Elsa Koerner incarne cette nouvelle génération qui arrive aux responsabilités au sein du Parti communiste. Doctorante en sociologie, militante féministe, elle a connu son baptême électoral l’an dernier aux élections départementales. Elle sera candidate en juin prochain aux législatives à Rennes. En attendant elle défend le programme de son candidat Fabien Roussel pour la présidentielle. Entretien.
- Robin Durand : Déjà 5000 réfugiés ukrainiens accueillis en France depuis le 24 février. Certains sont même déjà arrivés en Bretagne. Ils bénéficient d’une «protection européenne temporaire». Votre candidat Fabien Roussel craint aujourd’hui une forme de discrimination parmi ceux qui fuient la guerre. Il pense notamment aux victimes de la guerre en Afghanistan ou en Syrie . Nous avons un droit d’asile à 2 vitesses ?
Elsa Koerner : Aujourd'hui en France, on constate que les réfugiés et les exilés sont confrontés à des situations dramatiques et l' Etat ne répond pas à ses devoirs d'accueil et de logement. Encore trop souvent il incombe aux collectivités locales de trouver une solution.
D'ailleurs quand les élus communistes sont aux manettes, ils font le maximum pour accueillir ces gens. On aimerait que les solutions mises en place pour les réfugiés ukrainiens soient étendues à l'ensemble des personnes qui fuient aujourd'hui la guerre et la famine.
- Robin Durand : L'ombre de Poutine et nos rapports avec la Russie planent désormais sur l'élection présidentielle. Il y a eu notamment ces tags " Poutine" et " KGB" inscrits sur les murs du local du parti communiste à Ploemeur. Votre réaction ?
Elsa Koerner : On ne doit pas faire d'amalgame. Poutine représente tout ce à quoi l'on s'oppose- une droite autoritaire qui s'allie avec des oligarques et des milliardaires pour faire passer des réformes très libérales.
Contrairement à d'autres formations politiques, nous n'avons pas été obligés de supprimer des millions de tracts parce qu'ils vantaient une proximité avec Vladimir Poutine.
- Robin Durand : Mais il y a quelques années, votre parti soutenait un régime autoritaire, l'Union Soviétique...
Elsa Koerner : Notre génération n'a rien à voir avec cela. Il y a eu un droit d'inventaire. Nous sommes le parti communiste "français". Nous voulons faire vivre un communisme du 21ème siècle.
- Robin Durand : La guerre en Ukraine a des répercussions sur notre économie et sur notre pouvoir d'achat notamment avec la hausse du prix du carburant. Le chèque énergie, la prime inflation et la hausse des indemnités kilométriques proposés par le gouvernement sont suffisants aujourd'hui ?
Elsa Koerner : Non car cela ne concerne pas tout le monde . Comme le dit si bien Fabien Roussel, les stations services sont les seuls endroits où ceux qui se font braquer sont les mêmes que ceux qui portent le pistolet.
- Robin Durand : Vous proposez de ramener la TVA sur les carburants à 5,5 %. Mais les taxes sur les carburants sont une rente fiscale pour l'Etat. Peut-il s'en priver ?
Elsa Koerner : Les rentiers sont surtout les actionnaires de Total qui font d'énormes bénéfices et qui en tirent des dividendes.
C'est pour cela que nous proposons de taxer les multinationales qui font des bénéfices de plus de 500 000 euros.
- Robin Durand : Vous êtes une militante féministe engagée au sein de l'association " Les Effronté-es". La journée internationale des droits de la femme a une nouvelle fois mis en évidence des inégalités salariales entre les hommes et les femmes, en moyenne 15%. L'indice de l'égalité professionnelle que doivent désormais calculer et publier les entreprises de plus de 50 salariés est suffisant ?
Elsa Koerner : On doit aller encore plus loin. c'est pour cela que nous proposons d'atteindre l'égalité professionnelle dans les 6 mois dans la fonction publique et en 1 an dans le secteur privé.
Si l'objectif n'est pas atteint dans les entreprises, c'est une administration judiciaire qui s'en chargera.
- Robin Durand : Fabien Roussel propose d'offrir aux électeurs la " France des jours heureux" . Vu le contexte actuel , ce slogan n'est il pas décalé ?
Elsa Koerner : Non. Notre programme est audacieux et ambitieux. Vous savez avant la guerre en Ukraine il y avait déjà un climat morose avec la crise sanitaire et le dérèglement climatique.
Nous disons qu'à partir du moment où le Conseil National de la Résistance , en pleine occupation nazie, a pu écrire et proposer le programme des jours heureux alors nous aussi, nous pouvons porter cette ambition.
- Votre candidat est une des révélations médiatiques de cette campagne électorale. Une bonne surprise pour votre génération ?
Elsa Koerner : Oui car elle n'avait jamais pu auparavant voter pour un candidat communiste pour une élection présidentielle . On va enfin pouvoir le faire.
- Robin Durand : Le Parquet national financier vient d'ouvrir une enquête " pour détournement de fonds publics". Fabien Roussel est soupçonné d'emploi fictif alors qu'il était assistant parlementaire. C'est un coup dur pour sa campagne ?
Elsa Koerner : Fabien Roussel prend acte de l'ouverture d'une information relative à son métier d'attaché parlementaire.
Comme tout citoyen, il se rendra disponible en toute transparence pour celle-ci.
- Robin Durand : Le vote utile à gauche aujourd'hui ce n'est pas Jean-Luc Mélenchon ?
Elsa Koerner : Nous pensons que le vote utile c'est d'abord le vote de convictions. Nous voyons aussi que les intentions de vote progressent à la fois pour Fabien Roussel et Jean-Luc Mélenchon.
Nous ce que nous voulons c'est de porter les gauches à un niveau suffisamment fort.
- Robin Durand : Il y aura des alliances pour les élections législatives ?
Elsa Koerner : Nous avons toujours eu la politique de la main tendue. Nous souhaitons reconstruire une majorité de gauche à l' Assemblée nationale en juin prochain.