée est bien visible des passants.
Parmi les pionniers des années 1910 et 1920, seuls trois cinémas dijonnais sont encore en activité bien que rénovés au fil des décennies : Le Darcy, L’Olympia et L’Eldorado.
Mais dans le même temps,de nouveaux venus ont fait leur apparition. En 1998, Le Cap-Vert, le premier multiplexe de la métropole, est inauguré à Quetigny. Il est rejoint en 2022 par Pathé, qui fait son retour à Dijon, en s'implantant dans la tout nouvelle Cité de la Gastronomie.