Ils se considèrent comme les "oubliés de la santé". Les manipulateurs radio veulent faire entendre leurs revendications de salaire et de statut. Un mouvement national a été créé et une nouvelle journée d'action est prévue à Rennes ce mardi 21 janvier.
"Pas de radio, pas d'hosto!" c'est le slogan qui tourne en boucle dans les salles d'imagerie médicale des hôpitaux publics. Les 35000 manipulateurs radio de France sont au centre de tout : du diagnostic, du traitement, de la prévention,... et pourtant ils se considèrent comme "les oubliés de la santé".
Les "manip' radio" de Clermont-Ferrand en ont fait un clip.
Déficit d'image
"On nous reconnait tout juste un statut de personnel technique" nous explique Sophie (NDR, le prénom a été changé), manipulatrice radio au CHU de Rennes. "Nous faisons trois années d'études supérieures paramédicales, mais on ne nous reconnait qu'un BAC+2". Avant 1993, deux ans d'études étaient nécessaires, mais devant l'évolution des matériels et des techniques numériques, elles sont passées à trois ans, "j'ai fait mes études en trois ans, entre 2005 et 2008, mais sans le 'grade licence' qui va avec" déplore Sophie.
Un décret de 2016 reconnait pourtant un niveau licence aux manipulateurs sortis de formation après cette date. Un diplôme qui leur permet d'accéder directement en Master. "Pour les autres, c'est un parcours du combattant pour accéder à ces formations, or nous avons suivi le même enseignement! précise Sophie. Cela a pour effet de créer des disparités de grille salariale et d'avancement entre les plus anciens et les plus jeunes". Une différence de traitement qui agace, quand les premiers sont bien souvent les tuteurs-terrain des derniers. "Même métier, mêmes droits!" écrit Michel sur la page Facebook du collectif.
"Au-delà de notre activité d'imagerie médicale, déjà très vaste et en constante évolution, nous devons effectuer des actes infirmiers, comme poser des perfusions par exemple, ou soulever des patients, comme les aides-soignants... Pourtant, nous ne sommes considérés que comme des techniciens".
Dans une tribune postée sur le blog de Médiapart, les manipulateurs radio s'insurgent : "Nous sommes au centre de l'imagerie médicale, nous réalisons des actes de radiographie, IRM, scanner, et aide opératoire en radiologie interventionnelle. Nous sommes présents dans les traitements de radiothérapie et les examens de scintigraphie en médecine nucléaire. Notre métier est indispensable au diagnostic, aux traitement des patients, nous avons une place prépondérante dans le parcours de soins des malades dont nous sommes toujours au contact... N'est-ce pas la définition même du soignant?"
Pas de prime, pas de cotation
Les manipulateurs radio sont en grève depuis le 21 novembre dernier. A l'instar de la grève administrative des chefs de service des hopitaux publics, ils continuent de travailler, mais ne remplissent plus certaines tâches administratives qui, rappelle Sophie "ne nous incombent pas, tel que le définit notre profil de poste". Ainsi, les manipulateurs radio ne complètent plus les "fiches de cotation" après l'acte d'imagerie, ce qui bloque le processus de facturation de l'hôpital.
Sophie explique que les manipulateurs ont reçu des menaces de saisies-arrêt sur salaire de la part de la direction et des cadres de santé. "Devant la pression, nous avons repris les cotations le 24 décembre dernier. Mais nous les arrêterons à nouveau mardi prochain, jusqu'à satisfaction de nos revendications. On nous impose ces glissements de tâche sans contrepartie, nous n'en voulons plus".
Le 16 décembre dernier, Agnes Buzyn, ministre de la santé, annonçait l'extension de la prime de risque de 100 euros aux personnels exerçant au moins 50% de leur activité aux urgences. "Tous les services d'imagerie prennent en charge les patients des urgences, largement au-dessus de 50% de leur activité explique Sophie, sauf que la plupart d'entre nous ne touchons pas cette prime : Les IRM des urgences de Rennes, l'échographie, l'exploration fonctionnelle, pas de prime! C'est à la discrétion de chaque directeur d'hôpital, compte tenu du profil de poste. Des économies sont réalisées sur notre dos".
Salaire et reconnaissance
Le collectif national des manipulateurs radio explique que ses demandes de rendez-vous auprès d'Agnès Buzyn sont restés lettre morte. Sept manipulateurs venus de Paris, Toulouse et Saint-Brieuc ont toutefois été reçus à l'Assemblée Nationale le 15 janvier dernier par trois députés (deux LREM, Olivier Veran, neurologue, député de l'Isère, Christine Cloarec, député d'Ille-et-Vilaine, et une LFI, Caroline Fiat, aide-soignante, députée de Meurthe-et-Moselle). Ils ont pu leur rappeler leurs revendications de revalorisation salariales (300 euros nets) "au regard de leur niveau de compétences et de responsabilité" .
"On démarre à 1300 euros nets par mois. En fin de carrière, avec une ou deux spécialisations, on peut espérer gagner 2200 euros" explique Sophie. "C'est trop peu, d'autant plus que le gel de notre point d'indice depuis dix ans nous a fait perdre beaucoup de pouvoir d'achat".
Ils réclament également une reconnaissance de leur statut de soignant et de la pénibilité de leur métier, lié au risque de rayonnement, à l'exposition à des agents toxiques, et au port de charges lourdes. Un dernier point qui a de quoi fâcher, quand le gouvernement a supprimé dernièrement ces critères de pénibilité liés à leur métier, le replaçant de fait en activité sédentaire.
Ils attachent également beaucoup d'importance à la requalification de leur niveau d'études au grade licence. Des revendications que, précise le collectif reçu à l'Assemblée, le député Olivier Veran (rapporteur général de la Commission des Affaires Sociales) va faire remonter dans un courrier à Mme Buzyn. Il aurait également proposé une inspection du métier de manipulateur radio par cette même commission.
Reste l'impatience d'une profession qui s'estime oubliée depuis trop longtemps. La journée nationale d'action de mardi 21 janvier sera l'occasion de se faire entendre. Un rassemblement des manipulateurs radio du CHU de Rennes, du CH de Dinan, Fougères, Vitré et Redon est prévu devant la direction de l'hôpital de Rennes, puis devant l'Agence Régionale de Santé.