Trafic de stupéfiant à Vannes : dix ans de prison requis contre le "baron de la drogue", absent de son procès

C'était un des plus importants réseaux de stupéfiants, en Bretagne. Dix-huit personnes doivent répondre depuis ce lundi 11 décembre 2023, devant le tribunal correctionnel de Vannes, dans le Morbihan, d’un important trafic de cannabis, cocaïne et ecstasy, ayant eu lieu entre 2015 et 2017. L'omerta règne dans ce nouveau procès, baptisé Kercado 2. La procureure a requis dix de prison à l'encontre du "baron de la drogue" Roberto Blanchedent et trois ans pour son frère.

Il s'agit d'un énième épisode judiciaire sur ce trafic de drogue, puisque les procès Kercado 1 ; 3 et 4, du nom d'un quartier de Vannes, ont déjà eu lieu entre 2017 et 2022.
Les principaux protagonistes, les frères Blanchedent, Ricardo et Roberto, ne sont pas présents. Ceux qu'on a parfois surnommés localement les "barons de la drogue", ont été jugés en 2020 et 2021, dans un précédent volet de l'affaire. Ils purgent des peines de 9 et 14 années de prison, pour des faits similaires, concernant les années 2017-2019.

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Réquisitions : dix ans de prison pour le "boss du trafic", trois ans pour son frère

Concernant les deux frères Blanchedent, les réquisitions sont de 10 ans d'emprisonnement à l'encontre de Roberto, le "gros boss" du trafic, selon certains dealers. C'est lui qui, du Maroc, "dirigeait le réseau et avec une aura importante". Surnommé "Poto", il avait déjà été condamné à sept ans de prison pour Kercado 1 et à dix ans pour Kercado 3.
La procureure requiert trois ans d’emprisonnement ferme, avec mandat de dépôt, pour son frère, Ricardo, surnommé "Jackson", déjà condamné notamment à sept ans d’emprisonnement dans l’affaire Kercado 3. 

Pour deux bras droits de Roberto, les réquisitions sont de cinq ans de prison avec mandat de dépôt pour l’un et six ans pour l’autre. 

Quant à celui considéré comme le "lanceur d'alerte", les réquisitions sont de 3 ans d’emprisonnement, dont 18 mois de sursis, sans aménagement de peine. Nourrice et guetteur de ce trafic, il avait révélé, le 17 octobre 2016, l’ampleur du trafic et donné les noms de plusieurs trafiquants. C’est grâce à ses déclarations que l’affaire Kercado 2 avait vu le jour.

Les peines pour les autres prévenus s'étagent de 36 mois de prison, dont 12 avec sursis, à la relaxe, faute d’éléments suffisants à charge. Certains d'entre eux ne devraient pas être incarcérés à nouveau, car la détention provisoire couvre la peine qui pourrait être prononcée par le tribunal.

Le règne de l'omerta dans ce procès

Depuis le début de la semaine, ceux présents ne sont pas très bavards, beaucoup des prévenus nient les faits, d'autres disent ne pas se souvenir des détails du trafic de stupéfiant, huit ans après les faits. Un trafic pourtant très lucratif qui rapportait plus de 28 000 € par jour, soit plus de dix millions d'euros par an. ce sont au minimum 900 kg de drogue qui ont été vendues dans la période.

L'un des prévenus, qui a accepté d'enregistrer une voiture à son nom, déclare qu'il a été naïf, car il était jeune. "Je ne suis pas l'abbé Pierre non plus", lâche-t-il. Il a touché 200€ pour avoir prêté son nom. Et quant aux armes et à la drogue retrouvées à son domicile ? C'est un sac trouvé dans la rue, qu'il a ramené chez lui, "je n'ai rien à voir dans cette affaire" assure-t-il "Je parlais avec les jeunes du quartier, car je suis poli et bien élevé ! On discutait de films et de sport."

Deux grands absents 

Quatre de ces prévenus n'étaient pas présents au tribunal, dont les têtes présumées du trafic. Les frères Blanchedent, qui ont refusé de sortir de leur cellule. Ils sont donc jugés, sans être présents, et sans leur avocat. 

Lors de ses réquisitions, Anaïs Morin, la procureure, a mis l’accent sur la responsabilité de Roberto Blanchedent, déjà condamné à sept ans de prison dans Kercado 1. Il est le dénominateur commun entre le premier et le deuxième volet dans "ce qui est plus qu’une trilogie, car il y a plus de trois affaires" explique la magistrate, "Roberto était gérant dans Kercado 1, il est devenu le boss dans Kercado 2. Il est monté en gamme, a pris des galons et a tout fait pour monter son propre trafic !" 

"Le royaume du mensonge et de la violence" 

Anaïs Morin observe encore que dans cette affaire, de Kercado 2 "tout est permis, dont l’emploi de mineurs âgés d’une douzaine d’années pour guetter. Des mineurs qui n’ont aucune consciences des réalités". Cinq anciens mineurs sont renvoyés devant le tribunal pour enfants dans cette affaire la semaine prochaine. 

"Kercado 2, c’est le royaume du mensonge, de la violence, de la mauvaise foi et de la lâcheté, souligne encore la magistrate. Il y a de l'étonnement quand il faut répondre de ses actes devant ce tribunal, on ne connaît plus personnes, on crie au complot policier, on ne sait rien !" Et ajoute-t-elle, "On sent un silence de plomb et une certaine tension depuis le début de cette audience alors qu’on est à plus de sept ans de la commission des faits." 

Trafic démantelé en mai 2017

L'histoire est ancienne en effet, car les faits jugés remontent cette fois, aux années 2015-2017, lorsque le trafic de drogue empoisonnait le quartier de Kercado à Vannes. Un trafic démantelé en mai 2017, suite à une grosse opération antidrogue menée dans le quartier. À partir de 6h du matin, 170 policiers étaient intervenus, avec des chiens. 34 000 euros en espèces, ainsi que plusieurs véhicules, de la cocaïne et de la résine de cannabis avaient été saisis, ce jour-là.

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Cavales, interpellations et extraditions

Pour rappel, Roberto Blanchedent, tête présumée du réseau, avait été interpellé en Espagne, puis extradé in extremis au mois d'octobre 2020, au moment du procès Kercado 3. Il sera jugé deux mois plus tard, en janvier 2021.

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Mais l'homme, âgé de 35 ans aujourd'hui, né à Lorient, n'en était pas à son coup d'essai. Il avait vécu une première cavale, au Maroc, en 2017, après avoir été arrêté en 2015 et placé en détention provisoire. Mais après avoir obtenu sa remise en liberté, il s'était envolé pour le Maroc, où le Lorientais mènera la grande vie, entre villas, voitures de luxe, jet ski, le tout avec des faux papiers. Condamné par contumace à huit ans de prison, il sera interpellé en mai 2017, lors d’un contrôle, près de Marrakech.

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