Le torchon brûle au sein de l'ancien zoo de Pont-Scorff, transformé fin 2019 en centre de réhabilitation de la faune sauvage. Les différentes entités de la direction se déchirent sur fond de problèmes financiers. Si les salaires sont de nouveau versés, le climat est loin d'être apaisé.
Rien ne va plus dans l'ancien zoo de Pont-Scorff. Outre les problèmes financiers qui ont poussé le Tribunal de commerce de Lorient à placer la société gérante Bretagne Zoo en redressement judiciaire le mardi 23 février, le torchon brûle au sein de l'association "Rewild", cette coalition d'organisations non-gouvernementales (ONG) qui avaient décidé d'unir leurs forces pour la cause animale.
L'union faisait leur force
A l'origine souvenez-vous, il y avait cette belle idée : racheter le zoo de Pont-Scorff, pour le transformer en centre d’accueil et de réhabilitation pour animaux saisis. Objectif à terme : les remettre en liberté. Une cagnotte avait été lancée. En moins de cinq jours, 600.000 euros avaient été récoltés.
C'était en décembre 2019. Pour ce rachat, sept ONG s'étaient regroupées au sein d'une coalition dénommée Rewild. Parmi elles, trois piliers : le centre Athénas, les associations Sea Shepherd et Le Biome.
Des structures réunies qui ont depuis fait face ensemble à différents soucis : tantôt des difficultés de financement, tantôt des soupçons de négligences sanitaires, tantôt la crise économique liée à l'épidémie de Covid-19 qui ne permet pas le retour tant attendu du public pour la tenue de diverses animations. Les problèmes s'accumulent, en septembre dernier la préfecture du Morbihan pointe du doigt un certain nombre de dysfonctionnements. En février, Bretagne Zoo est placée en redressement judiciaire.
Du "divorce à l'amiable"...
La situation est devenue tellement critique en ce début 2021, qu'une des associations "piliers" de Rewild, le centre Athénas, décide début février de quitter le navire. Basé dans le Jura, ce centre de soins pour animaux sauvages faisait pourtant partie du projet dès son origine. On évoque "de profondes divergences de vue", un "divorce à l'amiable"...
Au sein de Rewild, le divorce est entamé. D'un côté : l'association Sea Shepherd pointe du doigt la mauvaise gestion du site dont le fonctionnement nécessiterait 80.000 euros par mois, dont 25.000 rien que pour rembourser les dettes accumulées. Sa présidente Lamya Essemlali parle de "politique de la terre brûlée" de la part de Jérôme Pensu. Elle s'engage à nourrir les animaux le temps de la procédure judiciaire et veut proposer un projet de reprise, si la liquidation judiciaire est prononcée.
... à "OPA hostile de Sea Shepherd"
"C'est une OPA hostile de la part de Sea Shepherd !" dénonce de son côté le gestionnaire Jérôme Pensu, un des rares "capacitaires" du fait de sa formation à pouvoir gérer ce type de structure.
Selon lui, Sea Shepherd a "obligé le gérant à déposer le bilan, en arrêtant du jour au lendemain ses versements à la SARL Bretagne Zoo. Lamya Essemlali et son entourage sont en pleine opération de déstabilisation auprès de l'ensemble du personnel..." Manipulation présumée qui aurait, selon lui, pour objectif d’effacer la dette du parc et de ne pas payer les centaines de milliers d’euros qui restent dus à l’ancien propriétaire du zoo Sauveur Ferrara.
A qui la faute ? Chacun se renvoie aujourd'hui la balle et défend "sa" solution.
"Gérance de fait" en question
Si d'un côté, Sea Shepherd et sa présidente Lamya Essemlali entendent aujourd'hui proposer un projet de reprise "en ayant cette fois la maîtrise totale sur la gestion du projet", cette solution pose, selon Jérôme Pensu, un problème de "gérance de fait".
Pour lui en effet : "aucun des gérants en titre ou de fait, ne peuvent se positionner comme repreneurs en cas de reprise ou de liquidation judiciaire. Sea Shepherd, ayant été « gérant de fait » en intervenant sur les finances, sur la gestion du personnel et des animaux, ne peut postuler à la reprise".
Gérance que Lamya Essemlali, elle, réfute argumentant que Sea Shepherd ignorait tout de ce qui se passait au sein de la SARL Bretagne Zoo.
Qui gérait vraiment le centre de réhabilitation de la faune sauvage ? Qui est donc responsable de la situation actuelle ? Et qui pourra reprendre la main sur l'ancien zoo de Pont Scorff ? Charge maintenant au Tribunal de commerce de Lorient de trouver les réponses à toutes ces questions.
D'ici là, le placement en redressement judiciaire aura au moins permis une chose : le paiement des treize employés qui étaient impayés en janvier. Quant aux 400 animaux, impossible de dire quand aura lieu leur remise en liberté tant espérée.
Salariés comme direction sont au moins tous d'avis sur une chose : éviter que ces animaux retournent au zoo.