"Choc", "décision scandaleuse", la décision du gouvernement de mettre à contribution EDF pour contenir la facture d'électricité est mal vécue à tous les étages de l'électricien, des syndicats au PDG. Elle suscite de profondes interrogations sur l'avenir du groupe. Et un appel à la grève est lancé pour le 26 janvier.
Ils ont décidé de faire front commun. Les quatre principaux syndicats du secteur énergétique, FO, CCFE-CGC, CFDT et FNME-CGT, ont donc lancé un appel à la grève des salariés d'EDF, pour le 26 janvier. Le but est simple : protester contre les mesures que le gouvernement prévoit d'imposer au groupe afin de contenir la hausse des factures d'électricité.
Après une réunion interfédérale, les quatre syndicats de branche appellent "à protester contre cette décision scandaleuse d'augmentation du plafond de l'Arenh (Accès régulé à l'électricité nucléaire historique, ndlr), qui vient spolier le rôle d'EDF, voire organiser la destruction d'EDF". C'est ce qu'a déclaré à l'Agence France Presse (AFP) Fabrice Coudour, le secrétaire fédéral de la FNME-CGT. "La situation est grave, l'attaque est lourde de sens et la riposte doit être collective", a estimé de son côté FO Energie et Mines.
La situation est grave, l'attaque est lourde de sens et la riposte doit être collective
FO Energie et Mines
Les modalités d'actions pour le mercredi 26 janvier ne sont pas encore définies. Pour Sandrine Roche, responsable syndicale CGT du Comité Economique et Social d'EDF Commerce, "il ne faut pas s'attendre à une grande manifestation nationale à Paris, mais plutôt des mouvements régionaux, avec sans doute en Bretagne un cortège à Rennes ou Brest, voire les deux. On commence juste à se mettre en ordre de bataille".
Huit milliards d'euros perdus
Pour mieux comprendre cette colère, il faut revenir quelques jours en arrière. Dans un contexte de flambée des prix de l'énergie et afin de limiter la hausse pour les consommateurs, le gouvernement a enjoint jeudi 13 janvier à EDF - dont l'Etat possède 84% - d'augmenter de 20% le volume d'électricité nucléaire vendu à prix réduit à ses concurrents cette année, en demandant à ce que ce tarif avantageux soit répercutés aux clients finaux.
EDF va vendre à un prix réduit jusqu'à 40% de sa production électrique en 2022, au lieu de vendre aux prix forts du marché, et perdre des milliards d'euros - environ 8 milliards sur son excédent brut d'exploitation 2022, selon lui.
Le PDG d'EDF lui aussi choqué
Une décision qui a ému jusque dans les plus hautes sphères de l'énergéticien. Dans un message interne aux "managers" d'EDF, le PDG Jean-Bernard Lévy a vivement critiqué la décision du gouvernement. "Après l'avoir beaucoup combattue, nous vivons cette décision comme un véritable choc", a-t-il écrit. "Beaucoup d'entre vous m'ont fait part de leur soutien, voire de leur indignation, et je partage votre émotion".
La décision du gouvernement s'est ajoutée à de nouveaux retards pour l'EPR de Flamanville et à l'extension du problème de corrosion sur des systèmes de sécurité à de nouveaux réacteurs qui sont désormais cinq à l'arrêt en plein hiver. Le cours d'EDF a plongé à l'issue de cette semaine noire. "Ces mauvaises nouvelles ébranlent le groupe", a reconnu le PDG. "Ce sont les investissements du groupe EDF dans le système électrique qui garantiront dans la durée la stabilité des prix de l'électricité et la sécurité d'alimentation électrique du pays, et qui assureront la réussite de la transition bas carbone de la France", a réagi de son côté la CFE Energies. Elle a dénoncé un "saccage d'EDF orchestré par pur calcul électoral", à quelques mois de l'élection présidentielle.
Jean-Bernard Lévy a promis des annonces "sous un mois" pour renforcer le bilan d'EDF. Déjà lourdement endetté, EDF fait face à de nombreuses dépenses pour maintenir son parc nucléaire vieillissant et investir dans les énergies renouvelables.
"Nous serons aux côtés d'EDF pour les aider à passer cette difficulté", avait déclaré la semaine dernière Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, relançant des spéculations sur une possible recapitalisation. En attendant, des agences de notation, qui scrutent la solvabilité de l'entreprise, ont déjà abaissé la note d'EDF ou menacé de le faire, ce qui pourrait renchérir le taux auquel le groupe emprunte.
D'autres actions notamment en Bretagne
Un appel distinct à une grève reconductible a été lancé à partir du 25 janvier, pour demander une hausse des salaires dans l'ensemble du secteur de l'énergie, par la seule FNME-CGT.
Quelques sites ont devancé l'appel du 25 et sont en grève depuis lundi, en l'occurrence des centrales thermiques à flamme, fonctionnant au gaz et au fioul. Notamment la Cetac (centrale d'exploitation des turbines à combustion), qui pilote six petits sites de production en Ile-de-France et en Bretagne (à Brennilis et Dirinon dans le Finistère), et la centrale de Martigues, pour une capacité indisponible d'environ 2.300 MW au total, selon la CGT.