Airbnb dans la ligne de mire des mairies du Golfe du Morbihan dont Vannes, Arradon et Larmor-Baden. Une réglementation impose l’enregistrement obligatoire des locations saisonnières afin de limiter leur nombre, un coup dur pour les investisseurs de la région. [REPUBLICATION]
"Pour moi, ce n'est pas l'idéal." Kathia Berthet, gérante d'une société de conciergerie à Vannes, ne cache pas son désarroi. Le durcissement des règles fiscales et administratives ne va pas dans son sens, nous a-t-elle avoué à la fin de l'été. Dans un logement prêt à accueillir de nouveaux locataires, elle soupire : "Je ne pense pas que ça changera grand-chose. Les locations de courte durée ne représentent pas plus de 5 % des logements ici. Ce n’est pas ça qui crée la pénurie."
Pourtant, les municipalités locales semblent convaincues du contraire. Six communes du Golfe du Morbihan, Larmi-Baden, Arradon, Vannes, Séné, Sarzeau et Saint-Gildas-de-Ruys, ont décidé de serrer la vis. Objectif : lutter contre la flambée des locations saisonnières qui, selon elles, aggrave la crise du logement et fait grimper les prix des loyers.
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Mettre un frein à l’hémorragie de logements
"Mon but, c'est de loger les Vannetais de la petite enfance à la fin de leur vie", martèle Hortence Le Pape, adjointe au maire de Vannes, chargée de l’urbanisme. Elle vise aussi les étudiants, qui seront près de 10 000 en 2030. "Des logements, il y en a. Mais beaucoup sont réservés aux touristes."
Face à cette situation, une proposition de loi transpartisane a été adoptée par l’Assemblée nationale en janvier 2024. Défendue par la députée Renaissance Annaig Le Meur et son homologue socialiste Iñaki Echaniz, la loi vise à aligner la fiscalité des locations de courte et longue durée. Adieu donc à la niche fiscale "Airbnb" qui permettait un abattement allant jusqu’à 71 % pour les locations meublées de tourisme, alors que les locations à l’année ne bénéficiaient que d’un maigre 30 %. Désormais, ce taux sera le même pour tous.
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Si les sénateurs ont réintroduit une petite porte de sortie en accordant un abattement de 50 % pour les meublés "classés", la disparition de cet avantage fiscal sonne comme la fin d'une ère pour de nombreux propriétaires.
Airbnb plie sous la pression
Airbnb, de son côté, tente de s’adapter, bon gré mal gré. "Nous soutenons un développement responsable", déclare la plateforme dans un communiqué publié ce 21 août 2024. À Vannes, Arradon et Larmor-Baden, l’enregistrement obligatoire est désormais de mise. La plateforme de détailler les étapes.
Les nouveaux hôtes doivent obtenir et afficher un numéro d’enregistrement sur leur annonce. Ceux qui ne se conformeront pas dans les trois mois verront leurs annonces supprimées.
Mais la Bretagne n'est pas un cas isolé. D'autres villes telles que Quimper, Saint-Malo ou Dinan ont déjà adopté des mesures similaires. La vague de régulation s’étend.
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Propriétaires sous pression
Pour Julien Le Texier, propriétaire d'un appartement à Vannes, cette nouvelle donne est un coup dur. Il a contracté un prêt sur 20 ans pour investir dans un studio destiné à la location sur Airbnb. Désormais, il doit limiter ses locations touristiques à six ans. "Au bout de six ans, je devrai passer à une location classique, et ça sera beaucoup moins rentable, confie-t-il. Je ne suis pas sûr de pouvoir amortir mon investissement."
Seule lueur d'espoir pour ces propriétaires : la ville de Vannes leur permet de louer à des étudiants pendant l'année scolaire sans contrainte estivale. Une petite marge de manœuvre qui pourrait néanmoins forcer de nombreux propriétaires à revoir complètement leur stratégie.
La régulation des locations saisonnières devient la nouvelle norme, et les communes du littoral semblent prêtes à tout pour récupérer des logements à destination de leurs résidents. Quant à savoir si ces mesures réussiront à freiner la crise du logement, les avis restent partagés.