Fresque "sexiste et pornographique" au CHU de Toulouse : colère après l'audience en référé demandant son retrait

Le syndicat Sud et deux associations féministes ont saisi en référé liberté le tribunal administratif de Toulouse, jeudi 2 décembre. Objectif : faire retirer la fresque "sexiste", exposée à l'hôpital Purpan. Mais l'audience n'a pas réussi à apaiser la colère des militants.

Cela fait des semaines que, malgré le combat des associations, des collectifs d’usagères et des syndicats, rien n'a été fait. À l'hôpital Purpan de Toulouse, la fresque "sexiste et pornographique" trône toujours dans le réfectoire de l'internat de médecine. Et ce, depuis cet été.

Sud Santé Sociaux Haute-Garonne, Osez le féminisme 31 et le collectif Jeudi11-2 ont décidé de saisir la justice et ont déposé trois référés pour obtenir son décrochage. L'audience s'est tenue jeudi 2 décembre 2021, au tribunal administratif de Toulouse. Avantage de cette procédure d'urgence : la rapidité. La décision de justice devrait être rendue vendredi 3 ou lundi 6 décembre. 

À l'issue de l'audience, les ventres sont noués. Par l'incompréhension, et la colère, surtout. "Je suis surprise par la défense de l'hôpital", déplore Isabelle Prono. Me Lorraine Questiaux, avocate des plaignants, "a rappelé le cadre juridique du travail, dans lequel s'inscrit notre requête : le harcèlement d'ambiance n'est pas possible dans le cadre du travail", explique cette représentante du syndicat Sud du CHU de Toulouse et du CHSCT de l'établissement, "et les médecins n'en sont pas exemptés".

Le "harcèlement sexuel d'ambiance", notion récente "inventée" en 2018 par le Défenseur des droits, est le fait de porter atteinte à la dignité humaine – à la dignité de femme très concrètement – en créant un environnement hostile et dégradant. 

"Le CHU n'a pas entendu notre message"

Selon Isabelle Prono et Victor Alava de Sud Santé, Enora Lamy, co-présidente de Osez le féminisme ! 31, et Gaëlle, porte-parole du collectif Jeudi11-2 des usagèr.es de l’internat, "le CHU n'a pas entendu notre message".

Pour eux, les avocats de l'établissement ont "défendu la peinture pornographique". Pour rappel, cette fresque, parodiant le tableau d'Eugène Delacroix "La liberté guidant le peuple", représente des membres du personnel du CHU dénudés, s'adonnant à des jeux sexuels. "On nous répond que c'est une œuvre d'art, on nous met en garde contre le péril du féminisme qui viendrait imposer une vision moraliste de la société". Le constat est amer : "C'est une réponse insultante pour les victimes"

Mais, au-delà de cette fresque, le syndicat et les associations féministes dénoncent l'ambiance "carabin" (terme donné aux étudiants en médecine) dans les hôpitaux, qui "invisibilise les violences sexuelles et participe à la culture du viol"

"Je pensais qu'ils comprendraient que nous ne sommes pas d'horribles féministes", s'agace Isabelle Prono, "mais seulement des femmes qui ne veulent plus se faire appeler 'poulette', se prendre des blagues sexistes à longueur de journée, avoir des remarques sur nos seins ou nos vagins, avoir à faire face à des supérieurs qui pensent qu'ils ont encore le droit de cuissage"

Puisque le CHU veut aller sur ce terrain-là, nous sommes prêtes à détailler tout ce que nous vivons en tant que soignantes.

Isabelle Prono, représentante du syndicat Sud Santé Sociaux au CHU de Toulouse

Contacté, le CHU de Toulouse n'a pas souhaité faire de commentaires avant l'annonce de la décision du tribunal administratif. 

Interdiction des fresques de ce type

S'ils "font confiance à la justice", les militants sont prêts à se mobiliser face à la "réaction scandaleuse" de l'hôpital. La manifestation toulousaine du 25 novembre contre les violences sexistes et sexuelles, qui s'est terminée devant l'Hôtel-Dieu Saint-Jacques (qui abrite le siège des hôpitaux de Toulouse), était déjà "tout un symbole" "Les associations féministes sont bien au fait de ce qu'il se passe au CHU"

Un.e étudiant.e en médecine sur trois aurait été victime de harcèlement sexiste ou sexuel lors d’un stage à l’hôpital ou à la fac, selon une enquête de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) publiée en mars 2021. 

Une pétition "contre le machisme ambiant dans les internats de médecine" a d'ailleurs été lancée mi-novembre sur change.org et a déjà reçu 14 117 signatures dans la soirée du jeudi 2 décembre. 

Plus largement, les plaignants demandent à ce que toutes les fresques soient interdites "dès lors qu’elles présentent un caractère discriminatoire, pornographique, ainsi que l'interdiction formelle de toute forme d'expression sexiste, misogyne, viriliste, oppressive dans l'enceinte des hôpitaux publics et que cela soit assorti de sanctions en cas non-respect"

A noter que cette fresque a fait son apparition trois ans après le décrochage d’un précédent tableau du même genre. Pourtant, en 2018, la direction avait ordonné son retrait.

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