Après l’annonce par le ministre de la Santé du rétablissement "sous conditions" du droit de visite aux résidents, les directeurs d’Ehpad sont assaillis par les demandes des familles. Alors ils tempèrent : "rompre la solitude est important, mais ça ne peut se faire que progressivement."
Les visites des familles aux résidents des Ehpad avaient été suspendues le 11 mars. Le ministre de la Santé Olivier Véran a donc annoncé dimanche qu’elles allaient pouvoir reprendre dès ce lundi 20 avril, dans des conditions "extrêmement limitées", avec pas plus de deux visiteurs, sans contact physique, et sous la responsabilité des directions d’établissements.
Le confinement en EHPAD est difficile à vivre pour nos aînés et leurs proches. C’est pourquoi, à la demande d’un résident, sous la responsabilité du directeur d’établissement et dans le cadre d’un protocole strict, les visites pourront reprendre dès demain. pic.twitter.com/LtNbCHdHJX
— Olivier Véran (@olivierveran) April 19, 2020
En Bretagne, les directeurs des Ehpad saluent la volonté du ministre de limiter la solitude des résidents, mais restent prudents sur une mise en place rapide des visites.
Ce lundi matin, les Ehpad ont déjà reçu les premiers appels des familles
Au lendemain de l'annonce du ministre, les familles ont évidemment commencé à appeler les Ehpad pour obtenir des visites de leurs proches.
Pour Bertrand Coignec, le président de la FNADEPA Bretagne (associations de directeurs d'établissements et services pour personnes âgées), si le lien entre les résidents et les familles est capital pour éviter que certains se laissent aller (ce qu'on appelle le syndrome du glissement), il faut malgré tout ne pas précipiter la reprise des visites."
Ne pas basculer d'un coup du "tout protection" à la prise de risques, ne pas réduire à néant les efforts consentis...
Sur les 484 Ehpad de Bretagne, 56 avaient au 17 avril été touchés par des cas de Covid-19, avec 50 décès à déplorer.
Pour Bertrand Coignec, le retour des familles "ne peut donc pas s'organiser partout de la même façon, et du jour au lendemain. Le rétablissement du droit de visite se fera progressivement, au cas par cas, en fonction des établissements, et des personnes âgées concernées".
"Pour les établissements qui ont connu des cas de Covid, précise le président de la FNADEPA Bretagne, il va sans doute falloir attendre avant d'organiser des visites. À l’intérieur de ces Ehpad, les situations sont encore tendues, et la priorité absolue reste la non-propagation du virus."
Pour les structures qui n’ont pas été touchées, la reprise des visites ne se fera pas non plus d'un seul coup.
"Là encore, ajoute Bertrand Coignec, on ne peut pas basculer en un jour de la protection absolue des résidents, à la prise de risques. Cela dépendra notamment de l’architecture de ces Ehpad. Et il y a des endroits où ce sera moins facile qu’ailleurs."
Contact visuel depuis l'extérieur, par la fenêtre, ou depuis un parking
"D’abord, rappelle le président de la FNADEPA Bretagne, il n’y aura pas de contacts physiques, les familles resteront à l’extérieur. Le contact visuel pourra se faire à travers la vitre d’une salle d’activité, ou bien à une fenêtre, depuis un étage par exemple, quand ce sera possible."
"À l’extérieur, il faudra aussi, pour cause de météo, aménager parfois un espace couvert pour abriter les familles. Elles ne pourront pas se croiser. Après chaque visite, il y aura une désinfection. Bref cela va demander du temps et du personnel. Ça ne s'improvise pas."
"Ne pas réduire à néant les efforts consentis..."
"Et puis, souligne Bertrand Coignec, il faudra surtout faire confiance aux professionnels pour déterminer les priorités. Au-delà du risque de Covid, tous les résidents ne sont pas égaux face à la solitude. Tous souffrent, mais certains glissent malheureusement plus rapidement que d’autres."
"Là où c’est possible, les premières visites vont commencer dès ce début de semaine, mais au vu de l’organisation à mettre en place, toutes les familles ne pourront sans doute pas voir leurs proches avant 15 jours ou 3 semaines. Se précipiter pour accéder à toutes les demandes réduirait à néant les efforts consentis depuis 5 semaines pour épargner les résidents."
Dans cet Ehpad rennais touché par le Covid, il va falloir attendre un peu pour les visites
Parmi les établissements qui ne vont pas rétablir tout de suite le droit de visite, le Clos Saint-Martin à Rennes. Ici, 5 résidents sont décédés du Covid-19. Le site a été le premier touché en Ille-et-Vilaine le 19 mars.
"Chaque résident est confiné dans sa chambre, explique le directeur Gilbert Frangeul, et certains qui présentent des signes cliniques, comme un peu de toux ou de fièvre, sont même à l’isolement. Nous les visitons, nous les soignons, en étant protégés de la tête aux pieds comme des cosmonautes avec du matériel qu’on a eu un mal de chien à récupérer."
"On a vécu une véritable tempête, c’est un peu mieux c'est vrai, mais nous n’allons pas pouvoir organiser des visites dès maintenant. Le risque est encore trop élevé."
Et les tests dans les Ephad ?
Dans mon Ehpad rennais du Clos Saint-Martin, ajoute Gilbert Frangeul le directeur, "la médecine du travail doit nous rendre visite ce lundi pour déterminer qui parmi les salariés et les résidents vont être testés. Elle prendra ensuite sa décision avec le CHU."
Bertrand Coignec, le président de la FNADEPA Bretagne, attend lui de nouvelles consignes pour l'ensemble de la Bretagne.
"Jusqu’ici, dit-il, des politiques différentes ont été menées en fonction des départements. Et ce n’est pas possible. Doit-on tester tous les salariés ? Tous les résidents ? Seulement ceux qui présentent des symptômes ? Les tests doivent-ils être faits par des labos publics ou privés ? Il faut absolument une harmonisation."