Femme nue, hommes exhibant leurs parties génitales, la fresque à caractère sexuel à l’hôpital de Vannes suscite l’indignation des nouveaux internes en médecine. Ils ont adressé un courrier anonyme pour demander son retrait de leur salle de repos. L’hôpital a pris sa décision.
Une fresque à caractère sexuel fait polémique au sein de l’hôpital de Vannes. Ce mardi 7 novembre 2023, la nouvelle promotion des internes en médecine a envoyé un courrier au ministre de la Santé et à l’agence régionale de santé (ARS) Bretagne pour dénoncer cette peinture.
La fresque à caractère pornographique sera retirée
Dans ce courrier anonyme que nos confrères de Ouest-France ont mis en lumière, les élèves soulignent que de telles fresques “n’ont plus rien à faire dans un hôpital en 2023” et accusent la direction de l’hôpital de ne pas avoir pris conscience “du caractère problématique de cette fresque dans un cadre professionnel”.
La commission de l’hôpital (CME), que nous avons contactée, a assuré que “cette fresque sera retirée” mais s’interroge sur cette controverse.
“L’hôpital concertera les internes suite à ce courrier anonyme et retirera la fresque” fait valoir Cédric Pépion. Le président de la CME du centre hospitalier de Vannes rappelle que cette fresque qui pose le trouble a été faite par les internes, “et ce sont eux qui s’en plaignent” soupire-t-il.
“Les internes en médecine ne nous ont pas demandé l’autorisation pour faire cette fresque en 2012, quand ils l’ont peinte eux-mêmes. Elle est présente dans leur salle de garde, la salle commune qui leur sert de cantine, c'est leur lieu de repos, précise ce médecin de l’hôpital. Dans cet espace, les rôles sont inversés : les internes dictent leurs lois et c'est de tradition de dessiner au mur des scènes paillardes. Cette fresque s’inscrit dans cette lignée de fresques dites “des carabins”, une tradition centenaire qui disparaît lentement”.
Nus sous des blouses en plein acte sexuel
Sur la fresque, on peut observer quatre hommes vêtus de blouses blanches, exposant leurs parties intimes à bord d'un drakkar. L'un d'eux est représenté en train d'avoir un rapport sexuel avec une femme dans une position gynécologique, décrit Ouest-France. Elle n’avait pas été retirée au moment d’une directive nationale sur ces dessins connus dans le milieu hospitalier après un vote en faveur de son maintien.
“En 2023, un vote des étudiants avait penché à 73% pour la garder sur le mur de la salle de pause. Uniquement 7% des étudiants souhaitaient la retirer” assure Cédric Pépion. La fresque était donc restée au mur, dans un lieu qui n’est pas ouvert au public.
Le vestige d’un autre temps
“Mais les étudiants évoluent et nous font changer en bien” reconnaît l’hôpital de Vannes. Cédric Pépion fait référence à la prise de conscience des établissements de santé face aux conditions de travail difficiles des étudiants en médecine, “aux situations de souffrance et de harcèlement à l’hôpital”.
Même si, pour le président de la commission médicale de l’hôpital, ces fresques sont considérées comme un patrimoine d’un autre temps, “il est sans doute temps de les retirer ou de les conserver hors des regards”.
"Il nous faut trouver un équilibre entre l’obligation pour l’employeur de lutter contre toute forme d’atteinte à la dignité, harcèlement sexiste ou sexuel et de conserver des lieux de vie personnalisés pour les étudiants en médecine, affirme-t-il. Et ne pas empêcher la perpétuation d’une certaine tradition étudiante”.
Des fresques qui n’ont plus leur place dans les hôpitaux
Une directive ministérielle est passée concernant les fresques à caractères sexuelles. Les établissements hospitaliers devront supprimer celles jugées pornographiques ou sexistes des salles de garde, en accord avec les internes. Cette initiative s'inscrit dans une politique de "tolérance zéro" sur les violences morales ou sexuelles envers les étudiants en santé, selon une instruction de la Direction générale de l'offre de soins datée du 17 janvier 2023.
Des cas litigieux ont été signalés, notamment au CHU de Toulouse où le retrait de certaines décorations a été ordonné en décembre 2021 par le tribunal administratif suite à une action d'Osez le féminisme au nom de la "dignité des femmes".
Par le passé, une fresque à Clermont-Ferrand représentant un viol collectif entre super-héros avait suscité l'indignation et avait été effacée en 2015. Malgré quelques oppositions des internes, certains hôpitaux ont déjà pris l'initiative de retirer ou de modifier des peintures murales, comme le souligne le document ministériel.
Face à l'absence de consensus, le ministère de la Santé demande aux hôpitaux concernés d'organiser le retrait de toutes les fresques à caractère pornographique et sexiste, en ménageant la concertation avec les représentants des internes. Si un désaccord persiste, les agences régionales de santé auront le pouvoir d'imposer la disparition de ces peintures.
C’est dans ce cadre que les internes de Vannes ont adressé leur courrier à l’ARS de Bretagne, à la direction de l’hôpital et au ministère de la Santé. “Ils auraient pu venir nous parler directement, cela aurait évité une polémique inutile” assure dans un sourire Cédric Pépion, lequel rappelle que l’hôpital de Vannes porte un projet d’enseignement “ambitieux pour former et attirer les professionnels de santé du territoire. Il nous faut déployer notre projet d’enseignement dans la confiance et tous les sujets doivent pouvoir être discutés avec les étudiants…Y compris celui-ci.”