Deux anciens skinheads ont été condamnés vendredi soir par la cour d'assises de l'Essonne à huit et cinq ans d'emprisonnement pour la mort de Clément Méric, tué lors d'une rixe à Paris en 2013, des peines moins lourdes qu'en première instance.
Après cinq heures de délibération, les deux accusés, Esteban Morillo et Samuel Dufour, ont été reconnus coupables de violences volontaires ayant entraîné la mort du jeune militant antifasciste Clément Méric, sans intention de la donner. Des violences volontaires aggravées par deux circonstances : l'usage d'une arme et la réunion.
"La vérité a été redite ce soir", a déclaré à l'AFP Me Cosima Ouhioun, représentant la famille Méric depuis le procès en première instance. "Clément Méric a été victime d'une agression par des bras armés par des poings américains, mais aussi par une idéologie violente qui a été un poison tant pour les accusés que pour les victimes", a-t-elle poursuivi.
Le 5 juin 2013, une brève rixe éclate entre militants d'extrême gauche et d'extrême droite, en marge d'une vente privée de vêtements de la marque Fred Perry. Sept secondes fatales à Clément Méric, 18 ans, qui s'écroule sur le bitume après avoir été frappé au visage.
Vendredi, les deux accusés ont accueilli leur condamnation dans le calme. Les deux anciens skinheads comparaissaient libres depuis deux semaines.
Des peines moins lourdes qu'en première instance
Esteban Morillo, 28 ans, avait reconnu avoir porté les coups mortels. En première instance, il avait été condamné à onze ans d'emprisonnement. En appel, il avait plaidé la légitime défense, se disant "désolé" de la mort "horrible" de Clément Méric mais assurant s'être défendu d'un "guet-apens" orchestré par les militants antifascistes.
Les assises de l'Essonne ont rejeté à la majorité absolue cette question de la légitime défense et l'ont condamné à huit ans d'emprisonnement. "C'est une peine moins lourde (...) mais c'est une décision très amère pour la défense" car "difficile à comprendre sur le plan de la vérité", a réagi son avocat Me Jérôme Triomphe. "Les passions politiques d'en face, la pression médiatique et surtout la pression idéologique de ceux qui s'étaient déjà attaqués à eux, ont été trop fortes", a-t-il estimé auprès de l'AFP.
Samuel Dufour, 27 ans, avait lui été condamné à sept ans en première instance. Même s'il n'avait pas frappé Clément Méric, la cour d'assises de Paris avait jugé que sa participation à la bagarre avait empêché les camarades de Clément Méric de venir en aide à la victime. En appel, il avait également assuré s'être défendu, ce que la cour de l'Essonne a rejeté, en le condamnant à cinq ans d'emprisonnement.
"C'est une affaire dans laquelle nos clients se sont défendus d'une agression extérieure, mais il était sans doute trop difficile pour la cour et les jurés de dire la vérité dans ce procès tellement symbolique", a commenté son avocat Me Grégoire Etrillard.
Ces peines sont moins lourdes que les réquisitions du parquet, qui avait demandé des peines équivalentes à la première instance, fustigeant l'"idéologie mortifère" de ces anciens skinheads, qui a abouti à la mort "absurde" de Clément Méric. Lors de leur examen de personnalité, les deux condamnés avaient assuré ne plus être en phase avec l'idéologie skinhead, Esteban Morillo assurant même ne "jamais avoir été vraiment impliqué" à l'extrême droite.
Les motivations de la cour n'ont pas été dévoilées vendredi soir. "Compte tenu de la complexité de votre affaire, je n'ai pas voulu allonger autrement le prononcé de la décision", a indiqué aux condamnés le président Thierry Fusina, précisant que la feuille de motivation leur sera communiquée lundi.
Au cours des deux semaines d'audience, témoins et expertises se sont souvent contredits et n'ont pas permis de lever toutes les zones d'ombre entourant le bref et violent échange de coups. La question de l'usage d'un poing américain a été longuement débattue, Samuel Dufour et Esteban Morillo niant formellement tout au long du procès y avoir eu recours. La cour les a reconnus coupables vendredi soir de "port d'arme prohibé".
La décision deviendra définitive à défaut d'un pourvoi en cassation.