Le dernier rapport du Giec l'a confirmé : nous nous acheminons vers un réchauffement sans précédent approximant les +4 degrés d'ici la fin du siècle. Les périodes de sécheresse et de canicule comme celle de 2022 pourraient donc devenir la norme. Que va donc devenir l'agriculture en Bretagne ?
Avec 32 jours sans pluie entre fin janvier et fin février, la France a battu un triste record. Les conséquences de celui-ci viennent aggraver une situation déjà difficile.
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Sans surprise, en mars 2023, le niveau des nappes bretonnes, est quasiment partout en baisse, par rapport à la moyenne des cinq dernières années.
Selon les données officielles, disponibles sur le portail national d’accès aux données sur les eaux souterraine, 39 des 50 points d’eau contrôlés ont atteint des niveaux très bas, bas ou modérément bas en mars 2023.
Le constat est alarmant. Ses conséquences le sont davantage.
L’été dernier, tous les records de chaleur ont été battus. Dans les champs, les haricots verts ont cuit. Les rendements ont parfois chuté de moitié.
Alors l’agriculture bretonne peut-elle s’adapter au changement climatique ?
A la station expérimentale de Kerguehennec (Morbihan) gérée par la chambre régionale d’agriculture, on cherche des solutions pour l'agriculture de demain.
Mesurer l’hygrométrie pour limiter l’irrigation
SI l’eau devient de plus ne plus rare il est urgent d’en contrôler et limiter son utilisation.
Equipé d’une sonde, Denis Lebossé, conseiller agronomie et cultures légumières, mesure régulièrement la quantité d’eau disponible dans le sol des parcelles tests. L’objectif est de vérifier que les niveaux d’eau correspondent aux besoins des plantes. Ainsi il peut adapter l’irrigation en fonction des précipitations et de la température.
Dans les parcelles équipées de sonde, 25% d’eau a été économisée.
Limiter le labour pour garder l’humidité
D’autres tests sont également menés sur les techniques de culture. Des parcelles ont ainsi été labourées et d’autres non. Les résultats montrent que les plantes poussent mieux sur les parcelles labourées mais que la terre y est beaucoup plus sèche. "Quand on laboure on crée beaucoup de porosité et on favorise l’évaporation du sol explique Denis Lebossé, alors qu’en semis directs, il n’y a aucune intervention et on a un sol bien plus compact et dense, avec une meilleure capacité à retenir l’eau".
Adapter les cultures
Face au réchauffement climatique, il n’y aura pas de solutions, mais uniquement des adaptations, prévient Caroline Cocoual, chargée d'études systèmes de culture innovants.
Au sein de la station expérimentale de la chambre d'agriculture, la jeune femme teste la faisabilité des cultures de certaines légumineuses, comme les lentilles et les pois chiches.
"À l’horizon 2 100 on sait qu’on va se retrouver, en Bretagne, sur des climats proches de ceux du sud de la France aujourd’hui. Les lentilles et les pois chiches sont des cultures qui vont être de plus en plus adaptées, car elles ont des capacités à aller chercher l’eau plus profondément. Elles ont des besoins en eau assez faibles " explique l'ingénieure.
Bientôt des pois chiches à la place du maïs ?
Au bord de la Méditerranée, les pois chiches sont mis en terre en décembre. Dans notre région il faut attendre le printemps, et tester encore différentes variétés.
Côté rendement "on peut passer du simple au double d’une variété à l’autre", commente Caroline Cocoual.
Les premiers tests sont, cependant, assez encourageants. "Sur les pois chiches on a atteint un rendement équivalent à ce qu’on trouve dans le sud " détaille l’agrobiologiste.
Pour autant il va encore falloir attendre avant de trouver du pois chiche breton dans les magasins. "Y’a un risque financier encore important pour les producteurs, analyse la chargée d’études. Les semences vont coûter assez cher, et pour l’instant il n’y a pas, ou très peu, de collecte de ces graines, comme on peut en trouver pour du blé ou du maïs. Là, il y a toute une filière à construire".
L’agriculture n’aura pas d’autre choix que de s’adapter. Et les agriculteurs seront eux aussi, bien contraints de repenser leur façon de travailler. Depuis le choix des cultures jusqu’aux techniques utilisées.